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JoSeseSeko

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"Il ne faut jamais prendre les gens pour des cons, mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont." Cette phrase résume une recherche de vérité, de développer de l'information sur une variété de sujets, notamment l'économie, la politique et l'histoire. Et ce, dans plusieurs pays du monde.


Quand la pression l'emporte sur les convictions

Publié par JoSeseSeko sur 24 Décembre 2016, 09:30am

Catégories : #Médias, #Canal +, #Emploi, #Racisme, #Sketch, #Achour, #Bolloré, #Polémique

Quand la pression l'emporte sur les convictions

La polémique autour d'un sketch de Gad Elmaleh et Kev Adams prenant l'accent chinois avait enflé ces derniers jours, avec une tribune du rédacteur en chef de l'émission Clique (Canal +), Anthony Cheylan, d'origine vietnamienne. Mais le lendemain de cette tribune, une "mise à jour" a été mise en ligne par le présentateur de l'émission, Moulou Achour, prenant une tonalité diamétralement opposée. Ce n'est pas sans soupçon d'intervention de la direction du groupe Canal +, dirigé par Vincent Bolloré, qui se fait remarquer par ses méthodes dans les médias.

"Peut-on rire de tout?" À cette question, il est habituel de citer l'humoriste Pierre Desproges et sa réponse: "Je pense effectivement qu'on peut rire de tout, mais pas forcément avec tout le monde". Mais il est tentant de dire qu'on peut peut rire de tout, à condition que l'humoriste en question soit drôle et talentueux. Et c'est ce qui semble manquer aux humoristes Gad Elmaleh et Kev Adams ces derniers temps. La diffusion de leur spectacle Tout est possible sur M6, courant décembre, a suscité la critique. Notamment sur un sketch où les deux compères sont habillés en kimono et prennent l'accent chinois d'une manière très lourdingue, faisant polémique en cette première semaine de vacances.

Du malaise...

Un "humour raciste que l’on pensait disparu en même temps que la carrière de Michel Leeb" déplore Anthony Cheylan, rédacteur en chef de l'émission Clique sur Canal +. Une dénonciation d'autant plus forte que le journaliste est d'origine vietnamienne, et a connu les blagues "plus ou moins de mauvais goût" de ce genre (cf lien n°1). Un sketch qui a paru être un supplice pour lui, ne masquant pas sa honte face à cette prestation des duettistes, tournant en ridicule la communauté asiatique, mais aussi sa naïveté, pensant que "la mondialisation des cultures, l’évolution des mentalités et les discours d’acceptation des minorités rendraient inconcevables des scènes pareilles en France, en 2016".

Un sketch qui passe d'autant plus mal que durant l'été 2016, le commerçant Chaolin Zhang, membre de la communauté chinoise d'Aubervilliers a été tué, incitant plusieurs Français d'origine asiatique - pas seulement chinoise - à manifester dans Paris en septembre 2016, en solidarité avec les proches de la victime et exposer sur la place publique une insécurité croissante à leur égard.

... à la volte-face

Mais au lendemain de la publication de cette tribune, une "mise à jour" a été mise en ligne, avec une introduction de la part de Mouloud Achour, présentateur de l'émission Clique (cf lien n°2). L'emballement sur les réseaux sociaux pousse Achour à calmer les ardeurs et laisse entendre que Cheylan et lui-même ont du commettre une erreur d'appréciation, pensant du reste que "Gad Elmaleh ou Kev Adams ne soient pas racistes en tant que personnes". Un argument digne de ceux qui venaient au secours de Laurence Rossignol - Jean-Luc Mélenchon par exemple - au moment des propos négrophobes de la ministre en mars 2016. Puis Cheylan est revenu sur sa tribune, considérant que le sketch du duo a des "maladresses", tout comme ce qu'il a écrit. Et qu'en fait, le rédacteur en chef voulait revenir sur "la question de la représentation des Asiatiques".

Vu les commentaires postés après publication de cette "mise à jour", cette dernière donne l'impression d'être une volte-face de la part des meneurs de l'émission, auprès des lecteurs. L'ombre d'une pression extérieure ne traîne pas loin. En l'occurrence, celle de Vincent Bolloré, le grand patron de Canal +. Ce n'est pas la première fois que l'homme d'affaires se verrait mêlé à une polémique dans un de ses médias, depuis sa prise de pouvoir de la chaîne cryptée en 2015. Le dernier exemple en date est la grève à I-Télé, où pendant un mois, les journalistes se sont opposés à leur direction et au patron du groupe Canal +, qui voulait un changement de ligne éditoriale ainsi que l'arrivée de l'animateur Jean-Marc Morandini alors que ce dernier avait une affaire judiciaire sur les bras. Et au bout d'un mois, peu de choses ont été obtenues pour les journalistes, sinon une vague de départs, de licenciements de journalistes, de pigistes. Un tiers, voire une majorité, de la rédaction d'I-Télé amputé après cette grève. Forcément, vu l'exemple, d'autres journalistes doivent faire profil bas pour espérer continuer à figurer dans la grille des programmes.

Triste période

Cette histoire montre combien on vit une triste période. Au niveau de l'humour, qui a pris un coup avec l'image que donnent Elmaleh et Adams, renvoyant aux sketchs douteux de Michel Leeb dans les années 1980 et 1990, imitant des Africains et des Asiatiques. Et dire qu'un sketch comme Les Envahisseurs du trio Les Inconnus, où Pascal Légitimus et Didier Bourdon prenaient l'accent arabe et chinois, fait énormément rire en vertu de la force comique du trio et du texte, plein de second degré. Beaucoup affirment que ce sketch-là n'aurait jamais pu se faire de nos jours (cf vidéo).

Triste période au niveau des médias aussi, où l'autocensure semble être la meilleure garantie pour garder son emploi, plutôt que l'honnêteté intellectuelle ou la conviction d'assister à quelque chose qui nous indigne. Et ça me fait penser au film de Pierre Carles Pas vu pas pris, où le documentariste montre comment il s'est fait censurer notamment par Canal + (époque Pierre Lescure) à propos d'une enquête sur la relation entre hommes de médias et hommes politiques, avec l'exemple d'un enregistrement vidéo de François Léotard, alors ministre de la Défense, avec Étienne Mougeotte, vice-président de TF1. Et sur la fin du film, on voit que l'un des soutiens de Pierre Carles, l'animateur Karl Zéro qui se déclarait impertinent, l'invite à rentrer dans le rang pour pouvoir être en haut de l'affiche. Et encore, Internet n'avait pas la même importance qu'à l'époque du montage du film (milieu des 90s). D'ailleurs, aujourd'hui, la critique des médias devient massive en ligne.

En tout cas, l'atmosphère est semblable à cette célèbre phrase du philosophe Antonio Gramsci: "Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à naitre et dans ce clair-obscur surgissent les monstres".

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