Le parquet de Tokyo a arrêté le président du groupe Renault-Nissan, soupçonné d'avoir indiqué des revenus inférieurs à leur montant réel auprès du fisc japonais, suite à une enquête interne de Nissan, dont le conseil d'administration devrait virer prochainement Ghosn de la présidence du constructeur nippon. Pas de mouvement de la sort du côté de chez Renault.
Ça ne roule pas en ce moment pour Carlos Ghosn. Le président-directeur général (PDG) de l'alliance Renault-Nissan, qui a pris également la tête du constructeur Mitsubishi, formant ainsi le premier groupe automobile mondial, face au groupe Volkswagen, au groupe General Motors ou au groupe Toyota, a été mis en état d'arrestation par la justice japonaise ce lundi 19 novembre. S'appuyant sur l'enquête interne menée par Nissan durant plusieurs mois, elle accuse l'affairiste français d'avoir pratiqué une fraude fiscale, masquant une partie de ses revenus en tant que PDG de Nissan. Selon l'agence de presse Jiji, Ghosn aurait en fait sous-évalué 5 milliards de yens (38,8 millions d'euros) envers le fisc japonais, correspondant à la moitié de ses revenus en tant que PDG de Nissan, et ce sur une période allant de 2011 à 2016 (cf liens n°1, n°2). Sachant que, par ailleurs, il est rémunéré à plus de 15 millions d'euros en tant que PDG de Renault.
Éteindre l'incendie
Arrivé chez Nissan en 1999, quand Renault rachète le capital du constructeur nippon pour former une alliance, il a été envoyé par l'ex-Régie pour redresser Nissan, tombé en déchéance. Ce qu'il fit en quelques années, au prix de plusieurs milliers de licenciements, gagnant le surnom de "cost killer". En 2005, le PDG de Nissan devint PDG de Renault, remplaçant Louis Schweitzer, qui avait assuré le virage de la privatisation de Renault dans les années 1990. Avec la crise de 2008-2009, les premières années furent compliquées et il s'efforça de négocier avec les syndicats pour obtenir d'eux du temps de travail supplémentaire en échange d'augmentations de salaire et de perspectives d'embauches. Le redressement des résultats du groupe Renault, avec notamment Nissan puis des acquisitions en Russie (AvtoVaz), dans une stratégie pleinement ancrée dans la mondialisation, rendent Renault et Ghosn très influents sur le secteur automobile.
Du coup, cette nouvelle est un coup dur pour l'ex-Régie. Pour preuve, le cours de l'action Renault à la bourse de Paris a chuté de 8,43% ce lundi 19 novembre (cf lien n°3). Et au Japon, tant Nissan que Mitsubishi comptent virer Ghosn du poste de PDG au cours de conseils d'administration de crise. Et chez Renault? Rien n'est prévu à ce sujet, notamment de la part de l'État, bien qu'ayant 15,01% du capital du groupe, reste le premier actionnaire. Les paroles d'Emmanuel Macron sont nettes là-dessus, tenant à affirmer que l'attention sera portée "à la stabilité de l'alliance et du groupe". Bref, Macron veut éteindre l'incendie au sujet d'un symbole de ce qu'il appelle lui-même "les premiers de cordée" (cf lien n°4).
Si jamais Ghosn devait se retrouver viré de chez Renault, ça ne laissera pas envisager que son/sa successeur/se aurait une rémunération moindre, de même que le fisc français pourrait être tenté d'y voir de plus près. Au-delà, ça pourrait avoir des conséquences pour... le sport automobile. Ghosn est réputé ne pas être passionné par la Formule 1, discipline où Renault y a écrit ses plus belles pages dans le sport automobile. Et le retour à l'arrache de Renault, en tant qu'écurie complète, fin 2015, s'accompagnait d'un plan visant les titres pilotes et constructeurs à partir de 2020. Aujourd'hui, Renault semble encore loin de pouvoir y arriver mais progresse depuis deux ans, et la future arrivée du pilote Daniel Ricciardo devrait y aider. Un départ de Ghosn et un remplaçant par une personne plus enthousiaste pour Renault en F1 pourraient pousser à augmenter un budget déjà conséquent - entre 300 et 340 millions d'euros -, et à recruter un personnel hautement qualifié. Mais ça, c'est une autre histoire...
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