Dans un document de recherche de la banque Natixis, l'analyse de Karl Marx sur la dynamique du capitalisme trouve grâce, vu l'évolution de l'économie mondiale depuis la crise de 2008-2009. Signe que la pensée hétérodoxe doit être défendue et davantage écoutée par les politiques, au lieu d'écouter les chantres du capitalisme libéral qui sert seulement la classe dominante.
Il faudrait se pincer pour y croire. Mais c'est bien le cas! Le département de recherche de la banque Natixis donne raison à... Karl Marx. Dans un document intitulé "La dynamique du capitalisme est aujourd'hui bien celle qu'avait prévu Karl Marx", la banque d'investissement confirme des trajectoires que Marx avait déjà analysées en son temps, à savoir une croissance molle de la productivité rendant le rendement du capital plus faible, obligeant les capitalistes à baisser les salaires afin de remonter le taux de profit et le gonflement de l'activité spéculative quand les salaires deviennent trop faibles. Le tout menant à des crises qui se complètent avec des inégalités de revenu.
Retour en considération
Pour arriver à cette conclusion qui épouse la pensée de Marx, les auteurs de l'étude se sont basés sur les données des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et plus précisément des États-Unis, du Royaume-Uni et du Japon. Il en ressort que si la productivité globale des facteurs de production croit faiblement, c'est surtout parce que la productivité du capital est en chute libre depuis 2008. Ce qui devrait provoquer un rendement du capital (rentabilité du capital investi) plus faible, et donc un profit en chute. Or, selon les auteurs, c'est le contraire qui se passe. Pour quelle raison? C'est que les capitalistes ont exigé un renforcement des profits par rapport aux salaires dans le partage de la richesse produite. Or, et c'est observable dans les pays de l'OCDE depuis les années 1980, la part des profits dans le produit intérieur brut (PIB) s'est accrue, de manière à redonner du pouvoir aux exploiteurs face aux exploités, dont le pouvoir de négociation (syndicat) s'est réduit, de par l'automatisation, la robotisation dans certains secteurs d'activité, de par la flexibilisation du marché du travail puis de par les politiques monétaires visant à contrôler l'inflation. Le problème dans cette histoire, c'est que la compression salariale induit une hausse des inégalités entre ceux qui ne vivent que par leur force de travail et ceux qui détiennent du capital. Puis les premiers se retrouvent de plus en plus incapables, à terme, de pouvoir fournir une demande suffisante, ce qui conduit fatalement à une crise de surproduction. Mais les auteurs insistent surtout sur le développement des activités spéculatives de la part des entreprises suite à cette compression salariale, à travers les achats d'actions en bourse sur les nouvelles technologies ou le gonflement du prix de l'immobilier dans les pays de l'OCDE par exemple.
Mais ce n'est pourtant pas la première fois que le département de recherche de Natixis rend hommage au travail de Marx. Dans une étude datant de 2010, la lecture marxiste de la crise de 2008-2009, i.e une crise de surproduction liée à une sur-accumulation de capital, réduisant les salaires et à terme le taux de profit, avait été prise en considération par les économistes de Natixis. Néanmoins, c'est quand même assez gratifiant de voir que l'analyse de Marx sur les crises du capitalisme n'est pas jetée à la poubelle, bien qu'il soit l'économiste le plus détesté des défenseurs du capitalisme libéral. Ces derniers tiennent d'ailleurs à verrouiller toute expression hétérodoxe dans l'enseignement supérieur, mais aussi dans l'espace médiatique, car la crise de 2008-2009 a ébranlé nombre de leurs convictions telles l'autorégulation du marché, l'idée d'une indépendance de la banque centrale, le renforcement du profit sur le salaire, une limitation de l'inflation, etc. C'est une question de survie intellectuelle et politique! Mais encore heureux qu'ils peuvent compter sur une classe politique qui épouse un soutien à la classe dominante et le meilleur symbole, à ce jour, est Emmanuel Macron, à travers sa politique économique (loi travail, suppression de l'ISF, appel à une modification du SMIC, etc.).