Un nouveau weekend de mobilisation pour les gilets jaunes, qui damnent le pion au pouvoir qui comptait pouvoir s'en sortir avec le grand débat national, dont des critiques sont adressées non sans raison.
Le combat continue entre les gilets jaunes et le pouvoir exécutif. La dixième journée nationale de mobilisation de ce mouvement hétéroclite, dont les contours ne sont pas totalement clairs et avec des mass media qui mettent en avant certains "meneurs" du mouvement - Priscilla Ludosky, Éric Drouet, Maxime Nicolle, Jacline Mouraud - pour mieux les discréditer auprès de l'ensemble de l'opinion publique, tient à être constante. Selon le ministère de l'Intérieur, 84.000 personnes, dont 8.000 à Paris auraient manifesté en France, samedi 19 janvier. Soit autant que la semaine précédente. Ce que remettent en cause des gilets jaunes qui ont effectué leur propre calcul, qui arriverait à 147.365 personnes, dont 29.500 à Paris. Ayant suivi le cortège parisien, j'estime qu'il y a eu plus de 10.000 personnes ayant fait une boucle de 14 kilomètres pour les Invalides, en passant par Saint-Sulpice, le boulevard Saint-Michel, la place d'Italie, Montparnasse; mais pas les 29.500 qu'affirme le compteur des gilets jaunes.
Carotte et bâton rompus
En-dehors d'accrochages entre gilets jaunes ou "casseurs", avec les forces de l'ordre social à la fin de la manif, l'atmosphère était beaucoup plus calme que le 12 janvier, où les envois de grenades lacrymogènes et de tirs de lanceurs de balle de défense étaient bien plus nombreux. Mais ce qu'il faut comprendre sur le fait que la mobilisation des gilets jaunes a repris du poil de la bête en ce début d'année 2019, c'est que la politique de la carotte et du bâton de la part du président Emmanuel Macron et du Premier ministre Édouard Philippe ne prend pas tellement sur des esprits déterminés. D'abord, au niveau du bâton, la répression policière, qui est exceptionnelle envers un mouvement social depuis 50 ans, a mis en lumière les violences policières qui étaient habituellement réservées envers les syndicalistes, les gauchistes, les black blocs, mais surtout envers les non-blanc(he)s habitant dans les banlieues prolétaires - racisme institutionnel oblige -, et où régnait l'indifférence, c'est-à-dire "la haine doublée du mensonge" (Ernst Hello). Mais comme ça matraque, ça gaze, ça tire et ça blesse gravement des personnes qui sont de provinces rurales ou désindustrialisées, qui sont des blanc(he)s des classes moyennes ou du prolétariat, qui se revendiquent comme "apolitiques" ou qui sont des abstentionnistes résolus, ça marque les esprits et la police tend à être détestée par l'ensemble de la population, alors qu'elle bénéficiait d'une bonne image, notamment après les attaques terroristes en 2015. Et comme le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a récemment déclaré qu'il ne voyait pas de violences de la part des forces de l'ordre social, c'est un crachat fait aux plusieurs dizaines de gilets jaunes blessés par la police ou la gendarmerie.
Pensées aux victimes de #ViolencesPolicieres dans le cortège. #GiletsJaunes #acteX pic.twitter.com/rDNmaYB90v
— Jonathan Baudoin (@JoBaudoin) 19 janvier 2019
Ensuite, au niveau de la carotte, c'est le grand débat national lancé par Macron, mardi 15 janvier. Dans ce débat, il serait question de discuter de tout, et donc de remettre en cause certaines dispositions faites par le pouvoir, notamment au niveau économique avec l'exemple de la suppression de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF), symbole d'une politique de classe au service de la bourgeoisie, qui a soutenu Macron dans sa course vers l'Élysée en 2017. Or, sur le fond, Macron n'entend pas bouger d'un iota sur ce point, répétant la fausse nouvelle - ou fake news - comme quoi un rétablissement de l'ISF ferait fuir les investisseurs, inciterait à la fraude fiscale, ne rapportant pas grand-chose selon lui, alors que selon des économistes hétérodoxes comme Thomas Porcher, les exilés fiscaux ont coûté 170 millions sur 10 ans et que l'ISF rapportait environ 4 milliards d'euros par an. De même qu'il en a profité pour glisser un refus du Référendum d'initiative citoyenne, proposé par les gilets jaunes depuis décembre, en invoquant la situation du Royaume-Uni qui peine à trouver une voie honorable par rapport au Brexit voté par référendum en juin 2016. Sur la forme, des maires devaient intervenir, relayant les cahiers de doléances de leurs habitants. Mais selon certains, ce grand débat est trié sur le volet, pour éviter que des gilets jaunes aillent dans la salle où se rendrait Macron, puis que certains maires ne peuvent pas avoir droit à la parole, en raison d'un filtrage mené notamment par les préfets.
C'est dire si la France est bien une république bananière à l'heure actuelle!