Face à la mobilisation des gilets jaunes qui tient à perdurer avec une manifestation à Paris samedi 24 novembre, le gouvernement se retrouve soit à lâcher du lest, soit à accentuer la répression, comme dans l'île de la Réunion. De même qu'il compte utiliser à son profit l'hétérogénéité des gilets jaunes pour anesthésier les revendications qui peuvent être véhiculées.
Les gilets jaunes prennent de court la classe politique dans son ensemble, mais surtout le pouvoir actuel, en particulier. D'ailleurs, plusieurs députés de la majorité présidentielle ne cachent plus leur incompréhension face à un mouvement social dont les gilets jaunes en sont devenus le nouveau symbole depuis plusieurs semaines et qui ne masquent pas leur hostilité face à la hausse de la fiscalité sur les carburants, goutte d'eau faisant déborder le vase (cf lien n°1).
Carotte et bâton
Face à ça, le gouvernement joue au procédé usuel de la carotte et du bâton. Du côté de la carotte, des chèques pour les plus pauvres, dont la dépendance à l'automobile en milieu rural ou périurbain serait manifeste. Du côté du bâton, la répression policière. Mais ça ne se montre guère efficace en France, tant dans sa part européenne que dans les outres-mers. D'ailleurs, à la Réunion, les gilets jaunes locaux se sont joints aux "cagoules noires", générant plusieurs nuits de révolte dans l'île de l'océan Indien, obligeant les autorités à lâcher du lest avec un gel de trois ans sur le prix du carburant. Mais dans le même temps, le pouvoir exécutif décide d'envoyer l'armée, à l'appel du président de la région Réunion, signe que ça veut en faire un exemple dissuasif, "intraitable" pour le reste de la population; quitte à montrer, pour qui en doutait encore, que ce pouvoir est dans une continuité capitaliste et néocoloniale, quand on prend le cas de la Réunion, où des forces sociales disparates ont joint leurs forces pour faire plier le gouvernement au niveau local et prouver ainsi que la lutte peut être efficace, si elle se greffe à d'autres luttes contre la politique actuelle du pouvoir (cf lien n°2).
Si l'articulation de luttes a été effective à la Réunion, est-ce que le reste de la France en suit le même chemin? Pas si sûr. Et c'est un élément dont le pouvoir exécutif compte bien saisir. Pourquoi ça? Déjà, la manifestation du 24 novembre, où les gilets jaunes ont l'intention de monter à Paris, est fortement verrouillée par le ministère de l'Intérieur, acceptant que les gilets jaunes soient cantonnés au Champ-de-Mars, à la surprise de certains d'entre eux qui n'étaient au courant des négociations (cf lien n°3). Ensuite, cette manifestation ne se greffera pas avec celle des féministes sur la question des violences faites aux femmes car le 24 novembre est la journée nationale consacrée à cette thématique, obstruée par la médiatisation des gilets jaunes. Enfin, la nature hétéroclite des gilets jaunes, un fourre-tout citoyenniste comme le fut un moment Nuit Debout au printemps 2016, fait que l'extrême-droite paternaliste s'engouffre dans la brèche, pouvant se vanter de son infiltration, avec l'exemple de quelques gilets jaunes dénonçant des cargaisons de camions où des exilé(e)s se seraient caché(e)s, du côté de Flixecourt (Somme) par exemple (cf lien n°4). De quoi faire sourciller la gauche radicale, notamment le député de la Somme François Ruffin (France insoumise), qui tient à rappeler combien les réfugié(e)s n'ont pas causé les fermetures d'usine (cf lien n°5). Une façon d'éviter de montrer son fraternalisme auprès des non-blanc(he)s, comme la majorité de la gauche française, par ailleurs.
Ce qui amène à voir si les non-blanc(he)s y trouvent à redire au sujet des gilets jaunes. Le collectif Rosa Parks, qui rassemble des "racisé(e)s", qui défendent l'idée d'un antiracisme "politique", salue la démarche des gilets jaunes mais pointe les contradictions dont l'extrême-droite en tire le profit (cf lien n°6). Le meilleur moyen d'éviter la récupération de l'extrême-droite, selon ce collectif, serait de "donner un véritable contenu politique aux revendications des gilets jaunes" en allant au-delà de la question de la fiscalité sur le carburant, pour une justice sociale destinée à tous. Bref, un "front large" comprenant les gilets jaunes, les immigré(e)s et les banlieusard(e)s, qui vivent au plus près la répression de l'État serviteur du capital, avec des spécificités sur les motifs de cette dite répression. Et dans les deux derniers cas, le racisme institutionnel, illustré par la police.
Quelque part, l'articulation opérée à la Réunion donne une idée de la voie à suivre. Reste à savoir si elle sera effective dans le reste de la France.
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