À l'approche des étapes alpestres, Julian Alaphilippe demeure maillot jaune et l'idée que lui, ou Thibaut Pinot, gagne le Tour de France sur les Champs-Élysées est de plus en plus crédible, tant ce Tour 2019 est différent des années précédentes, où l'équipe Ineos (ex-Sky) n'est pas capable de verrouiller la course.
Et si la succession à Bernard Hinault était pour cette année? 34 ans après le dernier succès du Blaireau sur le Tour, cette idée est plus que jamais d'actualité. Après deux semaines de course, c'est Julian Alaphilippe, le français de la Deceuninck-Quick step qui est en tête du classement général, devant le vainqueur sortant Geraint Thomas (+1'35") et Steven Kruijswick (+1'47"), qui complète le podium.
Alaphilippe: trop beau pour être vrai?
Qui aurait pu croire qu'au départ du Tour à Bruxelles, le 6 juillet dernier, Alaphilippe serait en course pour la victoire finale? Pas grand monde, moi y compris. Si Alaphilippe a des qualités de puncheur indéniables - c'est d'ailleurs le meilleur sur ce point -, des doutes sérieux et crédibles pouvaient être émis sur ses capacités en contre-la-montre (malgré une victoire au contre-la-montre sur Paris-Nice au printemps dernier) et en haute montagne. Or, sa victoire sur le contre-la-montre de Pau, vendredi 19 juillet, maillot jaune sur les épaules - ça transcende paraît-il -, et sa vaillante résistance dans les étapes pyrénéennes, même s'il a flanché sur l'étape Limoux/Foix Prat d'Albis, ont fait basculer le coureur français dans la catégorie des candidats à la victoire finale.
Cependant, est-ce que l'emballement que suscite Alaphilippe, avec ses performances, est trop beau pour être vrai? Certain émettent des doutes, notamment sur sa victoire au contre-la-montre, tant il devait déployer une puissance impressionnante pour battre notamment un Thomas, spécialiste de l'effort en solitaire. En tout cas, un tweet d'Antoine Vayer, ex-coach de l'équipe Festina au milieu des années 90, période sombre du cyclisme avec la généralisation du dopage par l'EPO, incite à une certaine vigilance.
Je constate que je ne suis vraiment plus le seul aprés ce CLM. Il vous en fallu du temps ! Seuls les personnes qui mangent dans la gamelle font semblant d'y croire sous un air de fausses sceptiques. @LeTour #TDF2019 https://t.co/5YdsahOgsw
— Antoine VAYER (@festinaboy) 19 juillet 2019
Enfin, Alaphilippe ne peut guère compter sur son équipe dans la montagne, excepté l'Espagnol Enric Mas, mais ce dernier, deuxième du Tour d'Espagne 2018, a montré des signes de faiblesse durant les étapes pyréennes. Peut-être qu'avec la journée de repos, lundi 22 juillet, il s'est remis d'aplomb pour soutenir son coéquipier dans les Alpes.
Si le niveau affiché par Alaphilippe surprend, celui de Thibaut Pinot semble plus logique. Le coureur français affiche une rage absolue sur ce Tour 2019, qu'il veut gagner, pour sceller sa relation complexe - "je t'aime, moi non plus" - avec la Grande boucle. Pour l'instant quatrième (+1'50"), il est en embuscade, après avoir fait démonstration de sa force durant les étapes pyrénéennes, avec sa victoire lors de l'étape Tarbes/Tourmalet, ou réalisé un très bon contre-la-montre à Pau. Et quand on pense qu'une erreur de placement face à une bordure lui a fait perdre 1'40" sur l'étape Saint-Flour/Albi, à l'heure actuelle, il aurait été deuxième - à 10" d'Alaphilippe -!
En tout cas, il peut compter sur une équipe Groupama-FDJ qui se dévoue pour son leader, et tout particulièrement David Gaudu, son lieutenant en montagne, qui découvre le Tour et qui a déclenché des accélérations faisant mal aux adversaires de Pinot dans les étapes pyrénéennes. L'inconnue pour Pinot est sa capacité à tenir physiquement face aux fortes chaleurs. Or, avec cette semaine de canicule, ce défi est de taille car Pinot a la réputation d'être moins fort quand les conditions météo sont caniculaires.
En tout cas, ce qui fait que ce Tour 2019 est imprévisible, c'est que l'équipe Ineos (ex-Sky) ne maîtrise pas la course comme elle avait l'habitude de le faire depuis 2012, année de la victoire de Bradley Wiggins sur le Tour. Il est vrai que l'absence de Christropher Froome, quadruple vainqueur du Tour, est non négligeable, mais avec Thomas et Egan Bernal, ça paraissait suffisant pour asphyxier les adversaires. Or, Thomas et Bernal ont affiché des moments de (légère) défaillance dans les étapes pyrénéennes, notamment le britannique Thomas, vainqueur du Tour 2018, puis son coéquipier colombien est passé à côté de son contre-la-montre.
Au-delà de défaillances individuelles, c'est une faiblesse collective qui est apparue au grand jour car les équipiers, d'habitude si efficaces, ont un niveau moindre cette année et qu'en parallèle, les équipes adverses, notamment la Jumbo-Visa et son leader Kruijswick et la Groupama-FDJ autour de Pinot, font jeu égal avec Ineos en montagne. Ce qui est une nouveauté, quand même. Est-ce que cette tendance va se confirmer dans les Alpes? C'est à scruter avec intérêt.
Pour d'autres coureurs, qui étaient des outsiders, l'heure est de tenter de sauver les apparences. Romain Bardet, par exemple. Le grimpeur français a raté son Tour et ce qui peut limiter l'échec patent, c'est de gagner une des étapes alpestres, en se glissant dans une échappée bénéficiant d'un bon de sortie large de la part du peloton. Mais vu la lutte pour la victoire finale - les six premiers du classement général se tiennent en 2'14" -, ce sera difficile. Autre grand battu, Nairo Quintana. Le grimpeur colombien semble dans la lignée de son Tour 2018, où l'échec au classement général a dû être maigrement consolé par une victoire d'étape. Comme pour Bardet, et pour d'autres - Vicenzo Nibali, Fabio Aru -, il ne reste plus qu'à espérer une victoire d'étape pour sauver les apparences.
En tout cas, cette dernière semaine de Tour promet d'être passionnante.