L'ampleur de la manifestation du 19 janvier contre la réforme des retraites montre combien le gouvernement est fort présomptueux quant à l'idée de pouvoir la faire passer sans anicroche. Une seconde manifestation est prévue pour le 31 janvier, chargée de démontrer la durabilité de cette opposition populaire et syndicale.
Le pari syndical d'une mobilisation importante contre la réforme des retraites a été largement gagné, jeudi 19 janvier. Alors que les syndicats, notamment la Confédération générale du travail (CGT), tablaient sur 1 million de manifestants dans toute la France, ils estiment que ce fut 2 millions de personnes battant le pavé dans l'Hexagone, dont 400.000 à Paris. Une manifestation parmi les plus importantes depuis 1995. Et même le ministère de l'Intérieur, minimisant au maximum le nombre de manifestants, comptabilisa un peu plus d'un million de personnes, dont 80.000 à Paris. Soit plus que l'objectif que se fixaient les syndicats avant la journée de manifestation, tant la crainte de la résignation résonnait dans les têtes.
Unité syndicale durable?
Rassurés par leur capacité à rassembler des franges disparates du monde du travail dans une cause commune qu'est le régime des retraites et d'accorder leurs violons dans un souci d'intérêt collectif, les syndicats peuvent se sentir pousser des ailes car le pouvoir a pris un coup dans les gencives, tellement il a sous-estimé la rage qu'il a insufflée en présentant une nouvelle réforme des retraites et que les justifications apportées n'ont guère convaincu. Surtout que pour la première fois depuis 2010, tous les syndicats se retrouvaient pour battre le pavé. Et tout particulièrement la Confédération française démocratique du travail (CFDT), plus prompte à rester à la table des négociations qu'à partir en grève ou en manifestation.
Face à une telle réussite dans l'ensemble, bien qu'il y eut des moments de tension (violences policières) à Paris, une première question se pose: l'union sacrée syndicale peut-elle s'inscrire dans la durée? Le premier élément de réponse apporté dès jeudi soir est l'établissement d'une deuxième journée de manifestation le 31 janvier. Une deuxième question se pose également: les grèves observées le 19 janvier vont-elles être reconductibles dès le 20 janvier ou à partir du 31 janvier? Et là, c'est une toute autre histoire où un dissensus se fait jour. Si Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, se montre affirmatif - sans trop vraiment en être convaincu ou plutôt pour caresser dans le sens du poil la base syndiquée -, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, n'y est pas favorable, arguant que les différentes fédérations de la CFDT n'ont pas lancé d'appel à une grève reconductible.
Et là, le gouvernement a désormais du temps pour affiner sa stratégie et il est évident qu'il s'agira d'isoler la CFDT pour la faire rentrer dans le rang. Mais au vu du succès de la mobilisation du 19 janvier, si la CFDT lâche l'affaire, cela nourrira une hostilité de la part des exploité(e)s envers un syndicat qu'ils/elles verront comme un regroupement de traitres envers la classe sociale qu'il défend, a priori. Les prochains jours nous montreront si cette stratégie gouvernementale va porter ses fruits, pour mieux lézarder l'opposition au dépeçage des retraites, ou bien échouer car les syndicats, y compris la CFDT, savent qu'ils ont beaucoup à perdre à partir négocier avec le gouvernement.