En dépit d'une mobilisation moins forte contre le projet de "loi travail", les opposants ne comptent pas lâcher le morceau et avec Nuit debout, ils ont mis en place une plateforme qui s'élargit avec les réseaux sociaux et dans l'espace géographique, non sans poser des problématiques.
Encore un nouveau coup dans la partie d'échecs que se sont lancés le gouvernement et les manifestants, samedi 9 avril. Un mois après le début des manifs contre le projet de "loi travail", celle-ci a manifestement mobilisé moins de personnes que lors du 31 mars. Que ce soit les données de la police (18.000-20.000) ou des syndicats (110.000), c'est bien inférieur au 31 mars du côté du rassemblement à Paris. Une tendance générale au reste de la France. Cela dit, il n'y avait pas que des manifestations sur le projet de loi, mais sur d'autres sujets (Françafrique, notamment sur la situation du Congo-Brazzaville et du Congo-Zaïre).
Nuit Debout persiste
Cela dit, faut-il affirmer que l'opposition à ce projet de réforme du droit du travail s'essouffle, comme l'espère forcément le gouvernement? Ce n'est pas forcément une évidence car le mouvement Nuit Debout est parti pour vouloir perdurer. Lancé dans la soirée qui suivit la manifestation du 31 mars, ce mouvement qui a commencé sur la place de la République, à Paris, prend de l'ampleur en s'étendant sur d'autres villes françaises puis à l'étranger, avec des rassemblements en Belgique, en Allemagne et surtout en Espagne, où le mouvement des Indignés de 2011 sert souvent de comparatif avec Nuit Debout.
Plusieurs milliers de personnes se retrouvent ainsi, à échanger sur différents sujets, pas uniquement sur le projet de loi travail, afin de parvenir à une convergence des luttes. Mais cet objectif nécessite du temps et à l'heure des réseaux sociaux que Nuit Debout utilise abondamment pour brasser un large public, c'est un équilibre difficile à trouver. D'autant plus que la classe politique et les mass media poussent le mouvement à devoir agir vite. Ce dont certains s'en méfient car vouloir aller vite, c'est "aller dans le sens du capital". Donc, une nécessité de maitriser son calendrier et de le faire imposer aux cadres politiques est à jour dans les esprits.
Entre-soi socio-culturel
Plusieurs observateurs (politologues, journalistes politiques) sont interrogatifs sur Nuit Debout pour deux choses:
- Ils se demandent si Nuit Debout a un véritable programme politique classique (politique générale, politique économique, politique internationale, etc.)
- Pour eux, il n'y a pas de noms ronflants pour incarner le mouvement.
Ces interrogations, non négligeables, sont néanmoins centrées sur la forme car Nuit Debout esquisse des idées (rédaction d'une Constitution, préparation de politiques économiques, etc.) mais de par sa brève existence, ne peut pas donner l'impression de planifier déjà un programme. Puis l'idée d'un manque de personnalités favorables au mouvement, malgré l'économiste et philosophe Frédéric Lordon ou le journaliste François Ruffin par exemple, montre à quel point la personnification de la vie politique induit des effets pervers. Or, Nuit Debout tient, pour l'instant, à rester un espace pour la multitude et ne souhaite pas subir de récupération politique à des fins électoralistes, à un an de l'élection présidentielle de 2017, qui est dans les têtes des partis politiques.
D'autres interrogations peuvent mener à des critiques plus sévères envers le mouvement. La plus importante vient des activistes "non-blancs", qui sont ultra-minoritaires dans Nuit Debout, défini par eux comme un mouvement "bobo" voire "bourgeois", "blanc", "masculin". Bref, un entre-soi qui botte en touche les questions reliées au prolétariat, à l'internationalisme prolétarien à redéfinir d'urgence, à l'articulation entre la lutte des classes et les luttes pigmentaires, sachant que le racisme, sous ses diverses formes (négrophobie, islamophobie, romophobie, etc.) est mis en relation avec les conditions sociales de celles et ceux qui le subissent, ou encore les féminismes. Ces critiques viennent de militant(e)s qui tiennent à leurs idées et à ce qu'elles prennent place dans le débat, mais ne veulent à aucun prix jouer le rôle de "caution racisée" d'un mouvement où une certaine homogénéité économique, sociale, pigmentaire se montre. Est-ce une critique louable ou déplacée? Chacun est juge!
/http%3A%2F%2Fimg.humanite.fr%2Fsites%2Fdefault%2Ffiles%2Fimages%2Fmanifestation-pour-le-retrait-de-la-loi-el-khomri-le-24-mars-2016-a-paris_afp-article.jpg)
Debouts nuits et jours contre la loi travail
Au moins 200 manifestations ont rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes ce samedi en France pour obtenir le retrait du projet de réforme du Code du travail. L'intersyndicale CGT, FO...
http://www.humanite.fr/200-manifestations-ce-samedi-pour-le-retrait-la-loi-travail-604202
/http%3A%2F%2Fwww.marianne.net%2Fsites%2Fdefault%2Ffiles%2F9103-100241988.jpg)
Loi Travail : mobilisation en baisse, "Nuit Debout" persévère
Entre 18.000 et 20.000 manifestants selon la police, 110.000 selon les syndicats. La manifestation de ce samedi 9 avril contre la loi Travail a réuni moins de personnes dans les rues de Paris que ...
http://www.marianne.net/loi-travail-mobilisation-baisse-nuit-debout-persevere-100241988.html