Lors d'un débat organisé par le journal Politis, les économistes Jacques Généreux et Thomas Piketty, conseillers respectifs de Jean-Luc Mélenchon et de Benoît Hamon, démontrent des possibilités de convergence entre ces deux candidats en matière de politique européenne mais la méthode politique diverge, ainsi que l'idée d'anticiper une sortie.
La salle Jean Dame dans le deuxième arrondissement de Paris était pleine à craquer, vendredi 17 mars, pour assister au débat "Quelle Europe pour la gauche?" organisé par le journal Politis, à l'approche du premier tour de l'élection présidentielle. Pour l'occasion, le journal a invité les économistes Jacques Généreux et Thomas Piketty à s'exprimer. Et ce, d'autant plus qu'ils conseillent respectivement Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon.
Une assemblée de la zone euro
L'échange entre les deux hommes a clairement montré des possibilités de convergence entre leur candidat respectif, avec l'idée d'une assemblée de la zone euro. Défendue par Piketty, elle serait un élément clé de "démocratisation" de l'Union européenne et de la zone euro, où les pays membres de l'union monétaire seraient représentés par des députés issus des parlements nationaux. Pour l'auteur du Capital au XXIe siècle, au succès incroyable en 2014, cette assemblée se composerait à 80% de députés issus des parlements nationaux, au prorata de la population du pays membre et du groupe politique, les 20% restants étant issus du parlement européen, sous le même principe. Ce qui ferait que la droite allemande pourrait être mise en minorité car aux yeux de Piketty, les droites françaises, espagnoles, italiennes sont moins attachées à des politiques d'austérité que celle d'outre-Rhin, ce qui pourrait "bouleverser les rapports de force". Ce dont certains peuvent en douter (cf lien). Enfin, et non des moindres, cette assemblée, selon la proposition du conseiller de Hamon, peut bénéficier d'un transfert de souveraineté en définissant une assiette fiscale sur l'ensemble de la zone euro, l'impôt sur les bénéfices des sociétés. Ce à quoi Généreux enchérit en basant cet impôt en proportion de la main-d'œuvre, du chiffre d'affaires réalisé par les entreprises dans l'espace monétaire, et le répartir ensuite. Et en fonction du taux d'imposition fixé, il pourrait permettre un budget entre 1 et 2% du PIB de la zone euro selon Piketty. Suffisant pour financer des plans d'investissement dans les infrastructures ou dans la formation pour lui, notamment du fait que l'investissement par étudiant a décliné en France sur les 10 dernières années.
"Renforcer le plan A"
Cet exemple de l'assemblée de la zone euro se veut être un moyen pour Piketty de "renforcer le plan A" de Mélenchon. Généreux est en accord sur l'idée d'une assemblée mais vu le contexte de défiance des peuples européens à l'égard de la construction européen, ce concept ne serait "pas forcément convainquant aux yeux des citoyens". En tout cas, le conseiller de Mélenchon souligne la nécessité de modifier les statuts de la Banque centrale européenne (BCE), sans forcément remettre en cause l'indépendance de la banque centrale, sur la question du financement des dettes publiques, pour qu'il soit direct ou qu'il y ait un taux privilégié par rapport aux marchés financiers. Ce à quoi Piketty ajoute que la BCE doit revoir sa cible d'inflation, en passant de 2% à 4% par exemple. D'autant plus que la zone euro est menacée par la déflation depuis plusieurs années. De même qu'il ajoute l'idée d'une mutualisation des dettes publiques supérieurs à 60% du PIB des pays membres de la zone euro comme politique alternative à mener pour relancer la construction européenne sur la voie du progrès social. Ce qui fait rappeler au passage que l'inflation, l'imposition sur le capital privé, l'annulation ou moratoire sur la dette publique sont des moyens de relancer une économie en crise. Enfin, dans le cadre de ce plan A, le conseiller de Mélenchon souligne l'idée de transformer l'euro en une monnaie commune, de telle manière à ce qu'à l'international, l'euro reste la monnaie échangeant avec le reste du monde, mais qu'au sein de la zone, il y ait un euro-franc, un euro-mark, un euro-drachme, un euro-lire, un euro-peseta, etc, donnant de la souplesse monétaire aux états membres.
Frexit, mot tabou?
Mais si ces deux intervenants sont tellement en accord sur plusieurs solutions, pourquoi cette coalition rouge-rose-verte, souhaitée par certains électeurs de gauche, ne voit pas le jour? Différents éléments peuvent servir d'explication. Il y a le plan B de Mélenchon qui stipule qu'en cas d'échec des négociations, il faut envisager une sortie de la zone euro et de l'UE de la part de la France. Pour Généreux, cette sortie serait envisageable s'il n'y a pas d'autres choix mais si elle se fait, ce n'est pas pour vouloir détruire l'UE mais "la sauver de l'explosion" et ça pourrait inciter des partenaires, notamment l'Italie, l'Espagne, le Portugal ou la Grèce, à en faire autant. Piketty n'est pas inquiet à l'idée de ce plan B car quelque part, ça prouverait que l'Allemagne commettrait une erreur historique en contradiction avec sa tradition parlementaire depuis l'après-guerre. Mais l'idée d'un Frexit semble être défendue du bout des lèvres car ce ne serait pas un Frexit de gauche qui serait mis en avant dans le contexte actuel. Puis Hamon ne veut pas entendre parler de plan B, de sortie, comme il l'a indiqué dans une interview au Bondy Blog entre les deux tours de la primaire du PS et de ses alliés, déclarant qu'une sortie ferait passer la France du statut "de puissance moyenne à nain".
Bref, ce n'est pas demain la veille qu'une Europe de gauche sortira de terre et que le couple euro-austérité sera complètement brisé par la gauche.
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