Obtenant la majorité au Sénat, la coalition de droite, menée par le Premier ministre conservateur Shinzo Abe peut avoir les mains libres pour réviser la Constitution du Japon. Mais l'opposition veille et la population japonaise est profondément divisée sur le sujet, d'autant plus que le rythme économique de l'archipel n'est pas florissant.
Les élections du 10 juillet 2016 pourraient marquer un événement dans l'histoire du Japon. La Chambre des conseillers (équivalent du Sénat français) a renouvelé la moitié de ses 242 membres. Sur les 121 élus, 56 sont issu du Parti libéral-démocrate (PLD) du Premier ministre Shinzo Abe et son partenaire dans la coalition, le parti Komeito, a 14 sièges. Cumulé au nombre de sièges qui n'ont pas été concernés par l'élection, la coalition gouvernementale a 161 sièges sur 242. En comptant des élus "indépendants" mais proches des partis au pouvoir, la majorité peut contenir plus de 162 sièges, soit la majorité aux deux tiers, dite "super-majorité".
Réviser la Constitution
Cette "super-majorité" est nécessaire si M. Abe souhaite appliquer une révision de la Constitution, en place depuis 1947 (cf liens n°1, 2, 3). Le Japon, alors vaincu par la bombe atomique états-unienne et militairement occupé par l'Oncle Sam, dut se résoudre à adopter une Constitution sous cette domination en 1947, actant l'abandon formel de toute entreprise militariste dans l'Empire du Soleil Levant, et la défense d'un pacifisme (article 9). D'ailleurs, le chef du PLD n'a jamais caché son envie d'abroger l'article 9, lui attirant les sympathies des milieux traditionalistes, ultra-conservateurs et militaristes, nostalgiques de la puissance militaire de Tokyo avant 1945. Puis le Premier ministre justifie cette volonté de modifier la Constitution par rapport au terrorisme - un peu comme la France avec la tentative odieuse de révision de la déchéance de nationalité -, mais surtout, en raison du contexte régional, avec la Corée du Nord qui se montre belliqueuse, avec de multiples essais nucléaires répertoriés par différentes organisations.
Problème pour M. Abe et son gouvernement, c'est que la population japonaise est extrêmement divisée sur la question de la Constitution. Selon les sondages, c'est du 50-50 entre ceux qui soutiennent l'idée de révision, notamment sur le volet militaire, et d'autres qui tiennent au statut quo. Après tous, l'archipel n'est pas directement menacé par le terrorisme islamique, comme ça l'est dans les autres pays occidentaux et vouloir se doter d'une force armée conséquente peut se révéler contre-productif dans l'objectif de dissuader des attaques sur le sol nippon. En outre, des tensions régionales se retrouveraient considérablement accrues, en particulier avec la Chine. En effet, Pékin a un long contentieux avec Tokyo, qui trouve ses racines dans les années 1930 avec l'occupation de la Mandchourie (nord de la Chine) par les troupes japonaises, ayant commis des massacres sans nom, ce dont les Chinois n'ont nullement oublié. Sans compter la rivalité économique que se livrent ces deux puissances depuis quelques décennies et le développement de l'économie de l'ex-Empire du Milieu.
Une économie en délicatesse
Profitant de sa victoire, le Premier ministre a déclaré qu'un nouveau plan de relance budgétaire serait en place à partir de ce lundi. Ce que la Bourse de Tokyo a salué bien volontiers (cf lien n°4). Un nouveau chapitre dans l'aventure des Abenomics, c'est-à-dire, la politique économique d'inspiration keynésienne du Premier ministre conservateur, afin de remettre sur pied une économie nippone exsangue. L'une des premières mesures est le recul de la hausse de la TVA, prévu désormais pour 2019, préférant miser sur l'effet de levier que peut organiser le secteur public pour l'ensemble de l'économie de l'empire.
Il faut dire que d'après les données du Fonds monétaire international (FMI), l'économie japonaise ne pourrait guère inspirer confiance aux (rares) investisseurs étrangers voulant se faire une place à Tokyo. La croissance resterait inférieure à 1% du Produit intérieur brut (PIB) d'ici 2021, de même que le FMI table sur une récession en 2017. De même que l'inflation, qui manque dans l'archipel depuis la fin des années 1980, se cantonnerait à moins de 2%, l'institution internationale ne s'interdisant pas ainsi d'envisager une spirale déflationniste supplémentaire au Japon.
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