Au sortir d'un nouveau Tournoi des VI nations médiocre, le staff du XV de France, avec Philippe Saint-André en tant que sélectionneur, aura beaucoup à faire peu de mois avant la Coupe du monde. Et ça urge!
Il va falloir s'y habituer à force. L'équipe de France de rugby reste dans l'inconstance chronique, capable du meilleur (très rarement), comme du pire (très souvent). Malgré une prestation enthousiasmante au niveau du jeu proposé par les bleus, samedi 21 mars en Angleterre, ils restent englués dans la spirale de la défaite, mais de manière très amère cette fois. Ce match n'efface pas néanmoins, l'impression de vide sidéral qui habite le XV de France et son sélectionneur, Philippe Saint-André, dont le bilan est catastrophique depuis son intronisation en 2012. Et il va devoir régler un chantier de manière express, d'autant plus que les premières pierres sont loin d'être solides.
Recherche buteur désespérément
Le premier grand souci des bleus, c'est les tirs au but (pénalités, transformations). Les Français affichent l'un des plus faibles taux de réussite au pied (63,6%) durant le Tournoi, ce qui en fait une des grandes nations du rugby les plus faibles dans ce secteur. Or, l'importance du tir au but est telle que le XV de France ne pourrait rivaliser avec les Anglais, les Irlandais, les Néo-zélandais, les Australiens ou les Sud-africains durant un match. Et c'est pas faute d'avoir essayé plusieurs tireurs de la part de PSA durant son mandat (Frédéric Michalak, Morgan Parra, Jean-Marc Doussain, Maxime Machenaud, Rory Kockott, Camille Lopez, Jules Plisson, etc.). Mais tous ont failli, à un moment donné dans un match, qui fait que ça change en permanence. Aucune stabilité.
Et pourtant, en club, certains d'entre eux, notamment Lopez, Parra et Plisson, sont des artilleurs réguliers et efficaces. Est-ce la pression autour de ce domaine du jeu qui les inhibe? Le manque de confiance de la part du staff? Peut-être. Perso, je pense que le seul joueur qui serait le plus à-même de buter de manière efficace pour les bleus est le demi de mêlée Morgan Parra, car son expérience en club (champion de France avec Clermont en étant le buteur attitré en 2010) et en sélection (tireur pour le Grand chelem 2010, pour la demi-finale de la Coupe du monde 2011) parlent pour lui. Mais PSA et ses acolytes (Yannick Bru et Patrice Lagisquet) n'ont pas l'air de lui faire confiance et sa blessure durant le match contre le Pays de Galles l'a stoppé dans son élan.
Une défense à revoir?
Le problème remarqué lors du dernier match est l'explosion de la défense française. Jusqu'alors, c'était le motif de satisfaction autour du XV de France, avec 46 points encaissés, dont 2 essais encaissés. Mais dans l'orgie rugbystique à Twickenham, la France a pris 55 points dans la valise et 7 essais encaissés. Et c'est dur à avaler car les plaqueurs français sont redoutables, notamment le capitaine Thierry Dusautoir et son comparse de la 3e ligne, Bernard Le Roux. Mais par rapport à ce match, c'est plus au niveau individuel que ça se joue, donc, le système défensif français n'est pas à attaquer, dans ses fondations.
Concurrence pour être dans les 30
Le rugby français a la fâcheuse habitude de contredire le proverbe: "les absents ont toujours tort." C'est bien made in France, ça. Notamment au niveau de la charnière, où Sébastien Tillous-Borde, pourtant constant avec Toulon, n'affiche pas la même sérénité en bleu, et Plisson qui a failli dans son rôle de buteur, sans pourtant être à la rue dans l'animation du jeu. Ce qui relance un Parra, un Machenaud, un Michalak, un François Trinh-Duc. Néanmoins, certains titulaires de samedi dernier ont marqué les esprits. Noa Nakaitaci a donné des frissons son essai presque kamikaze et ses chevauchées tranchantes. Loann Goujon a été percutant en 3e ligne centre. Le pilier gauche Vincent Debaty, habituel remplaçant, a prouvé qu'il pouvait être un titulaire sur un match entier, avec son essai en suivant la course de Nakaitaci. Ou la paire de centres Maxime Mermoz-Gaël Fickou s'est globalement bien comportée, notamment au niveau offensif. Ces joueurs-là mettent ainsi la pression sur les titulaires ou remplaçants habituels (Teddy Thomas ou Sofiane Guitoune; Eddy Ben Arous; Wesley Fofana, Alexandre Dumoulin, Rémi Lamerat ou Mathieu Bastareaud).
Virer Saint-André? Pas question!
Depuis que PSA est à la tête des bleus, et avec le bilan qu'il possède en ce moment, plus d'un amateur de rugby aimerait voir sa caboche au bout d'une pique (pour les plus extrêmes). Après la défaite au Stade de France contre les Gallois, Saint-André a clairement indiqué qu'il resterait jusqu'à la Coupe du monde, claironnant que ce n'est pas un rat qui quitte le navire. Puis, la Fédération française de rugby n'a pas pour réflexe de virer le sélectionneur peu avant la grande compétition du rugby mondial. Pourtant, comme je l'ai déjà dit, le bilan de PSA est le pire pour un sélectionneur du XV de France depuis la professionnalisation de l'ovalie, en 1995. Et comme le sport, qui est un secteur économique comme un autre et tend à avoir un comportement de management semblable aux autres secteurs économiques, il aurait été logique de voir Saint-André viré pour motif de performances insuffisantes. Mais pas ici, donc il s'en tire.
Il a encore des raisons d'espérer. Le stage qu'il fera mener à groupe dès juillet permettrait (selon lui) aux joueurs de rattraper le retard physique sur ceux des pays de l'hémisphère Sud. Puis, en 1999 et en 2011, à chaque fois après un Tournoi médiocre ou catastrophique, les bleus sont allés en finale de la Coupe du monde. Donc PSA croit en son étoile et il n'a pas tort. Cependant, il y a une différence de taille. C'est que dans les deux cas cités, ces contre-performances dans le Tournoi étaient contrebalancées par des Grands chelems réalisés auparavant (2 Grands chelems d'affilée pour les bleus de Jean-Claude Skrela en 1997 et 1998; un Grand chelem en 2010 pour ceux de Marc Lièvremont), signe de goût de la victoire plus fréquent à ces moments-là. Et PSA n'a pas réalisé de Gran chelem durant son mandat.