Les élections générales irlandaises dessinent le scénario d'une coalition entre les deux partis dominants dans l'île, face à une opposition de gauche anti-austérité qui croît électoralement.
Pas de "vainqueur clair" estime le journal Le Monde, au sujet des élections législatives irlandaises (cf lien n°1), qui tombent en plein centenaire de l'Insurrection de Pâques 1916, acte fondateur dans la guerre d'indépendance de l'Irlande face au Royaume-Uni, en pleine première guerre mondiale. La composition d'une majorité parlementaire se jouera à quelques sièges près, sur les 158 que compte le Dáil Éireann ("Assemblée d'Irlande" en gaélique) désormais.
Coalition des frères ennemis
Vu l'incertitude provoquée par les résultats, la plus grande probabilité de formation d'un gouvernement ne peut être assurée que par une coalition du Fine Gael et du Fianna Fáil. Ces deux partis de centre, centre-droit, voire de droite, sont des frères ennemis qui dominent la vie politique irlandaise depuis l'indépendance de l'Eire, en 1922. Avec parfois le Parti travailliste qui joue le rôle de faiseur de roi, comme ce fut le cas après les élections de février 2011, permettant à Enda Kenny, du Fine Gael, de devenir Taoiseach (équivalent irlandais du Premier ministre) suite à une coalition réalisée avec les travaillistes.
Mais les choses ont changé. Le Fianna Fáil, qui avait le pouvoir avant 2011 et qui s'était retrouvé troisième il y a cinq ans avec 17,4% et 20 députés - la plus grosse défaite électorale de son histoire -, semble avoir retrouvé du poil de la bête avec 24.5% des suffrages et 44 élus, talonnant ainsi le Fine Gael, selon l'Irish Times. Dans l'intervalle, ce dernier est passé de 36,1% des voix et 76 députés en 2011 à 25.5% des suffrages et à peine 49 députés désormais. Le Parti travailliste, quant à lui, a connu un effondrement total puisqu'il convint moins de 7% des électeurs (6 députés), contre 19,4% cinq ans auparavant. Du coup, avoir une majorité de 79 députés n'est clairement pas simple et il semble incontournable, au yeux de nombreux observateurs, que Kenny devra former une coalition avec Micheál Martin, son adversaire du Fianna Fáil, ainsi que se débrouiller pour attirer des élus "indépendants" conservateurs ou libéraux.
Poussée de gauche contre l'austérité
La grande leçon politique du scrutin (proportionnel) irlandais est la montée en puissance de la gauche irlandaise. Le recul du Labour est lié à sa compromission dans la coalition gouvernementale et à sa gauche, ça progresse. D'abord, un nouveau parti, les Sociaux-démocrates, issus d'une scission du Parti travailliste, est entré au Dáil Éireann avec 3% des voix et 3 députés (au moins). Mais surtout, c'est la montée en puissance du Sinn Féin. Le parti républicain de gauche, mené par Gerry Addams, ancienne branche politique de l'armée républicaine irlandaise (Irish republican army, IRA), cristallise les victimes de la crise économique qui veulent se faire entendre. Adoptant un ton davantage social et anticapitaliste que sa rhétorique sur l'unité de toute l'Irlande - l'Irlande du Nord faisant toujours partie du Royaume-Uni -, le Sinn Féin est devenu désormais la troisième force politique irlandaise, avec près de 15% des voix et de 23 députés. Néanmoins, à l'instar de Podemos en Espagne, il pouvait faire un plus gros score (crédité parfois de plus de 20% des voix) mais le contexte de la gauche radicale européenne avec Syriza en Grèce n'a pas facilité la tâche pour Addams et ses amis. Enfin, le Parti vert fait un retour à la chambre basse de l'Oireachtas, après avoir été débouté en 2011; puis la coalition d'extrême-gauche Alliance anti-austérité/Le peuple avant le profit devrait compter 6 députés (autant que le Labour) contre 4 cinq ans auparavant.
En vérité, malgré les apparences, le camp anti-austérité est sorti renforcé. Bien que nombre de journaux racontent combien l'économie irlandaise se porte mieux depuis la crise puisqu'en 2015, le taux de croissance de l'Irlande était de 7%, le plus élevé de la zone euro. En outre, le taux de chômage est passé de 15 à 8,5% en cinq ans, le budget s'est rapproché de l'équilibre, après avoir été lourdement déficitaire pour sauver les banques irlandaises puis la dette publique s'est rétractée après avoir bondi entre 2008 et 2011. Tout irait pour le mieux à Dublin! D'autant plus que d'après l'Humanité, le nombre de milliardaires en Irlande aurait doublé en 2015 (cf lien n°2). Mais une réalité en masque une autre. Les politiques d'austérité ont développé une proportion record de ménages vivant sous le seuil de pauvreté, de même que les jeunes irlandais qui s'étaient exilés ne sont pas tous revenus (fuite des cerveaux). Par ailleurs, l'austérité voulue par la troïka - FMI, BCE, Commission européenne -, s'est exprimée à tel point qu'une taxe sur l'eau a été adoptée fin 2013, provocant des manifestations en masse, voire un boycott des factures envoyées par la société semi-publique Irish water. Enfin, et non des moindres, l'austérité fut à sens unique, envers la classe sociale la plus pauvre et une bonne partie des "classes moyennes". Pas question de faire payer les plus riches, en particulier les entreprises puisque l'Irlande reste encore le pays européen où le taux d'imposition (théorique) sur les sociétés est de 12,5%, contre plus du double en moyenne dans le reste de l'Union européenne. Optimisation fiscale à outrance au service de la classe dominante!
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