La réforme de l'assurance-chômage, présentée mardi 18 juin, suscite une vive réprobation de la part des syndicats, tant le pouvoir actuel entend agir comme serviteur zélé du Capital, qui tient à un niveau de chômage élevé pour maintenir une modération salariale.
Au moins la réforme de l'assurance-chômage aura unifié des personnes contre elle. Mardi 18 juin, le gouvernement, par l'intermédiaire de la ministre du Travail Muriel Pénicaud, a annoncé les grandes lignes de son projet de réforme de l'assurance chômage, dans le but de réaliser 3,4 milliards d'euros d'économies sur deux ans. Pour ce faire, il est surtout question de réduire drastiquement les indemnités en appliquant notamment la dégressivité de l'allocation chômage pour les hauts salaires, d'allonger le temps pour prétendre à des droits au chômage, mais aussi allonger le temps pour reporter les droits au chômage si un allocataire reprend un travail avant la fin de sa période d'indemnisation, par exemple (cf lien n°1).
Moins de la moitié de personnes indemnisées
En clair, si tous les chômeurs sont ciblés par cette réforme, qui, selon le pouvoir, inciterait davantage au "retour à l'emploi" car certains chômeurs (20%) gagneraient plus en allocation chômage qu'en salaire mensuel moyen - un mensonge d'État en bonne et due forme -, ce sont surtout les chômeurs les plus pauvres qui seront enfermés dans une trappe à pauvreté et qu'il y aurait une incitation à faire baisser artificiellement le nombre d'inscrits à Pôle emploi. Pourquoi? Parce que déjà, dans le cadre actuel, avec 6,3 millions de "demandeurs d'emploi" selon l'ensemble des catégories classifiées par Pôle emploi, 2,6 millions d'entre eux sont indemnisés. Soit environ 41,3% des personnes concernées! Et vu le durcissement des conditions prévues par le pouvoir, il ne serait pas étonnant que cette proportion diminue fortement à l'avenir (cf lien n°2). Puis les chômeurs ayant eu des salaires élevés représentent une minorité parmi l'ensemble des chômeurs et retrouvent plus rapidement et plus facilement un poste. Ce qui fait que la réduction des indemnités les concernant aura un bien plus faible impact sur leur niveau de vie que pour les chômeurs les plus pauvres dans la grille salariale.
En tout cas, depuis la présentation de cette réforme, avec un lapsus révélateur de Pénicaud parlant d'une réforme "pour la précarité", les syndicats montrent les crocs. Même la Confédération française démocratique du travail (CFDT), à travers son secrétaire général Laurent Berger, vocifère contre cette réforme qui, à l'instar des réformes de la Sécurité sociale ces dernières décennies, affiche une étatisation des indemnités chômage via la Contribution sociale généralisée, abaissant la socialisation via les cotisations sociales par exemple; ou refuse d'adhérer à la logique gouvernementale qui croit à la légende urbaine que le chômage serait forcément un choix. C'est dire si la CFDT, considérée comme un syndicat réformiste - d'aucun(e)s diraient un syndicat "jaune", i.e un syndicat refusant la grève et cherchant à tout prix le compromis, tendant vers la compromission -, compterait s'y opposer (cf lien n°3).
Par ailleurs, des syndicats comme la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) et la Confédération générale du travail (CGT) ont décidé d'allier leurs forces, en lançant une pétition en ligne contre cette réforme de l'assurance-chômage, notamment au sujet de la dégressivité des hauts salaires dont les deux syndicats estiment qu'elle serait potentiellement étendue à l'ensemble des salariés dans les années à venir (cf lien n°4). Néanmoins, est-ce qu'une unité syndicale verrait le jour et si ce devait être le cas, serait-elle solide? Rien n'en est moins sûr, tant les syndicats sont dénigrés depuis longtemps en France, avec une disparité telle qu'elle incite peu les salariés à vouloir se syndiquer. Puis leurs tergiversations, voire leur hostilité à l'égard du mouvement des gilets jaunes n'est pas un moyen de redorer leur perception auprès de l'opinion publique.
Avec cette réforme, un autre mensonge d'État a été délivré, de la bouche de Pénicaud, c'est sur le nombre d'offres de travail. La ministre du Travail déclarait, sur BFMTV, face à Jean-Jacques Bourdin, mercredi 19 juin, qu'il y avait 37 millions d'offres d'emploi par an en France. Un chiffre complètement faux car les données que fournit Pôle emploi à ce sujet montrent qu'au maximum, 6 à 7 millions d'offres sont publiés par an (cf lien n°5). De quoi donc résorber le chômage, me direz-vous. Or, ce nombre comprend des offres émises par Pôle emploi et des sites de recherche d'emploi (Apec, Monster, Keljob, Cadremploi, etc.), avec de nombreux doublons ou des offres complètement bidons. Ce qui fait que même le nombre de 6 à 7 millions d'offres publiées par an est exagéré.
Par conséquent, il est illusoire de croire que le chômage pourrait se résorber par adéquation de l'offre et de la demande d'emploi, comme la pensée libérale, capitaliste, matraque sans cesse, grâce à ses relais gouvernementaux et médiatiques depuis des décennies. En fait, le chômage est une nécessité pour le capitalisme dans sa quête de pérennisation car il vise les travailleurs exploités, dominés, au profit des capitalistes. Ce genre d'analyse, qui est celle de Karl Marx et de celles et ceux qui se réfèrent à lui, est dénigrée car elle met en relation avec le salaire. Ce qui était d'ailleurs originellement la courbe de Phillips, avant d'être modifiée dans les années 1960 pour substituer l'inflation au salaire.
Maintenant, faut-il passer seulement par une baisse du temps de travail pour assurer le plein-emploi? Pour l'économiste et sociologue Bernard Friot, d'inspiration marxiste, c'est un point de vue "réactionnaire" car cette baisse du temps de travail sans remise en cause de la structure capitaliste de la production de valeur est vaine. Pour lui, une baisse du temps de travail passerait si en premier lieu, il y a une volonté de maîtrise de l'outil de travail par les travailleurs et une production tournée vers le travail "vivant" (cf lien n°6). Ce qui est, quelque part, un appel à penser l'autogestion pour l'amélioration des conditions de production et un équilibre entre l'humanité et son environnement.
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