Le 10 décembre 2012 (un an déjà), Albert Hirschman quitta ce monde, à l'âge de 97 ans. Cet intellectuel américain, économiste de formation mais également capable de toucher à la sociologie, a laissé bien des éléments théoriques intéressants en économie.
Bien qu'il soit naturalisé américain depuis 1943, il est d'abord allemand de naissance (Berlin). Mais déjà une jeunesse tourmentée, avec un engagement auprès des jeunes du Parti Social-Démocrate en 1931 (16 ans à cette époque), et un nom à consonance hébraïque (Hirschmann, cela s'écrivait ainsi dans sa jeunesse), pouvant attirer les foudres des nazis. D'ailleurs, en 1933, il quitta le lycée français de Berlin et donc l'Allemagne pour la France, étudiant à l'École des hautes études commerciales et l'économie à la Sorbonne. Mais il alla au combat contre l'extrême-droite, socialiste convaincu à l'époque (mais pas communiste du tout), en Espagne (auprès des Brigades Internationales), puis dans les volontaires de l'armée française contre son pays natal en 1940. Recherché par le régime de Vichy, il s'exila aux États-Unis, obtenant une bourse de recherche à Berkeley (1941-1943) -ayant auparavant obtenu à Trieste son doctorat d'économie en 1938-, entrant au service de l'armée US, puis dans la Fed au moment du plan Marshall. Par la suite, il devint professeur à Yale, Columbia, Harvard et Princeton, jusqu'en 1985, prenant sa retraite en tant qu'enseignant.
Au niveau de la théorie économique, il s'inscrit dans le groupe des économistes hétérodoxes, s'appuyant sur des influences diverses (keynésianisme notamment), refusant le "mainstream" néo-libéral, avec ses hypothèses sur la rationalité ou sur la spécialisation. Il s'imposa comme l'un des plus grands spécialistes en économie du développement, avec le modèle de la croissance déséquilibrée, résultant comme son nom l'indique, d'une succession de déséquilibres dans certains secteurs, avant de s'étendre au reste de l'économie; contrairement aux modèles orthodoxes tels le modèle de Lewis, qui se basent sur l'industrialisation.
Son grand œuvre reste Exit, Voice and Loyalty, publié en 1970, où il démontre que les décisions au sein du marché sont loin d'être seulement déterminées par les prix. Il faut ajouter des déterminations morales telles la loyauté, la fidélité, qui résonnent bien loin de la rationalité comme le "mainstream" l'entend. Or, mettre des conditions morales en économie, c'est bien le signe d'un point de vue d'un(e) hétérodoxe, comme le fut également Joan Robinson, économiste post-keynésienne, influencée par John Maynard Keynes et Karl Marx.
En 1992, quelques économistes ont soutenu sa candidature pour gagner le Prix d'honneur de la Banque de Suède en la mémoire d'Alfred Nobel -dit Prix Nobel d'Économie-, mais Hirschman se doutait bien qu'un représentant du "mainstream" serait récompensé, par aveuglement sidérant. Ce qui fut le cas avec... Gary Becker, théoricien du capital humain et membre de l'école de Chicago, devenu Prix Nobel d'Économie cette année-là.
Hirschman, un modèle pour "Alternatives Économiques"
Homme et penseur engagé, Albert Hirschman a appréhendé l'économie comme une science sociale. Pour expliquer les décisions des acteurs, il a mobilisé les valeurs morales et rompu avec le dicta...
http://www.alternatives-economiques.fr/hirschman-2c-un-modele-pour-alterna_fr_art_1183_62008.html
Albert Hirschman, économiste engagé et "autosubversif"
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Albert Hirschman : un tempérament autosubversif
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http://www.laviedesidees.fr/Albert-Hirschman-un-temperament.html