Pour un contrat de deux ans, l'entraîneur portugais s'assoit sur le banc de l'Olympique de Marseille, succédant à Rudi Garcia. Un profil, bien que douteux en raison par son passé récent, plaît à Zubizarreta, marquant ainsi l'augmentation de la marge de manœuvre du directeur sportif et que ce duo devra être en osmose pour redresser le club phocéen.
Au moins, on peut dire que ça n'a pas trainé. Moins d'une semaine après l'annonce du départ de Rudi Garcia et quatre jours après la fin de la saison calamiteuse de l'Olympique de Marseille (OM), l'arrivée d'un nouvel entraîneur est annoncée ce mardi 28 mai et il s'agit du Portugais André Villas-Boas. Libre de tout contrat, il s'engage pour deux ans, avec un salaire net qui serait de 450.000 euros mensuels. Bien plus que Garcia, mais bien moins que ce qu'il ait perçu à Chelsea, Tottenham, Zenith Saint-Pétersbourg ou Shanghai.
Entraîneur surcoté?
Cette arrivée a de quoi poser question. Il faut dire que Villas-Boas avait détoné le monde du foot avec des débuts en fanfare avec le FC Porto, gagnant le championnat du Portugal, la coupe du Portugal et surtout la Ligue Europa en 2011, laissant imaginer un destin similaire à celui de son compatriote José Mourinho. Mais ses passages à Chelsea, Tottenham ou au Zénith Saint-Pétersbourg ont refroidi l'enthousiasme qui existait sur son cas, même si en Russie, il gagna la coupe de Russie et le championnat de Russie.
Mais plus inquiétant est son profil tactique et philosophique. Se considérant comme un entraîneur d'esprit offensif à ses débuts, il a évolué vers un registre plus défensif, plus restrictif en termes de fond de jeu et plusieurs joueurs étant passés sous ses ordres relatent ça de manière très critique à son égard. Et ce qui me pose problème, c'est qu'il ne semble pas être du genre à lancer des jeunes du centre de formation en équipe première. A priori, il n'est pas un bâtisseur du style Marcelo Bielsa, pour prendre cet exemple marquant à Marseille. Tout ça fait qu'il a, aux yeux de nombreux supporters, l'image d'un entraîneur surcoté, qui s'est vu trop beau. Est-ce qu'il aura appris de ses échecs pour rebondir en portant la destinée de l'OM? Seul le temps nous le dira de manière claire et sans appel.
Ce qui est important, dans cette affaire, c'est que c'est Zubizarreta qui a fait venir Villas-Boas sur la Canebière. Signe que le directeur sportif a pris de l'importance au sein de la direction du club car depuis son arrivée, peu après celle de Garcia en octobre 2016, sa marge de manœuvre était limitée au niveau sportif en raison de l'importance prise par Garcia, via la confiance que lui accordait aveuglément - et stupidement - le président Jacques-Henri Eyraud; alors que Zubi, de par son passé de footballeur - gardien du Barça et de l'équipe d'Espagne dans les années 90 -, puis son passé de directeur sportif à l'Athletic Bilbao et au Barça, affiche une grande connaissance du foot.
Avec le départ de Garcia, c'est l'occasion de voir véritablement les compétences de Zubizarreta. Le choix de Villas-Boas, qu'il connaît depuis longtemps, laisse imaginer que les deux hommes comptent travailler en osmose pour bâtir au plus vite un effectif qui soit en mesure d'aller sur le podium du championnat la saison prochaine. Et du côté de joueurs à fort potentiel, voir si Zubi saura véritablement les convaincre de rejoindre l'OM et que les recherches effectuées via ses réseaux en Espagne (principalement) ou ceux de Villas-Boas en Amérique du Sud (entre autres), permettent de donner de l'espoir.
En tout cas, Villas-Boas arrive dans un contexte périlleux. Une saison sans qualification à une compétition européenne, aggravant le déficit du club déjà sous l'œil du fair-play financier, l'OM est attendu au tournant, à court terme pour vendre des joueurs - attention à ne pas brader, comme au temps de l'ère Louis-Dreyfus -, avant d'éventuellement recruter. Or, si AVB est arrivé à l'OM, c'est qu'il a dû avoir des garanties en matière de recrutement pour relancer la machine. Ce qui suppose que Frank McCourt, l'actionnaire majoritaire du club phocéen, y mette encore de sa poche pour assainir les finances du club et avoir un budget pour le moins solide. Ce qui implique un changement de stratégie. Jusqu'à l'été 2018, il était question de recruter des joueurs expérimentés - indemnités de transfert et salaires importants - pour avoir des résultats rapidement. L'échec relatif de cette stratégie - n'oublions pas quand même que l'OM alla jusqu'en finale de la Ligue Europa en 2018! - incite à changer de cap et à s'inscrire sur une plus longue période.
Ce qui signifie recruter des jeunes à fort potentiel après avoir vendu des trentenaires qui plombent les finances du club, puis compter davantage sur le centre de formation. Mais les emmerdes, ça vole en escadrille. Pourquoi?
- Vendre les cadres n'est pas chose aisée. Certains se sentent bien à Marseille (Dimitri Payet, Steve Mandanda, Adil Rami, Kevin Strootman, etc.) alors qu'ils n'ont pas brillé sur le terrain cette saison. Ils se disent revanchards mais en seront-ils capables? Le doute est permis envers eux. Pour d'autres (Luiz Gustavo, Florian Thauvin, Lucas Ocampos), il y a bon de sortie en cas d'offre intéressante. Mais quel club accepterait de tels joueurs, en payant une indemnité de transfert et surtout un salaire imposant? Et Zubizarreta n'a pas vraiment été malin en matière de ventes de joueurs.
- Recruter des jeunes joueurs à fort potentiel? Faut pas se louper. Si Duje Caleta-Car est monté en puissance, notamment en étant associé au minot Boubacar Kamara en défense centrale, il a fallu six mois pour que le défenseur croate digère son adaptation à Marseille. Nemanja Radonjic, autre recrue de l'été 2018, a réalisé une saison médiocre - pour rester poli - et il faudrait qu'il se bouge pour montrer un tout autre visage. À voir si Villas-Boas arriverait à le faire progresser. Donc, recruter des jeunes, il faudra vraiment que le duo Zubizarreta/Villas-Boas soit sur la même longueur d'onde pour ne pas faillir. Tout particulièrement pour le poste d'attaquant, si problématique depuis plus de deux ans et qu'il serait bon de régler rapidement cette fois-ci.
- Le centre de formation a un retard considérable dans sa capacité à fournir des minots pour l'équipe première. Kamara et Maxime Lopez servent d'arbres qui cachent la forêt car les équipes de jeunes ne sont pas tellement au niveau et les rares minots susceptibles d'intéresser l'équipe première risquent de filer entre les mailles du filet. Un exemple? Isaac Lihadji. Ce joueur du centre de formation de 17 ans, pouvant jouer comme attaquant, attire les convoitises de clubs européens comme le Barça par exemple. Et il serait pour le moins judicieux que la direction de l'OM lui fasse signer son premier contrat pro, et que Villas-Boas prenne le risque de le faire jouer en équipe première, vu les carences du poste d'attaquant. D'aucuns diront que de lancer un minot de son âge à un tel poste, c'est presque du suicide. Mais du côté de l'Olympique lyonnais, réputé pour son centre de formation, ça n'hésitait pas à lancer un Karim Benzema du haut de ses 17 ans en 2004-2005, même pour quelques matchs. Puis qui ne risque rien, n'a rien!
En conclusion, je souhaite la bienvenue à Villas-Boas mais je n'ai pas de quoi sauter au plafond.
P.S: J'aurais préféré un Gabriel Heinze car en dépit de sa jeune expérience en tant qu'entraîneur, il a comme avantages d'avoir été un ancien joueur de l'OM, connaissant donc les arcanes du club et la passion des supporters olympiens qui le portent en estime, de vouloir s'inscrire dans l'héritage footballistique de Bielsa et de faire confiance à des jeunes.