La suspicion règne autour du leader du Tour de France, Christopher Froome, par ses performances puis celles de son équipe, faisant resurgir des fantômes du passé.
Alors que le peloton du Tour de France a passé les Pyrénées et se rapproche des Alpes, son maillot jaune est dans la polémique. Bien que le Britannique Chris Froome l'ait conforté au sortir des étapes pyrénéennes (environ 3 minutes d'avance sur l'États-unien Tejay Van Garderen et le Colombien Nairo Quintana), il tend à perdre la bataille de l'opinion.
Des performances décriées
Ce qui fait, en premier lieu, que l'opinion publique et les observateurs s'interrogent, s'irritent voire même se dressent contre Froomey, ce sont ses performances, notamment en montagne. Sa victoire d'étape à La Pierre-Saint-Martin, le 14 juillet, sous la chaleur, heurte les esprits. Sa fréquence de pédalage ahurissante (110-120 tours/minute), son style de montée (assis sur la selle, en mode mobylette), laissent bouche bée. Le doute s'organise. D'autant plus qu'une vidéo (issue d'un piratage des donnée de l'équipe Sky, voir ci-dessus) montre les données SRM du coureur lors de sa victoire d'étape au Mont Ventoux en 2013, année de sa victoire sur le Tour. Elles indiquent au moment des attaques rageuses du Britannique une puissance de plus de 550 watts - avec des pointes à plus de 800 watts! -, une vitesse à 30 km/h ou plus, un rythme cardiaque inférieur à 165 pulsations/minute. Le tout sur des passages où la pente est supérieure à 8-9% en moyenne!
Mais ce qui m'intrigue personnellement, c'est l'équipe Sky. Que les équipiers roulent à bloc pour leur leader et se retirent ensuite, ça semble logique. Mais que le grimpeur Australien Richie Porte, que Froome a fait rouler dans l'ascension de La Pierre-Saint-Martin avant d'attaquer, dépose Quintana sans trop forcer dans le dernier kilomètre, ou que Geraint Thomas, compatriote du maillot jaune, ancien pistard et coureur de classiques plates (Tour des Flandres, Paris-Roubaix), soit en mesure de stopper les attaques de grimpeurs reconnus et vainqueurs de grands tours tels Quintana (vainqueur du Tour d'Italie 2014), l'Espagnol Alberto Contador (vainqueur du Tour de France en 2007 et 2009, du Tour d'Italie en 2008 et 2015, du Tour d'Espagne en 2008, 2012 et 2014), l'Italien Vincenzo Nibali (le Tour en 2014, le Giro en 2013 et la Vuelta en 2010) et qu'il soit actuellement cinquième au classement général, c'est encore plus surprenant! Certains diront que Thomas a réellement progressé, d'autres estimeront que c'est trop beau pour être vrai. En tout cas, l'équipe d'outre-Manche est dans l'œil du cyclone.
Une ligne de défense parano
Face à ça, que répond Sky, notamment Froome? Par l'attaque! Une critique acerbe des médias, en particulier les médias français (France Télévisions, RMC, etc.) où les consultants seraient virulents à son égard, alimentant la suspicion au lieu d'enquêter et d'établir la vérité (selon lui) sur un éventuel dopage. Il vise les consultants Laurent Jalabert et Cédric Vasseur, anciens cyclistes des années 1990 et 2000, dont les noms furent mêlés à des histoires de dopage - surtout Jalabert lors du Tour 1998, tour maudit à cause de l'affaire Festina, d'après un rapport du Sénat en 2013 -.
Pourtant, si on les a bien entendu ces derniers jours, on se rend compte qu'ils sont dans le questionnement, pas dans l'accusation. Mieux, Vasseur a clairement dit que Froome est victime dans l'histoire et qu'il faut incriminer l'Union cycliste internationale par son manque de rigueur dans le contrôle des vélos, après la course. Par conséquent, les consultants, qui ne se montrent pas béats devant une performance - pour une fois, et c'est tout à leur honneur! -, cherchent des explications, et non pas pointer du doigt le coureur. Comme la Sky ne l'a pas compris ainsi, serait-elle devenue parano? Telle est la question!
Une ombre persistante
Cette démonstration de Froome et de l'équipe Sky n'est pas sans rappeler celle qu'exerçait l'États-unien Lance Armstrong avec l'US Postal de 1999 à 2005, années de ses victoires sur le Tour, annulées après ses aveux de dopage en 2012. Cette ombre plane sur le Tour de France pour deux raisons.
- Armstrong est actuellement en France et il a donné son avis sur les performances du maillot jaune. Ce qui n'a pas manqué de faire réagir sur les réseaux sociaux.
- Froome utilise parfois la phrase suivante: "Je n'ai jamais été contrôlé positif", montrant sa conviction mais aussi (un peu) son agacement face aux suspicions de dopage à son encontre. Or, cette phrase a perdu toute crédibilité car Armstrong parlait également de la sorte durant ses années de succès.
Du coup, il serait pertinent, pour les spectateurs et les observateurs de la petite reine de ne pas croire Froome, même s'il serait de bonne foi. Enfin, j'aimerais vous faire une comparaison Armstrong-Froome. Je regarde régulièrement le Tour depuis 2000 (10 ans à l'époque). Je me remémore parfaitement plusieurs attaques dévastatrices d'Armstrong: à l'Alpe-d'Huez en 2001; au Pla d'Adet en 2001; au Mont Ventoux en 2002; au Plateau de Beille en 2002 et 2004, etc. Ces fréquences de pédalage énormes à l'époque (plus de 100 tours/minute), les écarts creusés, c'était surréaliste. Je retrouve ça avec Froome à Ax 3 Domaines, au Mont Ventoux la même année (un 14 juillet, déjà!) puis à La Pierre-Saint-Martin, mardi 14 juillet 2015. J'ai une lourde impression de déjà-vu, même si ce n'est pas le même personnage (Froome fait plus d'1m85, Armstrong fait 1m72 je crois). Du coup, je ressens quelque chose de troublant et j'espère ne pas être le seul à avoir un tel malaise en faisant cette comparaison furtive. Je ne veux pas trancher définitivement car Froome a le poids du passé sur ses épaules, tel Atlas portant la Terre. Puis, après tout, il pourrait faillir dans les Alpes. En 2013, à l'Alpe d'Huez, il avait fait une fringale qui est passée inaperçue parce que Porte, son coéquipier, l'avait ravitaillé dans l'ascension alors qu'il n'en avait plus le droit et il fut pénalisé pour 20 secondes. Y aura-t-il plus de sévérité en cas de récidive? J'en doute mais why not. Nous verrons bien!