Ces derniers mois, les affaires liées à une histoire d'immigration (affaire Léonarda entre autres) ont réveillé tous les clichés possibles sur l'immigration en France, véhiculés par le Front national, ce parti passéiste qui en fait son fonds de commerce unique, même s'il tente d'explorer d'autres domaines. Le mensuel Alternatives Économiques, que je vous recommande expressément, revient sur cette thématique dans son numéro de décembre (donc toujours en kiosque, allez-y, ne traînez pas!) en revenant sur 5 idées reçues sur le sujet. Je vais discuter de 3 d'entre elles, vous laissant le soin, chers lecteurs, de regarder les autres sur ce magazine.
- On nous bassine sur l'idée qu'on aurait un flux énorme d'immigrés en France, qu'ils viennent de plus en plus au fil du temps et qu'on aurait plus d'immigrés que dans des pays ayant les mêmes structures économiques que les nôtres. Ben, c'est une fabrique de faux! Les données de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) indiquent que non seulement, l'immigration en France n'est pas énorme (entre 120 000 et 140 000 nouveaux arrivants en France par an depuis 2002), et qu'en plus, par exemple pour 2011, elle est dérisoire à côté de pays comme l'Espagne, le Royaume-Uni ou encore l'Allemagne, qui attirent au moins 3 fois plus de migrants! Il y a quand même un biais à ces données de l'OCDE, c'est l'immigration clandestine (absente dans les données). Néanmoins, elle ne réduira pas (forcément) l'écart qui existe au niveau légal, même bien au contraire!
- La population immigrée en France ne serait que d'origine Africaine (Afrique du nord, Afrique subsaharienne) et asiatique. Là encore, il faut utiliser son cerveau, ce qu'on est censé avoir. D'après Alternatives Économiques, en prenant des données de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), sur 100 immigrés vivant en France en 2010 (on peut émettre comme hypothèse que cette répartition n'a été guère modifiée depuis, mais il faut regarder sur le site de l'INSEE pour confirmer ou infirmer), 57 d'entre eux sont nés en Afrique et en Asie. Donc, c'est loin d'être la totalité, quand bien même c'est la majorité. Mais alors d'où viennent les immigrés restants? Pour 37 d'entre eux, ils viennent d'Europe (comme quoi l'immigration Nord-Nord existe et compte), les 6 derniers viennent d'Amérique ou d'Océanie.
- Les immigrés volent le travail des natifs et créent du chômage! Rien de plus absurde, de plus crétin (ça tombe bien avec un parti souvent représenté par des chrétiens) que cette idée-là! En effet, c'est absurde car les immigrés fournissent, d'une part, une demande supplémentaire et un moyen supplémentaire pour les entreprises d'inciter à consommer. D'autre part, les immigrés font des travaux que les natifs ne veulent plus faire car ces derniers ne veulent plus se salir les mains (BTP, restauration, hôtellerie, nettoyage, sécurité, etc.). Du coup, une grande partie des immigrés se retrouve employable à des postes peu qualifiés, peu gratifiants monétairement et les natifs cloisonnent davantage les métiers exigeant une forte qualification.
En outre, les politiciens peu avisés en matière d'immigration (FN, UMP, même PS ou plus à gauche encore) considèrent que c'est la politique sociale qui attire les migrants. Ils appliquent bien leur morale: "il ne faut jamais prendre les gens pour des cons, mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont!" Mais pourtant, c'est bien la santé économique du pays d'accueil qui joue, prouvant ainsi la rationalité des migrants. Un exemple? Il se trouve qu'avec un ami, au second semestre de M1 Économie internationale à Paris 1 durant l'année universitaire 2012-2013, nous avons fait un mémoire sur les migrations du Mexique vers les États-Unis le long des années 2000. Notre principal résultat est que le taux de chômage états-unien est, de manière très significative, la principale barrière à l'immigration. S'il augmente, comme ce fut le cas à partir de l'éclatement de la bulle immobilière menant à la crise des subprimes en 2007, le nombre de migrants mexicains à destination des USA chute fortement. Donc, de ce point de vue-là, plus une économie régresse, moins elle est attirante pour les immigrés potentiels! Ce qui renforce la régression de la dite économie, entrant dans un cercle vicieux!
Petite anecdote personnelle: durant un déjeuner, mes voisins, qui sont français de naissance mais d'origine étrangère (Italie, Espagne), m'ont raconté comment leurs parents respectifs ont galéré une fois arrivés en France, une France qui fait pourtant appel à eux durant les 30 Glorieuses, en plus du retour des Pieds-noirs suite à la guerre d'Algérie. Du coup, ils estiment que les départs de leurs parents (émigration) ont provoqué des années de retard économique pour leurs pays d'origine. Et cela est bien vrai pour les pays africains, qui ont droit à une fuite des cerveaux (mais j'écrirais un article en détail sur la question des migrations pour l'Afrique).
En tout cas, les gens sont bien étranges quand ils ont affaire à quelqu'un qui leur est étranger, avec une peur idiote. Cette phrase est en écho avec la chanson "People are strange" des Doors, qui colle parfaitement au contexte actuel.
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L'immigration, mythes et réalités
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