Au fil des ans et des études des différentes branches recensées dans cette science particulière qu’est l’économie (économie financière, économie du travail, économie de l’environnement, etc.), il y a une tendance de forme et de fond vers le court-terme, renforcée par la crise économique depuis 2008 dans les pays développés, à tel point qu’on pourrait parler de court-termisme.
-D’abord, au niveau de la forme : il est notable de remarquer la prédominance du court terme sur le long terme par l’évolution du capitalisme, qui n’a pas l’air décidé de mourir même s’il se nourrit de crises qui l’empoisonnent à petit feu dans un cadre de lecture marxien, car le mode de production capitaliste est passé du caractère «managérial» (où le PDG était un salarié avec une rémunération fixe, et donc était lié aux autres salariés dans une entreprise), lié à l’émergence du fordisme et au dénigrement de la finance, à un caractère «actionnarial» (où le PDG a une rémunération variable, le déconnectant des autres salariés), lié à l’autodestruction du fordisme, au retour en grâces (dangereux) de la finance qui a innové depuis les années 80 avec les stock-options par exemple. Cela a impliqué et implique encore une rentabilité immédiate exigée par les actionnaires, au mépris de la pérennité de l’entreprise, des conditions de travail des salariés et des innovations à apporter. Bref, c’est plus «les profits mènent à l’investissement» alors que c’est seulement l’inverse qui marche.
-Ensuite, au niveau du fond : les économistes ont, pour la plupart, abandonné une perspective de long terme car leurs références sont souvent issues de la mouvance néo-classique, avec Jevons, Menger et Walras, enterrant la vision dynamique de l’économie chez les Classiques (Smith, Ricardo, Malthus) et Marx; mais aussi cet oubli du long terme a été renforcé par Keynes (formé par Marshall, économiste néo-classique du début du siècle dernier) et beaucoup de ses continuateurs (keynésiens, néo-keynésiens), et ce pour une raison toute simple que Keynes lui-même a évoqué:
«À long terme, nous sommes tous morts!»
Vu comme ça, difficile d’être optimiste, de marcher vers l’avenir, d’autant plus si on considère que les agents ont une forte préférence pour le présent, si on rajoute des concepts tels l’incertitude, la rationalité limitée. Mais ce serait se mettre une balle dans le pied en oubliant la recherche et développement, l’inter-temporalité de l’activité économique et le rôle de l’environnement. J’insiste sur ce dernier point car l’économie de l’environnement est une branche économique relativement récente, ou du moins peu enseignée dans la mesure où prendre l’environnement (local ou global) en compte renchérit un investissement pour une firme (existence d’externalités positives telles le progrès scientifique ou négatives telles la pollution), le rendant moins profitable à ses yeux de manière rapide. Or, le manque d’investissement dans de nouvelles technologies, prenant en compte l’environnement, aggrave le coût économique et social du changement climatique et une dégradation de l’écosystème en est facilitée.