La signature d'un accord pour un plan de relance global de 750 milliards d'euros face à la crise liée au Coronavirus s'est finalement réalisée, au prix de longues négociations entre les partenaires européens. Il n'en reste pas moins que cet accord illustre les dissensions au sein de l'Union européenne, avec des structures demeurant encore bancales.
Du côté du président de la République française, Emmanuel Macron, comme pour la chancelière allemande, Angela Merkel, ce mardi 21 juillet 2020 est un jour "historique" pour la construction européenne, avec la signature d'un accord pour un plan de relance de 750 milliards d'euros par les 27 pays membres de l'Union européenne (UE), à Bruxelles, à l'issue d'un sommet européen commencé le vendredi 18 juillet. C'est dire combien les négociations ont été âpres avec d'un côté, un axe franco-allemand soutenant le Sud de l'UE (Espagne, Italie, Portugal, etc.) sur un plan de relance davantage tourné vers des subventions, donc un pas vers une mutualisation des dettes publiques; et de l'autre, un groupe formé par les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et l'Autriche, acceptant un plan de relance à condition que ce soit par des prêts, et non par des subventions.
Mi-figue, mi-raisin
Au final, ce plan de relance se répartit de la manière suivante: 390 milliards d'euros par des subventions, 360 par des prêts. Si la part consacrée au subventions est majoritaire, c'est néanmoins un recul de la part de Paris et Berlin, pour qui la part devant servir de subventions était initialement de 500 milliards d'euros (cf lien). C'est dire la concession faite aux pays "frugaux", sachant que ces derniers tenaient à durcir leur ligne avec un contrôle des plans de relance nationaux à l'unanimité, finalement transformé en contrôle des plans nationaux de relance par le Conseil européen à la majorité qualifiée.
Un quasi-scénario de mise sous tutelle des pays les plus déstabilisés, économiquement, par la crise du Coronavirus - Italie, Espagne, France principalement - est donc appelé à se mettre en place. Et les pays du Nord tirent leur épingle du jeu en bénéficiant davantage de rabais dans le cadre de l'accord trouvé. Mais surtout, le plan de relance - dont 30% doit être axé sur la lutte contre le dérèglement climatique -, s'inclut dans le budget 2021-2027 de l'UE, désormais fixé à 1.070 milliards d'euros, alors que la Commission européenne proposait 1.100 milliards d'euros pour le cadre financier pluriannuel de l'UE, et le Parlement européen demandait 1.300 milliards d'euros. C'est dire si l'urgence actuelle oblige à faire des rabots sur d'autres budgets, comme le programme Erasmus par exemple. Est-ce que ce plan sera faisable? L'économiste hétérodoxe David Cayla émet bien des réserves sur la pratique, à travers les potentiels détenteurs, le taux d'intérêt appliqué, etc.
Si cet accord, tant salué, a mis autant de temps à se faire, c'est qu'il met en exergue une divergence entre le Nord et le Sud de l'espace communautaire, avec le Nord qui accuse volontiers le Sud d'être dispendieux en matière de dépenses publiques, et in fine d'une mauvaise gestion de la dette publique. Est-ce si exact? En vérité non. Si on compare les Pays-Bas et l'Italie, on pourrait rejoindre la critique portée par Amsterdam envers Rome, étant donné que la dette publique néerlandaise est largement inférieure à la dette publique italienne (48,6% du Produit intérieur brut des Pays-Bas contre 134,8% du PIB de l'Italie). Mais au niveau de la dette des entreprises, c'est une toute autre chanson. Aux Pays-Bas, elle correspond à 158,3% du PIB, contre 67,9% du PIB pour l'Italie. Or, une dette privée, notamment celle des entreprises, est plus difficilement contrôlable qu'une dette publique, car cette dernière peut être réduite à travers l'inflation ou une maîtrise majoritairement locale des titres de dette publique. Pour une dette privée, le moyen le plus efficace de la faire réduire est de la socialiser. Donc, de la transformer en dette publique. Et ça n'a pas loupé après la crise financière de 2008-2009, avec les États venus au secours du secteur privé, notamment du côté de la finance.
Enfin, cet accord ne règle en rien le problème structurel de base qu'est l'euro. La monnaie unique a été façonnée sur le modèle du Deutschemark allemand, avec pour principes cardinaux un contrôle rigide de l'inflation et une banque centrale indépendante. Ce qui est dans la droite ligne de la pensée économique dominante, professant la concurrence libre et non faussée en théorie, mais pratiquant le monopole, y compris dans l'enseignement supérieur. Or, la Banque centrale européenne, ciblant ainsi l'inflation, tend à faire de l'UE une zone de déflation, ce qui est autrement dangereux que l'inflation. Puis l'indépendance de la BCE qui fait qu'elle se limite quant à l'idée de rachat direct des titres de dette publique et leur monétisation en tournant la planche à billets, est également à géométrie variable, tant elle exerce un pouvoir puissant. La Grèce a été bien placée pour le savoir lors de l'été 2015.
À y réfléchir un tant soit peu, tout est fait artificiellement pour éviter une mise à mort de l'UE. Mais pour combien de temps cette stratégie peut tenir? Telle est la question.
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