Une semaine après l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, la publication de la liste des produits chimiques échappés de l'usine dans l'atmosphère ne rassure guère les esprits tant les témoignages de problèmes sanitaires interrogent sur les effets de cet incendie dans le temps, mais peu considérés médiatiquement.
"Notre maison brûle et nous regardons ailleurs". Cette phrase de feu Jacques Chirac illustre bien la situation dans laquelle nous sommes par rapport à l'incendie qui s'est déclaré dans l'usine Lubrizol à Rouen, dans la nuit du 25 au 26 septembre. Cet événement dans une usine classée Seveso - du nom de l'indicateur de danger majeur d'un site industriel, adopté depuis la catastrophe industrielle de Seveso en 1976 -, a malheureusement été éclipsé par le trépas de Chirac, ce même 26 septembre dernier, où les mass media en ont fait des tonnes, à longueur de journée et dans l'hagiographie, par rapport à l'ancien président de la République (1995-2007), qui laisse pour certains esprits lucides une odeur amère.
Plus de 5.200 tonnes de produits chimiques
Les images de l'incendie de l'usine, laissant échapper une immense fumée noire sur la ville de Rouen, font craindre aux rouennais(es) une vague de pollution énorme dans leur commune et sur les villes et villages aux alentours, les problèmes que ça génère pour l'agriculture, sans compter le niveau de pollution de la Seine. Et la liste des produits chimiques ayant brûlé dans l'incendie, dévoilée par la préfecture de Seine-Maritime, mardi 1er octobre, peut donner un certain éclaircissement. Pour l'essentiel, il s'agit d'additifs multi-usages, représentant 3.308 tonnes sur les 5.253 tonnes de produits chimiques qui se sont évaporés dans l'atmosphère (cf lien n°1).
De quoi se dire que les odeurs sont "gênantes mais pas nocives" pour la santé, comme le Premier ministre Édouard Philippe l'a affirmé, mardi 1er octobre? En tout cas, cette réponse suite aux témoignages de rouennais(es) indiquant des maux de tête, des vomissements, dans les premiers temps qui ont suivi l'incendie, peut laisser dubitatif car des chimistes mettent en doute les analyses réalisées par les autorités ou que la crainte d'effets nocifs sur la santé est à suivre sur le long terme et que le biais court-termiste donne (trop) facilement l'idée suivante: "tout va bien madame la marquise" (cf liens n°2, n°3). Par ailleurs, un pompier ayant intervenu sur le site industriel indique ne pas pouvoir accéder à ses propres résultats d'analyses, celles-ci devant rester "confidentielles". De quoi alimenter une parano auprès des citoyen(ne)s (cf lien n°4).
Enfin, comme les emmerdes, ça arrive en escadrille, la toiture de l'usine incendiée était composée d'amiante, matériau reconnu comme cancérigène ayant généré un scandale sanitaire sur la fin du 20e siècle en France, notamment dans le campus de Jussieu à Paris. Or, 8.000 m² de toiture amiantée ont brûlé dans cette histoire et en dépit de propos qui se veulent rassurants de la part de la préfecture de Seine-Maritime, l'inquiétude sur ce danger sanitaire que représente l'amiante demeure (cf lien n°5).
Face à une telle catastrophe industrielle, économique, avec un potentiel de répercussion écologique non négligeable, la question est de savoir si le principe "pollueur-payeur" se verrait appliqué. Ce qui signifie, demander des comptes à l'entreprise Lubrizol, sa direction, ses actionnaires. Il s'avère que Lubrizol fait partie de la holding Berkshire Hathaway, possédée par... Warren Buffet, qui est le troisième être humain le plus riche du monde selon le magazine Forbes en 2019 (cf lien n°6). Si le milliardaire états-unien passe pour quelqu'un de détonnant, affirmant consentir à payer plus d'impôts, il n'en demeure pas moins un capitaliste conscient de son appartenance à une classe sociale - bourgeoisie - puisqu'il déclarait ceci dans les années 2000: "Il y a une guerre des classes, c'est un fait. Mais c'est ma classe, celle des riches, qui mène cette guerre et nous sommes en train de la gagner". Donc, si certain(e)s pensent qu'il se laisserait faire s'il lui était demandé de payer la note pour les dégâts causés par l'incendie, ce serait faire preuve de naïveté à ce sujet car, comme ailleurs, la règle empirique est qu'il y a "privatisation des profits" et "socialisation des pertes".
Sans compter qu'il faut se demander si le pouvoir, l'État, ferait une telle démarche, qui sera forcément longue, usante et pas forcément promise à aboutir. Et vu le pouvoir actuel, en l'occurrence Emmanuel Macron, et sa politique de classe, s'en prendre à un symbole du capitalisme serait mal venu de sa part tant la classe dominante a permis à Macron d'accéder à l'Élysée et qu'il se doit d'en être redevable. D'ailleurs, la plus importante catastrophe industrielle depuis l'explosion de l'usine AZF de Toulouse - elle-même classée Seveso -, le 21 septembre 2001, a été hélas constatée, ça pose la question des contrôles faits sur ces usines par des autorités publiques, si les moyens alloués sont suffisants, s'ils sont constants ou en diminution ces dernières années.
Toujours est-il que cet incendie interpelle, quel que soit l'angle adopté pour vouloir comprendre.
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