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JoSeseSeko

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"Il ne faut jamais prendre les gens pour des cons, mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont." Cette phrase résume une recherche de vérité, de développer de l'information sur une variété de sujets, notamment l'économie, la politique et l'histoire. Et ce, dans plusieurs pays du monde.


Matthias Fekl: "Le Tafta est plus qu'un traité de libre-échange classique"

Publié par JoSeseSeko sur 3 Avril 2016, 13:06pm

Catégories : #Économie, #Politique, #Europe, #Amériques, #États-Unis, #TAFTA, #Fekl, #Porcher, #Libre-échange, #Écologie

Matthias Fekl: "Le Tafta est plus qu'un traité de libre-échange classique"

Lors d'un débat organisé à Paris, place Stalingrad, le secrétaire d'État au Commerce extérieur, Matthias Fekl, s'est efforcé de convaincre au sujet des avantages qu'apporteraient le traité transatlantique, actuellement en négociation. Mais l'opposition de l'économiste Thomas Porcher marque bien les esprits, sur des exemples concrets.

Il fallait être sur la place Stalingrad, samedi 2 avril, pour voir des échanges entre Matthias Fekl et Thomas Porcher, sous contrôle du journaliste Guillaume Duval, sur un sujet botté en touche par les mass media qu'est la zone de libre-échange transatlantique (ZLET ou en anglais: Transatlantic free-trade area ou TAFTA). Le TAFTA, en négociations continues depuis 2013, a été un temps un enjeu lors des élections européennes de mai 2014 avant de rebasculer dans un relatif anonymat. D'où ce débat auquel ont participé les 3 intervenants.

"Le beurre, l'argent du beurre"

L'objectif de ce traité, comme le rappelle M. Fekl, secrétaire d'État au Commerce extérieur, est de créer la plus grande zone d'activité économique au monde, avec des gains qui seraient loin d'être ridicules pour l'économie française. Pour justifier son optimisme, il revient sur l'idée que les pays européens et les États-Unis partagent des "valeurs essentielles" - veut-il parler de l'impérialisme, du néocolonialisme? - il insiste à plusieurs reprises sur le fait que les marchés publics sont davantage concurrentiels dans l'Union européenne (UE) qu'aux États-Unis et qu'en cas d'accord d'ici la fin de l'année - le souhait suprême de l'administration Obama -, cela ouvrirait des portes importantes pour les entreprises européennes du côté de Washington. Néanmoins, il admet que les négociations sont difficiles face au refus états-unien de tenir compte de la "diplomatie des terroirs", notamment dans le cas des appellations; puis que la recherche d'harmonisation des normes "vers le haut et non vers le bas" a du mal à se concrétiser.

Sur ce point, M. Porcher lui fournit un propos contradictoire cinglant. En effet, l'économie de l'UE et celle des USA fournissent des biens similaires. Donc, il y a du commerce intra-branche comme dans l'automobile, où l'affaire Volkswagen a illustré la forte concurrence entre constructeurs européens et états-uniens par exemple. Pour harmoniser, il faudrait regarder secteur par secteur et en fonction des parts de marché de chaque camp, selon lui. Et dans ce cas, vu le poids des multinationales états-uniennes face à leurs concurrentes européennes, l'harmonisation tant défendue par le secrétaire d'État se traduira davantage par des normes issues de l'oncle Sam selon l'économiste. En vérité, Washington a davantage de chances d'être en position de "norm-maker" (faiseur de normes) que Bruxelles. Ce qui serait une étape supplémentaire dans l'américanisation de l'Hexagone et de l'Europe, sachant que Washington a un avantage de poids dans la négociation qu'est le dollar, une monnaie ayant depuis l'après-guerre une influence considérable dans les échanges mondiaux.

En outre, les gains en matière d'emploi sont plus qu'hypothétiques. Thomas Porcher en profite pour rappeler qu'une étude de la Commission européenne, utilisant "le modèle néo-classique d'équilibre général", indiquait que le TAFTA permettrait la création de deux millions d'emplois en Europe, mais une autre étude faite dans une fac états-unienne pointe quant à elle une destruction de 600.000 emplois en Europe avec ce traité. De même que l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) entre le Canada, les États-Unis et le Mexique a provoqué des pertes d'emplois colossales en plus de vingt ans au Mexique - un million, surtout dans l'agriculture -, comme aux États-Unis - un million également, lié aux métiers à faible qualification -. Ce qui permet à M. Fekl d'être en accord avec M. Porcher sur le "monopole de la pensée économique" néo-classique et la nécessité de "plus de contradictions dans le débat économique". Mais hormis les économistes orthodoxes, qui ne serait pas pour?

Court-termisme à craindre

Les négociations sur le TAFTA ne doivent pas seulement s'aligner sur un axe purement commercial, selon M. Fekl. Pour lui, s'il n'y a pas de modification dans les négociations sur le traité, avec une incorporation de problématiques sociales et environnementales, notamment depuis la COP21 et son (relatif) succès, alors elles doivent s'arrêter. Un positionnement assez exceptionnel parmi les officiels européens chargés de parvenir à un accord. Le dit accord devant passer par le Parlement européen puis par les 28 parlements nationaux (ou 27 si le Royaume-Uni devait quitter l'UE par référendum en juin prochain).

Ce qui ne réussit pas pourtant à convaincre M. Porcher, notamment sur la question environnementale car pour l'économiste, la transition énergétique exige une stratégie de long terme. Or, les firmes dans ce domaine restent ancrées dans le court-termisme et avec la polémique autour des tribunaux d'arbitrage, ça pourrait avoir pour effet d'avoir "une épée de Damoclès sur le législateur" car la volonté de ce dernier de s'inscrire sur le temps long rentre en opposition frontale avec la recherche de bénéfices immédiats pour une firme dans le secteur énergétique.

Peser face à d'autres blocs

L'insistance de M. Fekl sur l'harmonisation des normes suit la vision du président états-unien, Barack Obama: "Si c'est pas nous, la Chine imposera son droit, ses normes." Le TAFTA répond également à une stratégie géopolitique de Washington, pour contrecarrer l'influence de Pékin et des autres pays émergents, qui forment les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Ces derniers, malgré une conjoncture économique fragile - récession plus tensions politiques au Brésil par exemple -, ils construisent un rapport de force en opposition aux pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), notamment au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) car pendant longtemps, l'OMC a servi aux intérêts des pays de l'OCDE plutôt qu'aux émergents.

Mais cet accord va-t-il se baser sur du libre-échange intégral ou un brin de protectionnisme? Comme le souligne Guillaume Duval, l'Europe était historiquement protectionniste car les entreprises étaient "demandeuses" de cette politique économique. Depuis plusieurs années, les grandes firmes européennes ont axé leur développement à l'extérieur de l'UE et du coup, selon le rédacteur en chef d'Alternatives économiques, elles refusent désormais le protectionnisme car ce serait une "mise en danger des zones de profit". En cela, M. Porcher indique que les grandes entreprises tiennent à une libéralisation avec TAFTA car ce traité créerait un "oligopole mondialisé", car les firmes s'entendront volontiers sur les prix, avec des arrangements à la marge.

En bref, le TAFTA sent bien le piège à cons de part et d'autre de l'Océan Atlantique et l'opposition citoyenne, davantage "en Allemagne qu'en France" d'après M. Duval, mais aussi aux États-Unis, où peu de candidats aux primaires républicaines et démocrates ont exprimé une approbation au projet, pourrait bien le faire capoter. Et ce, en dépit de la recherche de transparence, notamment pour les parlementaires européens ou états-uniens face à des lobbys parfois mieux informés.

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