La crainte d'un report de l'élection présidentielle congolaise, prévue pour fin 2016, pousse certains membres de la majorité présidentielle à se faire entendre, via une lettre ouverte au président Joseph Kabila, afin d'éviter toute violation de la Constitution de la part de l'exécutif.
Le mot "fronde" semble être à la mode pour décrire certains faits et gestes de distance de la part de membres d'une majorité. Après des frondeurs français, notamment au Parti socialiste, dont l'efficacité de leur mouvement est mise en doute par plusieurs observateurs, voici un phénomène semblable en République démocratique du Congo (RDC). Sept membres de la majorité présidentielle ont envoyé une lettre ouverte, lundi 14 septembre, au président Joseph Kabila, l'incitant à maintenir le calendrier électoral en place depuis le début de l'année 2015, avec une élection présidentielle pour fin 2016.
Un dialogue rompu
Cette lettre de ces dirigeants - Charles Mwando Nsimba, Gabriel Kyungu wa Kumwanza, Olivier Kamitatu, Christophe Lutundula, José Endundo, Dany Banza Maloba et Yves Mobando - alliés à Kabila et même actuellement ministres (Olivier Kamitatu, ministre du Plan), intervient après une rupture dans le "dialogue national" qu'organisait le gouvernement avec les partis d'opposition pour préparer les échéances électorales d'octobre prochain (municipales, provinciales) jusqu'à la présidentielle de fin 2016, élaborées par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).
Le principal parti d'opposition, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), dirigé par Étienne Tshisekedi, candidat malheureux en 2011, s'est retiré, considérant que le pouvoir voulait le rendre "complice de [son] échec" quant à l'organisation d'élections "dans le délai constitutionnel", dixit Félix Tshisekedi, secrétaire national de l'UDPS chargé des relations extérieures. Néanmoins, l'UDPS invite les autres partis d'opposition à travailler pour un "transfert pacifique du pouvoir".
Atmosphère électrique
La prochaine élection présidentielle devrait être celle de l'alternance pacifique, ce qui serait une première bienvenue dans l'ex-Zaïre, et la tension monte au fur et à mesure que l'échéance se rapproche. L'attitude du président Kabila laisse perplexe car lui, chef de l'État depuis 2001 (suite à l'assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila), élu à deux reprises en 2006 et 2011, ne peut pas se représenter pour une troisième élection. Et ce, en vertu de l'article 70 de la Constitution de 2006 qui stipule: "Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois." Et comme cette Constitution ne peut être modifiée (article 220), il se mure dans le silence à propos de ses intentions pour 2016. Mais certains de ses plus proches collaborateurs, au sein de la majorité présidentielle, veulent qu'il reste au président, quitte à violer (le terme est fort peut-être, mais réaliste) la Constitution, en ne respectant pas le calendrier de la Ceni.
Et c'est en cela que la lettre ouverte des membres de la majorité et le désistement de l'opposition au "dialogue national" électrisent l'atmosphère. C'était déjà le cas en janvier dernier, quand une "loi électorale" avait mis le feu aux poudres, provoquant des manifestations à Kinshasa et dans d'autres grandes villes congo-zaïroises, violemment réprimées. Les auteurs de la lettre ouverte parlent de stratégie "suicidaire" de la part du pouvoir auquel ils sont membres et font acte que l'évolution des dernières semaines "a conduit l'écrasante majorité des Congolais à la conviction qu'il y a des intentions inavouées de ne pas respecter la Constitution." Bref, des manifestations pourraient reprendre, avec une ampleur supérieure à celle de janvier dernier, si Kabila n'indique pas clairement qu'il quittera le pouvoir après 2016.
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