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JoSeseSeko

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"Il ne faut jamais prendre les gens pour des cons, mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont." Cette phrase résume une recherche de vérité, de développer de l'information sur une variété de sujets, notamment l'économie, la politique et l'histoire. Et ce, dans plusieurs pays du monde.


Rwanda-Congo: une terre ensanglantée

Publié par JoSeseSeko sur 6 Avril 2024, 15:42pm

Catégories : #Histoire, #Politique, #Afrique, #Rwanda, #Congo-Zaïre, #Génocide, #Europe, #France

Photo: Flickr/Paul Mees

Photo: Flickr/Paul Mees

30 ans après l'attentat de l'avion ayant tué les présidents rwandais et burundais, servant de déclencheur du génocide des tutsis, ses conséquences de long terme s'observent sur l'Est de la République démocratique du Congo voisine, où le sang coule quasi continuellement depuis cette époque et que cela semble être parti pour durer encore 30 ans.

Le sang coule aux abords du lac Kivu. Et ce, depuis le 6 avril 1994, date à laquelle l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, accompagné de son homologue burundais Cyprien Ntaryamira, fut abattu à Kigali après avoir reçu un tir de missile sol-air. Ce qui déclencha à partir du lendemain (7 avril 1994), le génocide des tutsis, ethnie minoritaire au Rwanda, par des extrémistes hutus, causant 800.000 à 1 million de morts jusqu'au 17 juillet 1994, date à laquelle le Front patriotique rwandais (FPR), groupe alors rebelle et représentant les tutsis, prit la capitale Kigali, renversant ainsi le gouvernement génocidaire hutu. Il n'en reste pas moins que la question de la cause de l'assassinat de Habyarimana est posée. Les extrémistes hutu accusèrent le FPR d'avoir causé l'attentat envers l'avion présidentiel. Une accusation trouvant un écho judiciaire lors d'une première enquête menée par le juge Jean-Louis Bruguière, concluant en ce sens. Cependant, une seconde enquête, menée par les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux, contredit la précédente enquête, analysant le tir de missile et concluant que la zone d'envoi provenait d'un camp tenu par la garde présidentielle à proximité de l'aéroport de Kigali. Or, selon l'enquête de Trévidic et Poux, le camp en question était tenu par des extrémistes hutus, ayant eu ainsi l'occasion de faire d'une pierre deux coups avec cet attentat et la mise en application d'une extermination rapide des tutsis car grandement planifiée durant plusieurs années.

Complicité française

Ce génocide, le plus rapide de l'histoire (contemporaine), a une résonance particulière en France car l'Hexagone a un rôle trouble dans cette période sanglante, avec l'envoi de troupes sous le nom de code opération Turquoise, où certains témoignages de militaires, notamment celui de l'ancien officier Guillaume Ancel, soulignent le soutien militaire et politique de la France auprès du gouvernement génocidaire rwandais. Une position réfutée notamment par Hubert Védrine, secrétaire général de l'Élysée à l'époque, où la cohabitation s'opérait entre François Mitterrand et Édouard Balladur.

Et depuis 30 ans, les relations entre Paris et Kigali soufflent le chaud et le froid, comme je l'ai rappelé dans un billet de blog, il y a cinq ans de cela. Et depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron, c'est une phase de réchauffement des relations diplomatiques qui s'est opérée, avec un travail autour de la mémoire des victimes et des rescapés du génocide, de la recherche historique et de la "responsabilité" de la France, l'actuel locataire de l'Élysée estime que la France "aurait pu arrêter le génocide" mais qu'elle "n'en a pas eu la volonté" (cf lien n°1). En dépit de ces prises de position élyséennes, il reste des zones d'ombres qui ne demeureront pas levées tant que les archives de l'Élysée du temps de la présidence de Mitterrand restent classifiées et que des enquêtes, appuyées entre autres par l'association Survie, qui a continuellement dénoncé la complicité française dans le génocide des tutsis, restent encore à aboutir sur le degré de participation de l'État français, des politiciens français - de gauche comme de droite -, dans ce génocide (cf lien n°2).

Continuum au Congo-Zaïre

En dehors des relations franco-rwandaises, le génocide des tutsis a transformé la région des Grands lacs en terre ensanglantée, tout particulièrement dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), qui s'appelait à l'époque Zaïre, voyant arriver sur son sol, via les forces françaises de l'opération Turquoise, plus d'un million de hutus quittant le Rwanda après l'été 1994 et la prise de pouvoir du FPR. Mais parmi ces réfugiés hutus figuraient des génocidaires qui s'étaient noyés dans la masse pour prendre le maquis, fomenter des opérations de retour au Rwanda. Devant cette menace, Paul Kagame, leader du FPR, prit les devants en 1996, en appuyant avec l'Ouganda de Yoweri Musevini une rébellion contre la dictature de Joseph-Désiré Mobutu, menée par Laurent-Désiré Kabila, parvenant à renverser Mobutu le 17 mai 1997. Une première guerre du Congo avec des massacres de réfugiés hutus dans des camps, même si cela n'équivaut pas à un double génocide, argument lancé par les négationnistes du génocide des tutsis (cf lien n°3). Et comme déjà évoqué dans mon billet d'il y a cinq ans, la méfiance de Kabila envers ses anciens alliés, la mise en exergue de tensions interethniques, plus l'appétit des pouvoirs rwandais et ougandais pour les minerais de l'Est du Congo-Zaïre (coltan, cobalt, étain, zinc, etc.), mena à une seconde guerre du Congo de 1998 à 2003, dont Kabila ne vit pas la fin car assassiné entre-temps et remplacé - dans des circonstances troubles - par son fils (adoptif?) Joseph Kabila.

Mais la guerre officielle s'est transformée en guerre larvée, avec une multitude de groupes armés - rebelles congolais pro-Rwanda ou pro-Ouganda; rebelles ougandais; génocidaires hutus; armée rwandaise; armée congolaise; police congolaise; etc. - massacrant impunément des civils, violant massivement femmes et enfants, notamment dans la province du Nord-Kivu, véritable zone de racket, illustrant le côté martyr du capitalisme que représente le Congo-Zaïre. Et ce n'est pas la résurgence depuis 2022 du M23, groupe rebelle soutenu par Kigali, malgré ses dénégations, qui calme les choses, aux abords du lac Kivu. Le tout avec une Organisation des Nations unies qui inspire la méfiance en RDC car l'inefficacité de la Mission de l'ONU au Congo (MONUSCO), avec 21.000 casques bleus présents, est patente pour pacifier (enfin) la région. Et les firmes multinationales, occidentales comme chinoises, en profitent pleinement de tout ce sang versé, devant nous faire rappeler cette leçon de Jean Jaurès: "le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée apporte l'orage".

Néanmoins, n'en déplaise aux partisans de Kagame, ce qui se passe dans l'Est du Congo-Zaïre est la principale conséquence de long terme du génocide des Tutsis (cf lien n°4), il y a 30 ans et que leur réflexion devrait s'orienter là-dessus, au lieu d'accuser d'antitutsisme toute critique à l'égard du rôle du Rwanda post-génocide en RDC et qu'une justice pour le Congo doit être établie, au nom de la dizaine de millions de morts depuis 1996, plus les millions de femmes et d'enfants victimes du viol comme arme de guerre. Et n'en déplaise également aux négationnistes du génocide des tutsis, cherchant notamment à minimiser son importance, à minimiser le rôle de l'État français dans cette histoire, justice doit être faite en mémoire des victimes du génocide.

 

En tout cas, la rhétorique des pro-Kagame est profondément similaire à celles des pro-israéliens qui dénient la lutte des Palestiniens (cf images ci-dessus). Ce que les pro-Palestiniens du monde arabo-musulman ferait bien d'analyser de la sorte pour enfin se rendre compte qu'il y a un slogan tout trouvé, et que je tiens depuis 15 ans. En l'occurrence, Gaza-Goma: même combat!

En conclusion, justice pour les tutsis et pour le Congo-Zaïre car l'une ne va pas sans l'autre et qu'en cette absence commune de justice, il n'y aura pas de paix!

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