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JoSeseSeko

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"Il ne faut jamais prendre les gens pour des cons, mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont." Cette phrase résume une recherche de vérité, de développer de l'information sur une variété de sujets, notamment l'économie, la politique et l'histoire. Et ce, dans plusieurs pays du monde.


Ruffin soumis à une logique fraternaliste?

Publié par JoSeseSeko sur 28 Septembre 2017, 16:37pm

Catégories : #Politique, #Europe, #France, #FI, #Ruffin, #Traoré, #Fraternalisme, #Racisme, #Lutte des classes

Dans une vidéo extraite d'un meeting faisant suite à une manifestation contre les ordonnances réformant le code du travail, le député François Ruffin, interpellé sur le cas de l'affaire Adama Traoré, n'a pas voulu se positionner "avant d'être intimement convaincu" de la version de la famille de la victime, qui défend la ligne d'une violence policière. Une position qui montre combien la gauche radicale et l'antiracisme sont loin de s'être réconciliés, notamment en raison du fraternalisme qui compose un ciment de cette gauche radicale.

Depuis une semaine, une polémique s'est installée sur les réseaux sociaux, par rapport à la France insoumise (FI). Pas seulement par rapport aux propos de Jean-Luc Mélenchon lors de la marche du 23 septembre à Paris, mais sur une position d'un autre insoumis, en l'occurrence, François Ruffin. Invité à un meeting au Havre, après une manifestation contre la loi travail version Emmanuel Macron, le député de la Somme fut interpelé par rapport à l'affaire Adama Traoré, dont la mort le 19 juillet, après une interpellation de la part des gendarmes à Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise), et les rapports d'autopsie faisant finalement état d'une mort par asphyxie, poussent la famille du défunt à réclamer justice pour sa mémoire. Et ce, au prix d'un certain acharnement politico-judiciaire à vouloir mettre au silence cette famille, en particulier Assa Traoré, sœur aînée de la victime, qui donne de la voix pour réclamer "justice pour Adama". En réponse, Ruffin, par ailleurs fondateur et rédacteur en chef du journal Fakir, affirme ne pas vouloir prendre position car il croit d'abord en l'enquête, n'est pas encore "intimement convaincu" de la ligne de défense de la famille, puis rappela qu'il n'avait pas pris position lors de la mort de Rémi Fraisse en octobre 2014, sur le barrage de Sivens (Tarn). Ce qui a provoqué des huées dans la salle (cf vidéo).

Une faute politique?

Du coup, dans le monde du militantisme, ça remue et à l'heure des réseaux sociaux, ça prend vite une certaine dimension, quitte à aller à la foire d'empoigne. Beaucoup de militants antiracistes sont écœurés de la position prise par Ruffin et certains parlent d'une faute politique, pour plusieurs raisons. D'abord, Ruffin use de sa casquette de journaliste pour répondre sur un sujet où il est interpellé en tant que... député. Ensuite, il est reproché à Ruffin de faire fi des articles écrits par ses confrères et consœurs sur cette affaire, soulignant la volonté du pouvoir judiciaire de défendre la version des gendarmes suspects et de décrédibiliser la victime à travers une utilisation de drogue qui n'a pourtant pas été relevée dans les dernières autopsies du corps. Enfin, la réticence de Ruffin à se positionner pourrait venir du fait que taper sur la police, ce n'est pas "trop [son] truc". (cf lien n°1).

Du coup, des partisans de Ruffin défendent leur camarade, estimant qu'il n'a pas fait de faute politique durant ce meeting, qu'il est loin d'être raciste et qu'il mérite d'assumer sa double casquette de journaliste-député, arguant qu'en leur temps, Jean Jaurès à l'Humanité ou Léon Blum au Populaire avaient également cette double casquette, ou actuellement, l'eurodéputé communiste Patrick Le Hyaric, actuel directeur de la rédaction de l'Humanité. Après, est-ce que la déontologie journalistique peut tolérer ce phénomène, potentiellement source de conflits d'intérêt? Voilà la question. Enfin, face à la polémique, Ruffin lui-même a tenu à y répondre en mettant à jour un article du mois de mars dernier, où il évoque les livres Home de Toni Morrisson, et Une colère noire de Ta-Nehisi Coates, sur le racisme institutionnel aux États-Unis à travers des crimes policiers à répétition envers des Afro-descendants, y compris de nos jours, et craignant quelque part que la France suive cette voie (cf lien n°2). Déjà qu'elle a affaire à une violence sociale que Ruffin dénonce, en défendant avec raison les ouvriers, à longueurs d'années dans son journal.

Le subconscient fraternaliste

Or, cette américanisation, notamment en matière de violences policières, est déjà bien avancée. Et la position de Ruffin, en fait, révèle un subconscient au sein de la gauche française et il porte un nom, le fraternalisme. Ce néologisme a été inventé par Aimé Césaire au moment de son départ du Parti communiste français en 1956, pour dénoncer le racisme larvé de la gauche française en son temps, notamment dans un PCF formé à l'école de Joseph Staline qui a inséré dans le logiciel communiste la notion de "peuples avancés" et de "peuples arriérés" et les communistes devraient se comporter en grands frères qui prend la main aux petits frères pour les conduire vers "la Raison et le Progrès". Et ce fraternalisme reste vivace au sein de la gauche (radicale) en France, devenue incapable de comprendre l'antiracisme politique défendu par les victimes du racisme institutionnel, et qui se maintient dans un flou intellectuel qui la mène à la ruine. Et ça coûte électoralement parlant. Lors des élections législatives du mois de juin dernier, l'abstention a été record partout en France, mais surtout dans les banlieues, où les non-blancs, souvent prolétaires, sont mal vus par le reste de la société et laissés pour compte. Or, c'est là où précisément, la gauche radicale pouvait gagner des sièges à l'Assemblée nationale. Mais ça n'a pas été à la hauteur, d'autant plus qu'entre FI et le PCF, ça se tirait entre les pattes, incitant les gens à ne pas vouloir aller voter.

Vu cette partie de l'article, d'aucuns diront que l'auteur de ce blog cherche à "racialiser la question sociale". Ce qui leur fournit des spasmes tant ça leur semble idiot. Or, ils oublient que la question raciale, pigmentaire, fait partie intégrante de la question sociale de par les structures économiques et étatiques du capitalisme. Et quand la nature se réveille, avec le sinistre exemple de l'ouragan Irma début septembre, elle montre combien "tous les animaux sont égaux mais certains sont plus égaux que d'autres" (George Orwell). Mais comme les mouvements politiques, quasi exclusivement menés par des blancs, qui se réclament du socialisme, de l'écosocialisme, du communisme ou de l'anarchisme, n'intègrent pas ça dans leur vision de la lutte des classes, ils s'étonnent que les mouvements antiracistes ne marchent pas au pas et affirment une autonomie politique. Et c'est ainsi que des non-blancs - pour faire vite - montrent plus de réticence à être dans des luttes menées par des blancs car ces derniers font souvent peu de cas des luttes menées par des non-blancs.

Du coup, ce n'est pas un hasard si la "convergence des luttes", appelée à corps et à cris par Nuit Debout l'an dernier, n'a guère été concrète et que ce n'est pas demain la veille que ça pourrait arriver, hélas! Et ça, la classe bourgeoise, dont le racisme est profondément ancré, se frotte les mains!

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B
Rappelons d'abord les faits pour juger de votre analyse : interpellé sur le cas d'Adama Traoré, à chaud, Ruffin dit qu'il ne connaît pas assez le sujet pour pouvoir publiquement se prononcer de manière pertinente dessus. Dans l'absolu, il me semble plutôt qu'il s'agit d'une position sage, sauf à encourager que chacun se prononce sur tout et n'importe quoi sans savoir, et donc à encourager qu'on défende un camp et non qu'on se positionne dans un camp parce qu'on aurait des raisons de le faire rationnellement.<br /> <br /> Le cas est d'importance, certes, et justifie totalement que l'on sensibilise F.Ruffin à cela. Mais, des raisons de s'indigner, il y en a des milliers. On ne peut en revanche pas lui reprocher, au moment où il est interpellé, lui reprocher de ne pas avoir les éléments sur ce cas. Ou alors, on peut lui reprocher de ne pas connaître en profondeurs les milliers de questions dignes d'intérêt, et donc, lui reprocher de ne pas faire ce qui est impossible (qui a la prétention ici d'être en mesure de se prononcer, à chaud, sur n'importe quelle des injustices qui existent dans le monde ?). Précisons, car c'est important d'avoir en tête cela, que la prudence de Ruffin l'est vis à vis d'un cas et non à l'égard de l'existence du racisme.<br /> <br /> Bref, chacun jugera. Ceci étant, en l'état, il n'y a pas le moindre fait qui étaye cette thèse du "fraternalisme". La question du racisme est en effet un sujet majeur. Mais, sur les faits en question, rien n'étaye que Ruffin se montre réticent pour les raisons ici évoquées. Je suis personnellement très sensibilisé à la question des violences sexuelles (spécifiquement envers les femmes) et, comme le racisme, il s'agit d'une question bien étayée par la littérature scientifique sur la question. En revanche, jamais je ne me prononcerais publiquement sur un cas particulier tant que je n'ai pas des éléments précis à son propos. Ou si l'on me prend en flagrant délit de le faire, c'est dans ce cas que j'aurais tort, et non dans le cas où j'attendrais de disposer d'éléments. C'est la même chose que j'attends de Ruffin sur la question du racisme : s'il doit dénoncer le racisme, il ne peut se prononcer sur un cas concret qu'à condition de connaître ce cas.<br /> <br /> A la limite, on peut attendre que, désormais, un mois et demi après l'échange, F.Ruffin se soit désormais documenté sur la question. Oui, aujourd'hui, s'il n'était pas clair là-dessus, on pourrait lui reprocher. Mais, au moment de sa déclaration, à chaud je le répète, analyser la chose comme du "fraternalisme" est au mieux une hypothèse sans le moindre fondement, au pire une invitation au fantasme.
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