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JoSeseSeko

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"Il ne faut jamais prendre les gens pour des cons, mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont." Cette phrase résume une recherche de vérité, de développer de l'information sur une variété de sujets, notamment l'économie, la politique et l'histoire. Et ce, dans plusieurs pays du monde.


Patrice Lumumba, héros d'un peuple, voire d'un continent martyr

Publié par JoSeseSeko sur 17 Janvier 2021, 15:33pm

Catégories : #Histoire, #Afrique, #Congo-Zaïre, #Lumumba

Photo: Flickr/Washington Area Spark

Photo: Flickr/Washington Area Spark

60 ans après son assassinat, l'aura de Patrice Lumumba, premier Premier ministre de l'histoire du Congo-Zaïre indépendant, reste importante dans le pays le plus peuplé de la francophonie et dans le continent africain, vu qu'il partageait avec d'autres membres de sa génération un idéal panafricain.

Putain 60 ans! Le 17 janvier 1961, Patrice Lumumba, grande figure de l'indépendance du Congo-Zaïre, Premier ministre, fut assassiné à l'âge de 35 ans par des rebelles katangais, partisans du sécessionniste Moïse Tshombé, assistés par des représentants belges, dans une forêt, afin que son corps et celui de ses compagnons de lutte assassinés avec lui ne soient pas véritablement retrouvés. Parmi les officiers belges participant à l'assassinat de Lumumba, l'un d'eux, Gerard Soete, s'enorgueillit volontiers d'avoir arraché les dents de l'ancien Premier ministre et d'en avoir emporté l'une d'entre elles et que ces derniers mois, dans le cadre du 60e anniversaire de l'indépendance du Congo, la Belgique, ancienne puissance coloniale, compte restituer la dent de Lumumba auprès des membres de sa famille (cf lien n°1).

Une courte vie (politique)

Ayant brièvement rappelé sa mort, il est bon d'indiquer la vie de Lumumba, même si je l'ai déjà fait dans un précédent billet. Né le 2 juillet 1925 dans la province du Kasaï-Oriental, dans un Congo alors colonisé par la Belgique depuis 1885 et l'acquisition sanguinaire par le roi des belges Léopold II, Lumumba suivit un parcours scolaire lié à l'enseignement religieux - pas d'enseignement laïc, ni public à cette époque -, et de par ses études brillantes, notamment un intérêt pour l'histoire de la Révolution française, il fit partie des rares congolais "immatriculés" dans les années 1950, signifiant qu'il pouvait bénéficier d'un certain réseau au sein des notables belges. Grâce à cela, il put travailler dans une société minière, pouvant se rendre compte de l'enjeu que suscite les minerais congo-zaïrois pour le reste du monde dans l'après-guerre (rappel: de l'uranium congolais servit pour les bombes atomiques lâchées à Hiroshima et Nagasaki en 1945). À ce moment-là, il était un libéral, partisan d'une indépendance progressive tout en maintenant des liens avec la Belgique, mais également tenant d'une ligne unitaire, centralisatrice - à l'instar des jacobins de la Révolution française -, refusant le fédéralisme et le tribalisme ethnique que d'autres mouvements indépendantistes revendiquaient.

Mais à partir de 1958, une radicalisation de la pensée de Lumumba s'opéra, dans une logique panafricaine. Deux événements contribuèrent à cette évolution. D'abord l'exposition universelle à Bruxelles, où l'accent paternaliste mis en avant par la métropole envers la colonie écœura Lumumba. Ensuite la conférence des Peuples africains à Accra, au Ghana dirigé par Kwame Nkrumah, paracheva l'esprit indépendantiste radical de Lumumba, rencontrant Nkrumah, Frantz Fanon et Félix-Roland Moumié, partisans d'une ligne panafricaine et rejetant tout projet relevant du fédéralisme, du tribalisme. De quoi rendre Lumumba et ses partisans du Mouvement national congolais (MNC), qu'il fonda entre temps, suspects auprès des autorités belges, qui l'arrêtèrent en janvier 1960, cherchant à réprimer tous les mouvements indépendantistes. Mais l'ensemble des leaders indépendantistes exigèrent la libération de Lumumba pour mener ensuite les négociations aboutissant à l'indépendance "Cha-cha" du 30 juin 1960, après l'organisation d'élections générales, où le MNC de Lumumba en sortit vainqueur, permettant à son leader de devenir Premier ministre.

Et lors du fameux 30 juin 1960, son discours signa, sans le vouloir, son arrêt de mort. Il dénonça les crimes coloniaux, négrophobes, commis par la Belgique, devant le roi Baudoin Ier, qui en garda une rancœur éternelle à l'égard du Premier ministre et demandant aux services secrets belges de foutre le bordel dans le nouvel état indépendant. Ce qui mena à la sécession du Katanga de Moïse Tshombé, riche en minerais, notamment le cuivre, dès les premiers jours de juillet 1960, et qu'en parallèle, des mutineries se déclenchèrent dans l'armée, organisée et africanisée à la hâte vu que les officiers étaient quasi exclusivement des belges. Face à cette situation, Lumumba demanda l'aide de l'Organisation des nations unies, en vain. Il en appela à l'aide de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Ce qui, dans le contexte de la guerre froide, était un crime pour les États-Unis, ne voulant à aucun prix voir les richesses du Congo servir les intérêts de l'URSS et s'impliquant dans la crise congolaise, via la CIA, pour éliminer "physiquement" Lumumba. Ce qui fut réalisé donc le 17 janvier 1961, non sans avoir du corrompre des congolais et en faire des larbins au service de l'Occident. Notamment Joseph-Désiré Mobutu, qui fut un partisan de Lumumba, ayant une certaine connaissance militaire et qui décida de trahir son mentor pour les intérêts de la Belgique, des États-Unis, de la France, en septembre 1960, menant un Coup d'état renversant le gouvernement de Lumumba, qui eut à peine trois mois d'existence.

Une aura dans le monde

Agissant de la sorte, les puissances occidentales et leurs sbires locaux grandirent l'aura de Lumumba dans le monde. Che Guevara, par exemple, évoqua Lumumba comme un "martyr de la révolution mondiale", tant le révolutionnaire argentin fut attristé de cet assassinat et entreprit, en 1965 d'aider les partisans de Lumumba à reprendre, en vain, le pouvoir. Une expérience qu'il décrit dans son Journal du Congo. Des billets de banque à l'effigie de Lumumba furent imprimés en Guinée. La date de son assassinat est un jour férié au Congo-Zaïre. L'université russe de l'Amitié des Peuples à Moscou s'appelait jusqu'en 1992 l'université Patrice Lumumba. La scène musicale, de Franco Luambo à Youssoupha, en passant par Miriam Makeba, Nas, Ärsenik, Médine, Gims ou Tiken Jah Foly a rendu hommage en chanson à Lumumba. Le cinéaste haïtien Raoul Peck, dont le père fut enseignant au Congo, consacra deux films à l'histoire de Lumumba. Ou encore la ville de Bruxelles qui inaugura, le 30 juin 2018, la place Patrice Lumumba, à proximité du quartier de Matonge, regroupant une partie de la diaspora congo-zaïroise présente dans la capitale belge.

Ceci pour montrer combien ce personnage, malgré sa brève existence, a marqué les esprits dans le monde, notamment en Afrique, en raccord avec le concept de panafricanisme qu'il défendit radicalement sur les dernières années de sa vie, avec une dose d'internationalisme, d'universalisme, liées à l'influence de la Révolution française sur sa pensée politique. Il est notable de voir combien la France n'honore guère un francophone apprécié dans le reste du monde (cf lien n°2) et que les français(es) montrent, une fois encore, qu'ils sont loin d'être les meilleurs défenseurs de la francophonie alors qu'ils vocifèrent contre l'anglicisme rampant.

Une citation permettra de comprendre combien Lumumba avait une certaine verve et un grand optimisme panafricain, qui peut nous servir d'horizon:

  • "Un jour, l'histoire aura son mot à dire, mais ce ne sera pas l'histoire qu'on enseigne à Washington, à Paris, à Bruxelles ou aux Nations Unies, mais celle qu'on enseignera dans les pays libérés du colonialisme et de ses fantoches. L'Afrique écrira sa propre histoire. Une histoire faite de gloire et de dignité."

Pour finir, une chanson hommage de la part du chanteur congo-zaïrois Franco Luambo, écrite peu après la mort de Lumumba.

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