La percée du parti Vox, parti de droite très conservatrice, voire d'extrême-droite, pourrait soit pousser à une coalition de droite, soit à une nouvelle difficulté à trouver une majorité parlementaire en Espagne, à l'issue d'élections anticipées où le Parti socialiste ouvrier espagnol de Pedro Sánchez, actuel chef du gouvernement, pourrait sortir en tête.
Pedro Sánchez restera-t-il chef du gouvernement espagnol? C'est la question qui se posera à l'issue d'élections législatives pour le moins incertaines, dimanche 28 avril, en Espagne. Le leader du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), au pouvoir depuis juin 2018, après le vote d'une motion de censure contre le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, a convoqué des élections anticipées suite au refus du Congrès des députés - la chambre basse du parlement espagnol - d'adopter le projet de loi de finances de 2019 du gouvernement. Le PSOE est prévu pour sortir en tête selon les sondages à prendre avec précaution, profitant surtout du discrédit du Parti populaire (PP) englué dans des affaires de corruption car sur le front économique, la croissance ralentit et la baisse du taux de chômage suit la même tendance (cf graphiques).
Résistance sur sa gauche
Le PSOE sous le leadership de Sánchez, issu de l'aile gauche du parti, contrecarre les ambitions de Podemos. En effet, le parti de gauche radicale, mené par Pablo Iglesias, n'arrive pas à renverser l'hégémonie du PSOE à gauche, en dépit du fait que le PSOE s'est droitisé, comme l'ensemble des partis socialistes, sociaux-démocrates, travaillistes européens depuis les années 1980. Ajoutons à cela que des batailles internes ont enrayé la mécanique de Podemos ces derniers temps, avec le retrait de Íñigo Errejón suite à la question du maintien de l'alliance avec la coalition la Gauche unie puis une remise en question du pouvoir d'Iglesias dans le parti après des révélations sur son patrimoine immobilier.
En fait, le PSOE suit une trajectoire quelque peu similaire à celle du Parti socialiste portugais ou du Parti travailliste britannique. C'est-à-dire, opérer plus ou moins un retour à gauche après une droitisation qui a montré ses limites depuis la crise financière de 2008, année où le PSOE était au pouvoir avec José Luiz Rodríguez Zapatero, initiant des politiques d'austérité que le PP reprit par la suite, à partir de 2011. Ce virage à gauche du PSOE lui a permis de mieux résister envers des partis ou forces politiques à sa gauche et de maintenir son hégémonie, là où un PASOK grec ou un PS français ont vu des forces les dépasser et les marginaliser, après avoir appliqué des politiques similaires à celles du PSOE.
Cela étant, il n'en reste pas moins que l'Espagne a bien tourné la page du bipartisme qui était dominant depuis la restauration de la monarchie et l'établissement d'une constitution démocratique à la fin des années 1970. Si jusqu'au début des années 2010, le PSOE et le PP totalisaient à eux deux plus de 80% des voix, ces dernières années, c'est à peine 60% des voix. Ce qui fait qu'aucune majorité ne se dégage clairement en Espagne, comme l'ont montré les dernières élections générales en juin 2016. Il se pourrait bien que pour la première fois dans l'histoire de l'Espagne contemporaine, les deux partis historiques de gouvernement aient moins de 50% des voix à eux deux. Pourquoi? Parce qu'il y a les présences de Podemos et de Ciudadanos, qui sont des partis désormais implantés dans le paysage politique espagnol, entre 12 et 15% des intentions de vote, tentant, chacun de son bord, à détrôner le parti historique. Puis un nouveau venu est en train de faire une percée, c'est le parti Vox.
Ce parti, fondé par des dissidents du PP, au milieu des années 2010, a pris de l'importance ces derniers mois avec sa percée lors des élections dans la communauté autonome d'Andalousie, avec 10,97% des voix et 12 sièges, formant un accord sans participation avec Ciudadanos et le PP pour que ces deux derniers partis dirigent la communauté autonome, qui était un bastion du PSOE depuis les années 1980. Vox est considéré comme un parti d'extrême-droite, homophobe, islamophobe, avec une dose de nostalgie de la dictature de Franco, 80 ans après la fin de la guerre civile espagnole, remportée par les putschistes nationalistes contre les républicains et les anarchistes, puis un parti centralisateur, vociférant contre la décentralisation et les partis indépendantistes. Tout particulièrement ceux de Catalogne, où la question de l'indépendance demeure tant les tensions entre Barcelone et Madrid restent vivaces, vu la majorité indépendantiste dans la communauté autonome.