Dans un contexte de chômage massif et d'inégalités croissantes, les travailleurs immigrés sont pris à partie en Afrique du Sud, avec plusieurs morts ces derniers jours.
Le Kwazulu-Natal, une des régions les plus peuplées et les plus riches d'Afrique du Sud, avec Durban comme capitale régionale, est en effervescence actuellement. Le roi de l'ethnie zoulou a lancé une pique sur les immigrés, forçant ses compatriotes ethniques à se défouler sur eux, faisant plusieurs morts notamment plusieurs morts, dont deux personnes d'origine Congo-zaïroise, selon les déclarations officielles. Le président sud-africain Jacob Zuma, qui est issu de l'ethnie zoulou, a appelé à l'arrêt de ces violences, qui se répandent dans la "nation arc-en-ciel", puisque des incidents ont été relevés à Johannesburg, la capitale économique du pays.
Un bouc émissaire
En Afrique du Sud, les travailleurs immigrés viennent de plusieurs pays (Congo-Zaïre, Zimbabwe, Mozambique, Éthiopie, Burundi, Lesotho, Malawi, Somalie, etc.) et ce n'est pas la première fois qu'ils sont pris à partie par les Sud-africains, notamment la majorité noire. Des incidents xénophobes s'étaient déjà exprimé dans le pays en 2008, avec plusieurs dizaines de morts, notamment des Zimbabwéens. Mais pourquoi cela revient à la surface maintenant, avec le roi zoulou qui agite la peur de l'étranger voleur d'emplois aux Sud-africains, comme le fait le Front national en France au sujet des immigrés dans l'hexagone?
La raison est évidente. L'économie sud-africaine est en panne de croissance forte, remplie d'inégalités énormes. Le chômage est massif du côté de Pretoria, avec 24,9% de la population active qui est au chômage selon Statistics South Africa, l'institut statistique local. Ce chômage de masse est encore plus préoccupant quand on regarde celui des 15-24 ans, car près de la moitié de la population active de cette classe d'âge est en recherche d'emploi, d'après des données de la Banque mondiale. Pis, ce chômage a augmenté ces dernières années, à tel point qu'il est supérieur à ce qu'il était en 1994, au moment où le Congrès national africain, (African national congress, ANC) arrive au pouvoir, avec Nelson Mandela comme président de l'Afrique du Sud.
Une inaction politique
Les propos de Zuma condamnant les violences en cours sont certes plein de bon sens, mais ils arrivent tardivement, comme le rappelle Julius Malema, un ancien de l'ANC qui a fondé son parti, les Combattants pour la liberté économique (Economic freedom fighters), au passé bien trouble tout de même. Puis l'ANC, au pouvoir depuis 21 ans, montre ses limites car l'engagement de réforme agraire n'a pas été fortement poussé par Mandela et ses successeurs, de même que la minorité blanche, tenant les leviers de commande depuis la colonisation et l'apartheid, reste épargnée et peut se barricader dans ses propriétés qui ressemblent à des mini-forteresses. Pis encore, la mue sociale-libérale de l'ANC, se portant en rempart du mode de production capitaliste, pousse le pouvoir à réprimer dans le sang des grèves, comme celle des mineurs à Marikana en 2012. D'ailleurs, les électeurs l'ont partiellement gardé en mémoire vu la victoire à la Pyrrhus de l'ANC lors des dernières élections générales, en avril 2014.
En tout cas, malgré des manifestations de soutien aux travailleurs immigrés, comme à Durban le jeudi 16 avril, personne n'est à l'abri. Encore moins des Sud-africains d'origine étrangère, surtout africaine (à croire que ceux originaires d'autres continents seraient plus respectables pour les Sud-africains). Un de mes amis m'a brièvement raconté son point de vue sur cette actualité menaçante avec la phrase suivante: "Nous nous battons pour nos vies ici, ils nous tuent comme des chiens!"
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