Une manifestation de membres de la diaspora congo-zaïroise, de français d'origine congolaise, s'est tenue à Paris, comme ailleurs en Europe, pour critiquer l'action du pouvoir envers la Constitution et les manifestations violemment réprimées depuis le 19 janvier, dans toute la République Démocratique du Congo, appelant au départ de Joseph Kabila.
"Je suis Kinshasa". Voilà un nouveau mot d'ordre inspiré de "Je suis Charlie". Il y a de quoi vu que depuis le 19 janvier, des manifestations se font du côté de Kinshasa et d'autres villes de la République Démocratique du Congo, comptant plusieurs dizaines de morts, notamment des étudiants dans la capitale congolaise, par des policiers. Ce qui fait rappeler combien la police sert l'injustice, et que l'angélisme qui s'est fait en France pour la police, suite à l'attaque contre Charlie Hebdo est un leurre effarant.
Une participation surprenante
Personnellement et en tant que d'origine congo-zaïroise, je m'attendais à peu de monde. Il faut dire qu'une précédente marche au sujet du pays, en particulier de la situation des femmes à l'Est (province du Kivu), avait rassemblé 200 personnes, pas plus, en novembre dernier. Mais là, vu l'actualité sanglante, la diaspora congo-zaïroise, s'est davantage mobilisée. Il faudrait bien compter entre 2.000 et 3.000 manifestants. Soit 10 fois plus qu'en novembre. C'est dire de la marge de manœuvre également. Et encore, il y aurait pu avoir davantage car des français d'origine congo-zaïroise n'ont pas forcément pu venir, puis si des partis de gauche dits internationalistes s'étaient informés, ça aurait donné un plus grand rapport de force.
Néanmoins, ça montre que les gens sont en colère, encore plus depuis que l'Assemblée nationale a fait passer en catimini la "loi électorale", faisant en sorte de faire un recensement et de distribuer des cartes électorales... mais pas avant 2017. Ce qui serait un moyen pour Kabila de violer la Constitution, de rester au pouvoir. Et le Sénat pourrait également appuyer cette loi, qu'on pourrait considérer, à juste titre, comme anticonstitutionnelle.
Unité de motivation: "Kabila, dégage!"
Le changement qu'il y a par rapport à la marche républicaine du 11 janvier, qui sentait l'illusion à plein nez, c'est que les manifestants ont eu une motivation unique, ou du moins principale. Là où ça manifestait soit pour l'hebdomadaire satirique, soit pour la presse en général, soit sur la tolérance religieuse, etc. les manifestants ont battu le pavé pour appeler au départ de Joseph Kabila, au pouvoir depuis l'assassinat de son père adoptif Laurent-Désiré Kabila, le 16 janvier 2001, réélu de manière douteuse en 2006 et surtout en 2011 et dont le mandat présidentiel doit s'arrêter en 2016. Et dans une moindre mesure, tous veulent un respect de la Constitution de 2006, qui stipule justement qu'elle ne peut être retouchée par le pouvoir en place.
Néanmoins, si l'opposition à Kabila fils est claire, il y a tout de même différentes oppositions, repérables dans le cortège. D'abord, celle de gauche avec l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le grand parti d'opposition, symbolisé par son principal fondateur, Étienne Tshisekedi, qui ne lâche pas les rênes du parti, malgré son âge très avancé (82 ans) qui devrait lui indiquer qu'il faudrait passer le témoin à la jeune génération de cadres de l'UDPS. Ensuite, l'opposition de droite, avec le Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, en proie à des histoires judiciaires avec la Cour pénale internationale de La Haye, en raison de son rôle durant la "deuxième guerre du Congo" (1998-2003), et des exactions menées dans son camp devenu parti politique depuis 2003. D'autant plus que Bemba, candidat malheureux en 2006, pourrait représenter le MLC pour 2016.
Retrouvailles, ambiance
Durant cette marche, j'ai pu retrouver des personnes que j'ai vues durant précédentes manifestations ou différents rassemblements et j'ai pu notamment discuter un peu avec Elsa Vumi. Cette activiste, qui était intervenue dimanche 18 janvier, pour le rassemblement au Trocadéro en soutien aux victimes de Boko Haram au Nigéria, a évoqué auprès des passants qui ne comptaient pas forcément marcher avec les manifestants, le pourquoi de cette mobilisation, en rappelant le viol des femmes comme arme de guerre et le pillage des richesses du sous-sol congo-zaïrois, servant aux seules multinationales et classes dirigeantes, mais pas au peuple, à la classe dirigée. Sachant que le sang répandu à l'Est de l'ex-Zaïre dure quasiment depuis le génocide rwandais de 1994, foutant le bordel dans la région des Grands lacs.
En tout cas, pas d'incidents à déclarer mais des gestes bien idiots tout même. Par exemple, un ignare (il n'y a pas d'autres mots. Va-t-il se reconnaître dans cet article?), marchait en agitant un t-shirt à l'effigie de Mobutu. Quelle imbécillité! Il devrait pourtant savoir que le kabilisme est l'héritier du mobutisme, que Kabila marche dans les pas de Mobutu. C'est dire si l'histoire doit être revue car, je conclus là-dessus, comme l'écrivait Karl Marx: "Celui qui ne connait pas l'histoire est condamné à la revivre."