La jonction entre les Gilets jaunes et les syndicats opposés à la réforme des retraites a été opérationnelle, samedi 11 janvier, au prix d'une répression féroce de la part d'un pouvoir qui joue faussement le compromis pour mieux aliéner les esprits.
Si selon les syndicats, il faut compter 500.000 manifestants dans toute la France, samedi 11 janvier, c'est dire si c'est moins que lors d'une manif en semaine, notamment celle du 9 janvier - 1.700.000 selon la CGT -, il n'empêche que le 11 janvier a été le samedi le plus mobilisateur depuis le 17 novembre 2018, date du début du mouvement des Gilets jaunes. Signe que ces derniers et les syndicats se sont rapprochés au fil du temps, alors qu'une défiance réciproque s'était installée au tout départ. Et pourtant, il s'agit de salariés, de chômeurs, bref de dominés ayant des intérêts de classe sociale, mais les vivant différemment car nombre de gilets jaunes vivent dans la ruralité, l'espace périurbain, où les firmes sont de petite taille, tandis que les syndiqués sont plutôt concentrés dans les métropoles, où les grandes firmes y sont présentes, permettant à certain(e)s salarié(e)s d'être potentiellement syndiqué(e)s.
Répression tous azimuts
Mais s'il y a un élément qui les rassemble, c'est qu'ils font face à un pouvoir qui tient à sa logique de classe et qui n'hésite pas à faire dans la répression tous azimuts. À Paris, la tête de cortège a été vite nassée et durant plusieurs dizaines de minutes sur l'avenue Daumesnil, les forces de l'ordre (social) y sont allées de leurs charges, de leurs coups de matraque, de leurs envois de gaz et de grenades, puis de leurs tirs de LBD, face à des Black blocs qui répliquèrent avec des envois de pavés, de bouteilles en verre ou des incendies de poubelle. De même que place de la République, terminus de la manifestation parisienne, des affrontements eurent encore lieu, l'atmosphère devenant plus calme seulement au moment de l'arrivée du cortège syndical.
Suite à des bris de vitrine de la banque HSBC, des gaz lacrymogènes sont envoyés. #greve11janvier #GreveGenerale #GiletsJaunes #Acte61 pic.twitter.com/5CCCzHR6CT
— Jonathan Baudoin (@JoBaudoin) January 11, 2020
La tête de cortège est coupée en deux par des flics qui ont envoyé du gaz lacrymogène et chargé. #greve11janvier #GreveGenerale #GiletsJaunes #Acte61 pic.twitter.com/sSNPml1Ksk
— Jonathan Baudoin (@JoBaudoin) January 11, 2020
Échanges de projectiles et gaz lacrymogène en série dans une situation qui dégénère. #greve11janvier #GreveGenerale #GiletsJaunes #Acte61 #ViolencesPolicieres pic.twitter.com/LxW9qIPTTo
— Jonathan Baudoin (@JoBaudoin) January 11, 2020
Gazage tous azimuts place de la République. #greve11janvier #GreveGenerale #GiletsJaunes #Acte61 #ViolencesPolicieres pic.twitter.com/Kuk48pEfig
— Jonathan Baudoin (@JoBaudoin) January 11, 2020
À Lyon, la répression des manifestants a été telle que des riverains filmant ce qui se passait ont reçu une grenade dans leur appartement (cf lien). De quoi réveiller le souvenir de Zineb Redouane qui reçut un tir similaire dans son appartement à Marseille, ayant un rôle prépondérant lors de sa mort, le 1er décembre 2018, même si la police nie avoir commis un homicide involontaire. Toujours est-il que si les flics agissent de cette façon, c'est qu'ils ont pleine autorisation de la part de leur hiérarchie et qu'ils peuvent compter sur les syndicats de policiers, prompts à défendre les violences policières commises et à vouloir s'en prendre à toute personne, notamment un(e) journaliste non chien(ne) de garde, qui dénonce les violences policières.
Alors qu'une habitante filmait la manifestation à #Lyon, les CRS lui envoient une grenade en tir tendu. Zineb ça vous a pas suffit? #violencepoliciere #greve11janvier #reformedesretraites pic.twitter.com/Iatu6aMmG9
— Rouen dans la rue (@Rouendanslarue) January 11, 2020
Voilà exactement le policier qui tire, camion « 13 12/5 » pic.twitter.com/JcUYXjHbYF
— Marie (@eiramniffac) January 11, 2020
Du côté du pouvoir, une piste vers une issue qui lui serait favorable pour faire passer ce dépeçage des retraites a été lancée avec l'annonce du Premier ministre sur un recul "provisoire" de l'âge pivot fixé à 64 ans. Histoire de convaincre la CFDT de revenir à la table des négociations et de faire passer la pilule. Ce qui n'a pas manqué vu que la direction de ce syndicat dit "réformiste" salue cette décision comme une victoire. De quoi provoquer de vives réactions sur les réseaux sociaux car certain(e)s rappellent les proximités entre la CFDT et le pouvoir actuel, que ce soit la conseillère "discours" du secrétaire général, Laurent Berger qui a été celle d'Emmanuel Macron lors de l'élection présidentielle; ou Tiphaine Auzière, fille de Brigitte Macron, qui officie en tant qu'avocate de la CFDT. Ah, comme le monde est petit...
Tu ajoutes ça .... ça commence à se voir même pour des CFDTistes pic.twitter.com/yJU6b3mt1c
— Mso (@theySolAnais) January 11, 2020
C’était il y a 6 heures. Depuis, tout le monde a lu la lettre du Premier ministre et il reste...un tweet et un cri de victoire ridicules. Toute ma compassion aux adhérents de la #CFDT... #Retraites https://t.co/a9tKcXvDKG
— Christian Delporte (@chdelporte) January 11, 2020
Dixit le mec qui, à la seule manif qu'il a fait pendant le mouvement s'est barré au bout de 5min car il y avait trop de monde.#CFDT = #MEDEFDT
— CGT Univ. Franche-Comté (@CGTFERCSupUFC) January 12, 2020
Camarades cfdétistes, virez ce mec, menteur de surcroit car l'âge pivot n'est pas du tout enterré...#reformesdesretraites https://t.co/HDiX5yMdQm
Pour ceux qui voulait consulter le site grands avocats et la présentation de #TyphaineAuziere fille de #BrigitteMacron vu que le site est désormais inaccessible...#CFDT #reformedesretraites #Macron pic.twitter.com/iAl3SH9LXt
— ♠ąş đε þïҩųε♠ (@imhotep1338) January 12, 2020
Ce qui est encore plus sidérant, c'est que Laurent Berger n'a pas dû bien lire la lettre qu'a adressée Édouard Philippe aux dirigeants syndicaux. Le Premier ministre mentionne peut-être le terme d'âge "d'équilibre" au lieu d'âge pivot, mais ça reste toujours fixé à 64 ans. Seulement, au lieu que ce soit en 2022, ce serait reculé à 2027, année où le gouvernement compte espérer trouver l'équilibre financier du système des retraites, sachant qu'une conférence sur le financement des retraites serait mise en place d'ici fin avril, histoire qu'elle rende ses conclusions avant que le projet de loi passe en deuxième lecture devant l'Assemblée nationale. En effet, il est bon de rappeler que le projet de loi sera présenté au Conseil des ministres le 22 janvier prochain pour être ensuite discuté en première lecture à l'Assemblée fin février.
Signe que le pouvoir tient à maîtriser son calendrier.
EDIT [13/01/2020]: Tiphaine Auzière a bien officié auprès de la CFDT, en tant que défenseur syndical, mais pas en tant qu'avocat et que son travail, dans le droit social, l'a amené à défendre des salariés, qu'ils aient été syndiqués à la CFDT ou dans un autre syndicat, ou non-syndiqués, comme l'indique un article du site Franceinfo publié lundi 13 janvier.