Les déclarations de Mourad Boudjellal, faisant office de porte-parole de potentiels racheteurs de l'Olympique de Marseille, ont de quoi laisser miroiter un avenir radieux auprès des supporters, dans un contexte économique fragile pour le club phocéen.
La tranquillité n'est pas un mot véritablement inscrit dans le vocabulaire de l'Olympique de Marseille (OM). Depuis le 26 juin, une rumeur de rachat du club par des repreneurs en provenance du Moyen-Orient, qui était plus ou moins racontée depuis plusieurs semaines, a pris plus de consistance avec des propos publics de Mourad Boudjellal. L'ancien président du Rugby club toulonnais, dont le palmarès avec ce club sous sa présidence est le plus impressionnant dans le rugby français durant la décennie 2010 - trois coupes d'Europe + un championnat de France -, se fait porte-parole et ambitionne de devenir le prochain président de l'OM au cas où Frank McCourt, actuel actionnaire majoritaire du club accepterait de le revendre (cf lien n°1). Or, le 26 juin correspondait à la reprise de l'entraînement de l'effectif, toujours mené par André Villas-Boas.
Une ère fragile
Au cas où ce rachat serait effectif, un bilan de l'ère McCourt pourrait s'imposer. Et à l'heure actuelle, c'est mi-figue, mi-raisin. D'un côté, une finale de Ligue Europa en 2018, une qualification pour la Ligue des champions à l'issue d'une saison écourtée en raison du Coronavirus et une restructuration du centre de formation. De l'autre, un effectif assez resserré mais pesant lourdement sur la masse salariale, rendant le club dépendant à une qualification pour la Ligue des champions depuis le début de l'ère McCourt et fragilisant des finances profondément dans le rouge et sanctionnées comme il se doit par l'Union des associations européennes de football (UEFA) dans le cadre du fair-play financier. En effet, le club marseillais avait négocié un accord avec l'UEFA en juin 2019, où la réduction du déficit, alors de 91 millions à l'issue de la saison 2018-2019 et de 78 millions la saison précédente, devrait être ramené à 30 millions d'euros à l'issue de la saison actuelle, puis à l'équilibre pour les saisons 2020-2021 et 2021-2022. Mais comme l'OM est mal parti pour respecter cet accord, l'institution a décidé, le 19 juin dernier, de sanctionner le club phocéen de trois millions d'euros d'amende et d'une retenue de 15% des revenus sur les deux prochaines saisons européennes, plus une limitation de l'effectif participant à la prochaine Ligue des champions à 23 joueurs, au lieu de 25 habituellement.
🚨🚨 FPF : L'UEFA annonce que l’#OM est sanctionné d'une amende de 3M€ et d'une retenue de 15% sur les revenus des deux prochaines saisons européennes, pour avoir enfreint l'accord de règlement conclu en juin 2019 dans le cadre du fair-play financier.
— Mohamed Bouhafsi (@mohamedbouhafsi) June 19, 2020
Si certains estiment que la sanction est lourde, il faut quand même se dire que l'essentiel est préservé, à savoir la qualification pour la Ligue des Champions. Mais cela sanctionne la politique court-termiste opérée par l'OM jusqu'à présent, mal gérée par le président Jacques-Henri Eyraud, dont la confiance aveugle et stupide en Rudi Garcia, l'ancien entraîneur, au lieu du directeur sportif Andoni Zubizarreta, fait l'objet de railleries et que tant qu'il est à son poste, l'OM promet davantage de faire rire ses adversaires et d'énerver encore plus les supporters. Et le fait d'avoir déclaré, samedi 27 juin, que l'OM n'est pas à vendre, suite aux propos de Boudjellal, n'est pas fait pour calmer les esprits (cf lien n°2).
Sans cette sortie médiatique de Boudjellal, je me serais contenté d'écrire en fait par rapport à André Villas-Boas. L'OM reprend l'entraînement avec le coach portugais, qui a su gagner le respect des supporters et fédérer tous ses joueurs autour de lui, avec une qualification pour la Ligue des champions qui le rend puissant au sein du club. Or, la crainte de voir AVB partir était très forte mi-mai, au moment où Zubizarreta quitta son poste de directeur sportif et que Villas-Boas avait publiquement déclaré à plusieurs reprises qu'il liait son avenir avec celui de Zubi. S'il était tenté de quitter le club, ce sont les joueurs qui l'ont convaincu de rester, et d'ainsi faire son contrat de deux ans jusqu'au bout.
Ce qui laisse imaginer que Villas-Boas ne souhaite pas prolonger sur le banc marseillais tant qu'il n'a pas de garanties financières, organisationnelles solides. Et à court terme, vu l'obsession de réduire le déficit du côté de McCourt et mené par Eyraud, qui l'a causé avec Garcia principalement, le risque d'un affaiblissement qualitatif de l'équipe est réel. Des joueurs comme Morgan Sanson, Duje Caleta-Car, Kevin Strootman ou Boubacar Kamara sont plus ou moins invités à partir en cas de grosse offre de transfert ou de proposition d'un salaire plus conséquent dans un autre club. Et dans le cas de Kamara, ce serait un mauvais signal car il s'agit d'un joueur formé au club et qu'un minot s'en aille sans jouer la Ligue des champions avec l'OM est contradictoire avec la politique actuelle voulant valoriser le centre de formation, avec des promotions de minots (Ugo Bertelli, Cheik Souaré, Nassim Ahmed, Jores Rahou, Richecard Richard, Aaron Kamardin), histoire aussi d'oublier l'échec des négociations avec le minot Isaac Lihadji, qui va partir rejoindre Lille. Et si Villas-Boas n'est pas opposé à l'idée que des minots soient dans l'équipe et qu'il puisse les faire jouer au plus haut niveau, il le fait davantage par pragmatisme que par conviction, contrairement à un Marcelo Bielsa, dont le passage sur le banc phocéen reste gravé dans les mémoires.
Dans cette histoire, il reste une constante. C'est que les affairistes gardent la main sur un club. Or, cette tendance au sein du foot bourgeois est pour le moins mortifère. Il n'y a qu'à voir les matchs à huis clos des autres championnats (Angleterre, Italie, Allemagne, Espagne) pour se rendre compte du vide qu'offre un match de foot sans supporters et que ce qui fait le charme du foot, y compris pour les joueurs eux-mêmes, ce sont les ambiances dans un stade et leur degré d'influence sur un match. Quelque part, cette crise du Coronavirus permet de voir le rêve bourgeois d'un foot sans supporters au stade et uniquement à la télé, suffisamment aliénés pour se transformer en consommateurs. Et plusieurs groupes de supporters ultras, notamment en Espagne, ont repéré cette manœuvre et la critiquent tant elle est symbole d'un mépris de classe profond (cf lien n°3).
Du côté de l'OM, rares sont les supporters pensant à s'inspirer du modèle des socios en Espagne, c'est-à-dire une part du capital, voire un contrôle de la gouvernance du club par les supporters. Or, cela offre davantage de stabilité économique que le simple desiderata d'un affairiste ou d'un fonds souverain pour qui un club de football est plutôt synonyme de levier économique ou géopolitique, donc interchangeable. Il serait bon, en cette période de remise en cause globale du capitalisme d'appliquer des alternatives, y compris dans le monde du sport, au lieu de rester de simples consommateurs qui illustreraient la formule de l'économiste Nicholas Kaldor: "Les capitalistes gagnent ce qu'ils dépensent. Les travailleurs dépensent ce qu'ils gagnent".
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https://www.lephoceen.fr/infos-om/interview/avb-mercato-fpf-boudjellal-dit-tout-au-phoceen-179625
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