Il y a 20 ans, l'Afrique du Sud gagnait sa première coupe du monde de rugby, aux dépens de la Nouvelle-Zélande (15-12), symbole d'une Coupe du monde entravée de suspicions envers les Sud-africains, sous pression politique (président Nelson Mandela) selon certains observateurs.
Le 24 juin 1995, la troisième coupe du monde de rugby trouva son champion, en la personne de l'équipe de l'Afrique du Sud, pays organisateur, à l'Ellis Park de Johannesburg. Après prolongation et par un drop de l'ouvreur Joel Stransky, elle gagna le trophée Webb Ellis - du nom du fondateur de ce sport, au XIXe siècle -, face à la Nouvelle-Zélande, pourtant favorite, avec des joueurs comme l'ouvreur Andrew Merhtens ou l'ailier Jonah Lomu.
Retour au pays maudit
Ce qui m'incite à faire ce billet sur ce sujet est lié à un papier de l'Équipe Mag, extension hebdomadaire du quotidien sportif français, sur le retour de Jonah Lomu en Afrique du Sud, en début d'année 2015. Soit, près de 20 ans après l'événement. À 40 ans désormais, sous dialyse, en attendant une nouvelle greffe des reins, l'ancien 3/4 aile All Black revient en Afrique du Sud, là où 20 ans plus tôt, il devint la première "star" du rugby professionnalisé, avec 7 essais en Coupe du monde, tout en perdant la finale contre les Springboks. Ces derniers étant sa bête noire car Lomu n'a jamais marqué d'essais contre eux durant sa carrière internationale.
Du Cap à Johannesburg, Lomu fit partager sa passion de l'ovalie auprès des jeunes rugbymans noirs des townships, retrouva des anciens adversaires devenus des amis tels le 3e ligne et capitaine de l'époque François Pienaar, le 3/4 aile James Small ou encore le 1/2 de mêlée Joost Van der Westhuizen, avec qui il évoqua des souvenirs de cette finale, évidement, mais aussi sur les questions de santé. En particulier avec Van der Westhuizen puisque ce dernier est atteint de ce qui est appelé la maladie de Charcot depuis 2011, maladie incurable paralysant progressivement le corps et mortelle dans les cinq ans après le diagnostic. Du coup, tant pour l'un que pour l'autre, cela résonne comme une dernière fois avant que la faucheuse n'arrive à leur porte respective.
Une légende dorée...
Cette coupe du monde 1995 a été immortalisée au cinéma par le film Invictus de Clint Eastwood, notamment lorsque le président Mandela (interprété par Morgan Freeman) remit le trophée à Pienaar (interprété par Matt Damon), à l'issue du match. Cette image d'un président noir remettant un titre à un Afrikaner (blanc) fut un symbole de la nation arc-en-ciel, voulue par Madiba dès le début de sa présidence en 1994. Et quelque part, cette victoire des Springboks en 1995, qui avaient l'image d'être l'équipe du régime d'apartheid jusqu'à présent, fut également la sienne, pour aboutir à une (relative) unité du pays, à défaut d'avoir appliqué (très) partiellement le programme pour lequel il fut élu, notamment auprès des noirs, majoritaires dans le pays.
Bref, une légende dorée s'est vite installée auprès des rugbyman Sud-africains sur la fin des années 1990, devenus des héros de la patrie. Et Lomu, d'après l'article dans l'Équipe mag, reconnut une "force spirituelle" de la part de Mandela auprès des Springboks, indiquant par ailleurs que le président Sud-africain "avait fait un rêve et ce rêve était trop grand pour nous [All Blacks]."
... de moins en moins solide
Cette légende dorée n'en est pas moins écornée, dès le départ. En effet, la demi-finale entre l'Afrique du Sud et la France n'aurait pas dû être jouée selon certains spécialistes du rugby, compte tenu du déluge qui s'était abattu sur Durban. Et à ce moment-là, ça aurait été les bleus du 3/4 centre Thierry Lacroix, du 3e ligne Abdel Benazzi ou encore du 1/2 de mêlée Fabien Galthié qui seraient allés en finale. Du coup, la suspicion de pression politique au plus haut niveau de l'État Sud-africain ne fut pas écartée. D'autant plus que l'arbitre du match, le gallois Derek Bevan, fut soupçonné d'être acheté par les Sudafs en raison du fait qu'il reçut une montre en or de la part de la Fédération sud-africaine de rugby, peu après la finale, qu'il accorda l'essai du 3e ligne springbok Ruben Kruger, ce dernier avouant plus tard qu'il n'aurait pas du être validé et enfin un refus d'accorder des essais aux français, notamment à Benazzi suite à une occasion française à quelques centimètres de la ligne d'en-but. Par ailleurs, les médias néo-zélandais, se basant sur des témoignages du staff All black de l'époque, soupçonnèrent un empoisonnement puisque la moitié de l'équipe Néo-zélandaise fut victime d'intoxication alimentaire l'avant-veille de la finale.
Mais surtout, l'ombre du dopage rôde autour des champions du monde 1995. Après tout, c'est une période où les produits dopants comme l'EPO sont monnaie courante dans le sport professionnel (cf Tour de France 1998 et l'affaire Festina). Cette suspicion grave est renforcée par les vagues de maladies touchant des springboks des années 1990. Dans un reportage diffusé en 2014, l'émission Stade 2 (sur France 2, voir vidéo ci-dessous), il en fut question puisque le cas de Van der Westhuizen fut évoqué, ainsi que ceux de Tinus Linee, un ancien 3/4 centre des années 90, pas champion du monde, mais qui est mort de la maladie de Charcot en novembre 2014 (quelques mois après le reportage), et du 3e ligne Kruger, mort en 2010 d'une tumeur au cerveau. Ça fait froid dans le dos! Ces personnes semblent être des sacrifiés pour une cause ouvertement politique.
Et cela tombe très mal, à un moment où l'Afrique du Sud est en proie à une xénophobie (pour ne pas dire afrophobie) latente, à un parti dominant (African national congress, ANC) où la corruption s'est généralisée, à un président (Jacob Zuma) peu inspiré et englué dans des affaires, l'un des ciments de l'unité sud-africaine montre ses pieds d'argile, d'autant plus que l'africanisation des springboks, sans cesse débattue depuis plus de 20 ans, peine à se concrétiser puisque le rugby reste (encore) le sport de la minorité blanche.
P.S: les vidéos ci-dessous valent le coup d'être regardées, je vous l'assure, chers lecteurs.
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Coupe du monde de rugby à XV 1995 - Wikipédia
Les Springboks battirent l' équipe de Nouvelle-Zélande, les All Blacks, en finale par 15-12. Les Springboks , très longtemps un des symboles de l' apartheid, gagnent devant le président noir Ne...
https://fr.wikipedia.org/wiki/Coupe_du_monde_de_rugby_%C3%A0_XV_1995