Victorieux pour la deuxième fois de suite de la Grande boucle, le coureur slovène suscite admiration et irritation, tant elle réveille des souvenirs, des images de déjà-vu qui posent problème dans le cyclisme, avec l'ombre du dopage comme sujet principal.
Une confirmation! Voilà ce qui résume la victoire du Slovène Tadej Pogacar, à l'issue du Tour de France, terminé le 18 juillet sur les Champs-Élysées, comme le veut la tradition depuis 1975. Vainqueur surprise l'an dernier, ayant pris le maillot jaune la veille de l'arrivée aux Champs-Élysées aux détriments de son compatriote Primoz Roglic, le coureur de l'équipe UAE Emirates a fait étalage d'une démonstration de force, étant donné qu'il relègue son dauphin, le Danois Jonas Vingegaard, à 5'20" et l'Équatorien Richard Carapaz à 7'03".
Ombre du dopage
La facilité de la victoire de Pogacar, acquise officiellement dès la première étape de montagne (Oyonnax>Le Grand-Bornand), peut être analysée comme réalisée à l'issue du premier contre-la-montre (Changé>Laval) que le tenant du titre a remporté haut la main, alors que ce contre-la-montre semblait taillé pour de purs rouleurs car relativement plat et que Pogacar avait un profil de grimpeur. Cette victoire d'étape-là, plus la démonstration dans la première étape de montagne où il met dans le rouge tous ses adversaires en attaquant à une trentaine de kilomètres de l'arrivée et en affichant une grande fréquence de pédalage suscite des sentiments contrastés. D'un côté, l'admiration car le coureur slovène casse certaines habitudes en se lançant à une certaine distance de l'arrivée et dans des ascensions où des pourcentages peuvent être importants. De l'autre, la suspicion de l'honnêteté de la performance tant le rythme de pédalage et la puissance mesurée durant les ascensions rappellent le souvenir de l'États-unien Lance Armstrong quand ce dernier mettait dans le vent ses adversaires et niait ensuite tout dopage jusqu'en 2012, où il dut avouer à la suite d'une enquête fédérale états-unienne qui a prouvé combien il utilisait des produits dopants pour ses participations au Tour de France de 1999 à 2005, où il mettait des écarts énormes à ses adversaires, excepté en 2003. Afficher désormais un profil de coureur complet, de la part de Pogacar, au regard de certains exemples passés, risque de le desservir et de jeter sur lui une ombre qu'il devra gérer à l'avenir, tant il semble promis à enchaîner les victoires dans les Grands Tours (Tour de France, Tour d'Italie, Tour d'Espagne).
Cette ombre du dopage sur le Tour 2021 a été plus manifeste envers l'équipe Bahrain-Victorious, où une perquisition de la part de la gendarmerie fut menée mercredi 14 juillet auprès de cette équipe dans le cadre d'une enquête préliminaire pour suspicion de dopage. De quoi faire enrager certains des coureurs de cette équipe, notamment Matej Mohoric, qui en fit écho à travers sa réaction au moment d'arriver en vainqueur de l'étape Mourenx>Libourne en mettant un doigt devant sa bouche, histoire de faire taire les détracteurs. Un geste qui rappelle encore Armstrong, aux yeux de certains observateurs. Après, le dopage n'est pas seulement physiologique, via le secteur médical. Il peut être aussi mécanique, avec l'utilisation de moteur dans les vélos ou de la récupération d'énergie dans les freins, à l'instar du système de récupération d'énergie existant en Formule 1 pour la partie électrique du moteur (cf lien). Bref, de quoi avoir un doute bien profond.
Si Pogacar, entre autres vainqueur du classement du meilleur jeune (maillot blanc) et vainqueur du classement de la montagne (maillot à pois rouges), a eu droit à des compliments de la part d'Eddy Merckx, un autre coureur peut se comparer au Cannibale, c'est Mark Cavendish. Revenu à la dernière minute sur le Tour, le sprinteur britannique de 36 ans a brillé, remportant le classement par points (maillot vert) et quatre étapes. Ce qui lui permet d'égaler le record de Merckx de 34 victoires d'étapes sur le Tour.
L'une des révélations de ce Tour est Jonas Vingegaard. Le coureur danois de l'équipe Jumbo-Visma, très bon rouleur et grimpeur, a profité des circonstances pour agir en dauphin de Pogacar, étant l'un des rares à avoir pu l'attaquer, notamment lors de l'étape Sorgues>Malaucène, comportant une double ascension du Mont Ventoux, car initialement, il devait être le lieutenant de Roglic. Mais l'abandon du Slovène, n'ayant pas pu récupérer de sa chute lors de l'étape Lorient>Pontivy, l'a mis sur le devant de la scène. De quoi se poser la question de la promotion de Vingegaard comme futur leader chez Jumbo-Visma à la place de Roglic dans les années à venir. En outre, reste à voir si Wout Van Aert, vainqueur de trois étapes dans trois registres différents - la montagne avec l'étape de Malaucène et les ascensions du Mont Ventoux; le contre-la-montre Libourne>Saint-Émilion puis l'étape finale pour sprinteurs sur les Champs-Élysées -, compte devenir plus complet, notamment en montagne, et tenter de devenir le premier belge vainqueur du Tour depuis Lucien Van Impe en 1976.
Pour l'équipe Ineos-Grenadiers de Carapaz, c'est quelque peu similaire. Malgré sa troisième place, l'Équatorien, vainqueur du Tour d'Italie 2019, ne fait pas totalement oublier le Colombien Egan Bernal, vainqueur du Tour en 2019 et du Giro cette année. de quoi être tenté de revoir ce dernier l'an prochain sur le Tour, pour un duel au sommet (espéré) avec Pogacar.
Et au niveau des coureurs français? La même tendance que l'an dernier. À savoir que Julian Alaphilippe permet d'éviter une catastrophe globale car en-dehors de la première étape, gagnée par le champion du monde en titre, aucun autre Français n'a réussi. Au niveau du classement général, on avait beau s'attendre à une moindre capacité à jouer véritablement le haut du panier, la déception reste de mise, même si les deux premiers Français au classement général, Guillaume Martin (huitième à 15'33") et David Gaudu (onzième à 21'50") n'ont pas forcément démérité. Cependant, ils ne doivent leur classement qu'à la faveur d'échappées prises, même si en fait Gaudu aurait pu être meilleur au classement général s'il n'avait pas connu un jour sans lors de l'étape Saugues>Malaucène, où il termina à plus de 25' de Van Aert. C'est dire si le moindre moment de faiblesse ne pardonne pas sur le Tour!
Sinon, ça a chassé en vain les étapes, avec des coureurs pourtant bien offensifs comme Franck Bonnamour, Alaphilippe, Anthony Perez, etc. Puis il faut compter des méformes comme celle d'Arnaud Démare, finissant hors-délai après l'étape Le Grand-Bornand>Tignes ou l'abandon de Nacer Bouhanni consécutif à une chute. Bref, de quoi avoir la soupe à la grimace.
Vivement l'an prochain!
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