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JoSeseSeko

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"Il ne faut jamais prendre les gens pour des cons, mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont." Cette phrase résume une recherche de vérité, de développer de l'information sur une variété de sujets, notamment l'économie, la politique et l'histoire. Et ce, dans plusieurs pays du monde.


Un vieux monde se meurt

Publié par JoSeseSeko sur 29 Décembre 2023, 11:34am

Catégories : #Justice, #Depardieu, #Féminisme, #Économie, #Politique, #Delors, #Nécrologie, #Europe, #France, #Social-démocratie, #Social-libéralisme, #PS, #Capitalisme, #Lutte des classes, #Allemagne, #Schauble

Photo: AFP

Photo: AFP

Le soutien affiché par certains artistes auprès de l'acteur Gérard Depardieu, englué dans des affaires judiciaires (agression sexuelle, viol), plus les décès de Jacques Delors et de Wolfgang Schäuble, soulignent combien un vieux monde tend vers son crépuscule et a du mal à l'accepter, en dépit des dégâts qu'il cause.

Dans le registre "il ne faut jamais prendre les gens pour des cons mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont", je demande le concert de louanges dressé en mémoire de Jacques Delors dans les heures qui suivirent sa mort, mercredi 27 décembre. L'ancien ministre de l'Économie durant les premières années de la présidence de François Mitterrand, initiateur du "tournant de la rigueur" en 1983, acté par la désindexation des salaires sur l'inflation, qui reste encore en vigueur, montrant son aptitude à courber l'échine devant le patronat et à permettre, aux côtés d'un Michel Rocard, la droitisation d'un Parti socialiste qui finit, sur le long terme, à discréditer l'ensemble de la gauche auprès de l'électorat prolétaire, s'estimant, à juste titre, trahi, tant le PS avait une position dominante à gauche et qu'il se soumit aux desiderata du capital. Delors, par ailleurs père de la maire de Lille et ancienne première secrétaire du PS Martine Aubry, fut par la suite président de la Commission européenne de 1985 à 1995. Une présidence décisive car c'est sous celle-ci que la transformation de la Communauté économique européenne en Union européenne (UE) fut actée, avec comme première pierre l'Acte unique de 1986, marquant une bascule de la régulation vers la concurrence "libre et non faussée" comme le souligne l'économiste David Cayla (cf lien n°1). 

Ce qui fait que présenter Delors comme un grand serviteur de l'Europe, renonçant par ailleurs à ne pas être candidat à l'élection présidentielle de 1995 (cf lien n°2), est trompeur car sous sa présidence, les bases de la divergence actuelle au sein de l'UE sont posées et l'euro, choc asymétrique strictement positif pour l'Allemagne, aux détriments de la France, de l'Italie, de l'Espagne et d'autres pays européens, en est l'illustration.

Photo: AFP

auf Wiedersehen Schäuble

Justement, parlons-en de l'Allemagne. Le décès de Delors éclipse celui, ce même 27 décembre, de Wolfgang Schäuble. Ceux qui ont en mémoire les crises au sein de l'UE dans la décennie 2010, et tout particulièrement la crise grecque, se souviennent sûrement de Schäuble, à l'époque ministre des Finances des multiples gouvernements de la chancelière Angela Merkel, incarnation de l'imposition de politiques d'austérité au sein de l'espace communautaire dont il savait bien le côté désastreux et hypocrite car comme le rapporte l'économiste Yanis Varoufakis, ancien ministre des Finances de la Grèce lorsque Syriza gouvernait en 2015, que Schäuble aurait agi exactement comme Varoufakis s'il était à sa place.

Mais Schäuble, dont la carrière politique est fort longue, avait été ministre de l'Intérieur du gouvernement du chancelier Helmut Kohl au moment de la chute du mur de Berlin et de la question de la réunification allemande, en 1990. Et comme le souligne le Monde Diplomatique en 2019, pour Schäuble il s'agit "d'une entrée de la RDA dans la République fédérale, et pas le contraire. (...) Ce qui se déroule ici n'est pas l'unification de deux États égaux". Une réunification se déroulant pendant que Delors présidait la Commission européenne et que cette réunification, ou plutôt cette annexion de la RDA par la RFA, mena à une crise du système monétaire européen dans les années qui suivirent. Dans l'un comme dans l'autre, pas de quoi pleurer.

Depardieu, la chute d'une idole?

La fin d'année 2023 sonne comme un chemin de croix pour Gérard Depardieu. Depuis un reportage fait sur lui dans l'émission Complément d'enquête de France 2, avec des images pour le moins malaisantes d'un voyage fait en Corée du Nord en 2018, l'acteur français, ayant pris la nationalité russe, après l'élection de François Hollande en 2012, dans une logique de protestation contre la politique fiscale à l'époque, est vivement critiqué pour ses attitudes sexistes et visé par des accusations d'agression sexuelle, de viol. Face à cela, une cinquantaine de personnalités de la culture (cinéma, théâtre, etc.) ont signé une tribune dans Le Figaro pour défendre l'acteur face à ces accusations et, pour résumer, qu'on ne s'en prenne pas à ce "monstre sacré" du cinéma français, au nom de la présomption d'innocence.

Personnellement, plusieurs choses m'interpellent: d'abord, les soutiens de Depardieu laissent entendre qu'il serait boycotté à l'avenir, arguant sur le fait que France Télévisions ne compterait plus diffuser, voire financer des films où figure l'acteur et qu'il s'agirait de s'en prendre à son talent d'acteur. D'une part, cela conduirait à des procédures judiciaires fort couteuses pour le groupe audiovisuel. D'autre part, ce n'est pas le talent de Depardieu qui est remis en cause - perso, c'est un acteur que je trouve brillant dans son jeu, quel que soit le registre -, mais ses rapports humains avec des femmes dans une logique de rapport social de domination envers elles. Et ce, sachant que Depardieu a une origine sociale pauvre et que son enfance a été très difficile, au point d'avoir effectué des activités illicites (prostitution, vol, etc.). C'est une explication qui se tient. Par contre, cela ne sert pas de justification, au contraire. Ensuite, les personnes affichant leur soutien envers Depardieu font partie de la même génération que lui, à quelques exceptions près, sentant bien qu'ils représentent un vieux monde de plus en plus dépassé et qui s'accroche à sa prédominance car il est en haut de l'affiche depuis 40-50 ans, ayant connu bien plus de stabilité que les générations ultérieures, qui vivent dans l'instabilité chronique et à qui des miettes sont distribuées, si j'ose dire.

Enfin, je ferais un parallèle avec Dominique Strauss-Kahn quand ce dernier fut arrêté pour viol envers la femme de chambre Nafissatou Diallo à New-York en 2011. La sidération conduit ensuite l'intelligentsia médiatique, culturelle et politique, notamment à Paris, à défendre DSK de cette accusation de viol, avec des relents classistes, sexistes et racistes - pensez Sophie de Menton: "Je me demande, c'est horrible à le dire, si c'est pas ce qui pouvait lui arriver de mieux"; pensez Jean-François Kahn: "troussage de domestique" -. Ce manque de considération envers les victimes présumées par rapport à la présomption d'innocence de l'accusé est saisissant dans les deux cas, tout comme celui de l'écrivain Gabriel Matzneff, soit dit en passant. Sachant qu'entre temps, le mouvement Me Too, développé par des féministes depuis 2017, même si cela existait au sein de l'afroféminisme auparavant, a remis en exergue la question du sexisme institutionnel à travers la faible proportion d'enquêtes policières puis judiciaires suite à des plaintes pour violences sexistes et sexuelles, leur faible proportion à déboucher sur un procès puis, in fine, à des condamnations. En cela, parler de "lynchage" comme le font les soutiens de Depardieu, ça sent fort le café. Surtout quand on songe au soutien apporté par le président Emmanuel Macron.

Bref, ce vieux monde se fissure mais il peut entraîner le reste dans son crépuscule.

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