Décédé d'un cancer à l'âge de 78 ans, l'affairiste et homme politique laisse une certaine trace de son passage, notamment du côté de Marseille, où il dirigea l'Olympique de Marseille de 1986 à 1994, l'amenant au sommet français et européen mais aussi dans une chute vertigineuse que le club mit du temps à s'en remettre.
Ce dimanche 3 octobre, bien pluvieux, apporte une nouvelle affligeante qu'est celle de la mort de Bernard Tapie. Luttant contre un cancer depuis quatre ans, l'homme d'affaires et homme politique au parcours virevoltant (cf lien), ne laisse personne indifférent. Soit on l'aime pour son bagout, son élévation sociale - fils de prolo devenu bourgeois -, soit on le déteste pour son côté "années fric" ou ses multiples affaires judiciaires, dont certaines comme l'affaire du Crédit lyonnais étaient en cours de jugement.
Un pionnier de la mondialisation du sport
Comme il y aurait des tas de choses à dire sur lui, notamment sur les affaires judiciaires ou son expérience politique qui lui coûta cher dans les années 1990, autant que je me concentre sur le sport, car dans ce domaine, sa réussite a été importante pour le sport français. D'abord, dans le cyclisme, en dirigeant l'équipe cycliste La Vie claire et triomphant sur les routes du Tour de France en 1985 avec Bernard Hinault et en 1986 avec Greg LeMond. Soit le dernier succès d'un coureur français sur la Grande boucle à ce jour et le premier succès d'un étasunien sur le Tour. D'ailleurs, Tapie engagea LeMond en lui fournissant un salaire mirobolant pour l'époque, annonçant ainsi la mondialisation du sport via une course financière qui s'est accélérée depuis. De quoi voir Tapie comme un pionnier de la mondialisation du sport.
Mais c'est surtout l'Olympique de Marseille qui va rester à jamais associé au nom de Tapie. Déjà, dans la durée, huit ans, puis dans les résultats à partir de 1989 jusqu'en 1993. 4 titres de champion de France (5 en comptant celui de 1993 pour certains supporters), 1 coupe de France, mais surtout cette Ligue des champions gagnée en 1993 contre le Milan AC, l'OM devenant à jamais le premier club français vainqueur de la "coupe aux grandes oreilles". L'ambition ultime de Tapie atteinte! Le tout en ayant attiré les meilleurs joueurs français et certains étrangers - l'arrêt Bosman n'existait pas encore! - et en répétant sa recette du cyclisme, à savoir une financiarisation croissante du foot qui s'est développée par la suite, encore plus avec l'arrêt Bosman.
Mais "la roche Tarpéienne est proche du Capitole" dit le proverbe romain. Et l'affaire VA-OM, issue du match entre Valenciennes et Marseille, une semaine avant la finale de la Ligue des champions, où il est question de corruption de joueurs valenciennois, sonna le glas de l'ère Tapie, sachant qu'en même temps, son rôle politique en fit une cible évidente, renforcée par le fait qu'il fut le seul condamné à de la prison ferme. Une phrase du juge Éric de Montgolfier alimente l'idée d'un acharnement contre Tapie: "Si le président de l'OM n'avait pas été Bernard Tapie, il ne serait jamais allé en prison. Les faits ne le méritaient pas". Toujours est-il que l'OM paya le prix avec deux ans de purgatoire en Division 2, brisant sa dynamique et quelque part, on peut se demander si le club s'en est totalement remis de cette histoire que les anti-OM primitifs aiment rappeler pour mieux cracher sur le club, en dépit du rôle éminent de l'OM de Tapie dans la vague de succès du foot français dans les années 90, conclue par la victoire de l'équipe de France à la Coupe du monde 1998, avec des joueurs comme Fabien Barthez, Marcel Desailly et Didier Deschamps, qui furent vainqueurs de la Ligue des champions 1993 avec l'OM.
Par rapport à sa présidence marseillaise, la plus glorieuse de l'histoire séculaire du club, elle fourmille de paradoxes. D'abord, si Tapie apparut comme tout puissant au sein du club et en-dehors, au point qu'il aurait eut comme ambition de devenir maire de Marseille en 1995 et que l'affaire VA-OM chamboula ce dessein, il chercha des compromis avec les groupes de supporters ultras. D'ailleurs, dès son arrivée au club en 1986, il permit aux groupes ultras la gestion des abonnements dans les virages. Ce qui est un cas unique en France, voire en Europe. Ce système perdura après son départ, jusqu'en 2015-2016, où Margarita Louis-Dreyfus, actionnaire majoritaire, chargea Vincent Labrune, président du club à l'époque, de mettre fin à ce système qui donna une certaine autonomie financière aux groupes ultras mais pénalisa les finances du club via des recettes de billetterie en moins. Et ce, d'autant plus que cette récupération des abonnements dans les virages permit de mieux négocier la vente du club auprès de Frank McCourt à l'été 2016. En tout cas, Tapie respectait les supporters, au point qu'en 2013, il affirmait qu'un système de socios serait à envisager à l'OM et que cela serait efficace à ses yeux.
Ensuite, si l'OM de l'ère Tapie symbolisa le succès, il développa le star system en négligeant fondamentalement la formation. Et le tournant fut quelque part l'année 1990. Si l'OM gagna son second titre consécutif de champion de France, il échoua en demi-finale de la Coupe d'Europe des clubs champions (ancien nom de la Ligue des champions) avec la main de Vata lors de la demi-finale retour Benfica-OM. À l'époque, Gérard Gili était l'entraîneur de l'équipe première et c'était sa première expérience sur un banc de touche, commencée en 1988, et qu'auparavant, il dirigeait le centre de formation du club. Suite à cette injustice, Tapie eut la conviction d'avoir un entraîneur étranger, ancien joueur respecté de surcroît, et convainc Franz Beckenbauer de devenir entraîneur du club après son succès avec l'équipe d'Allemagne lors de la Coupe du monde 1990. Et à travers ce star system, nombre de joueurs venaient et s'en allaient par la suite. Un seul a gagné tous les trophées de l'OM de l'ère Tapie, c'est Éric Di Meco. Comble du paradoxe, il était formé à l'OM et le dernier rescapé des minots ayant sauvé le club au début des années 1980.
Toujours est-il que cet autre héritage de l'ère Tapie perdure encore, tant l'OM est dépendant du marché des transferts, encore plus depuis l'instauration de l'arrêt Bosman, et que le centre de formation demeure structurellement moins important pour développer l'équipe première, même si depuis les débuts de l'ère McCourt, quelques améliorations ont été observées.
Bref, salut bonhomme!
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Bernard Tapie est mort à l'âge de 78 ans, emporté par un cancer
Businessman, ministre, comédien, homme de médias et de football, éphémère pilote de formule 3, chanteur... Bernard Tapie, l'homme aux multiples vies, est mort des suites d'un cancer, dimanche ...