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JoSeseSeko

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"Il ne faut jamais prendre les gens pour des cons, mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont." Cette phrase résume une recherche de vérité, de développer de l'information sur une variété de sujets, notamment l'économie, la politique et l'histoire. Et ce, dans plusieurs pays du monde.


Rembourser la dette publique? Pas si simple!

Publié par JoSeseSeko sur 4 Mars 2016, 14:03pm

Catégories : #Économie, #Dette publique, #Ragot, #Sapir, #Démocratie, #Lutte des classes, #Hétérodoxie, #Euro, #Europe, #France

Rembourser la dette publique? Pas si simple!

Au moment où la dette publique française s'approche de 100% de la richesse produite, la revue Regards croisés sur l'économie a organisé, jeudi 3 mars, une conférence sur la dette publique. Un sujet minoré par la classe politique, notamment au sujet du remboursement, mais qui devra forcément revenir sur le devant de la scène au moment de la présidentielle de 2017.

La salle était bondée, jeudi soir, à l'École normale supérieure (rue d'Ulm), pour suivre une conférence sur la dette publique, organisée par la revue Regards croisés sur l'économie, avec pour invités Xavier Ragot, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Jacques Sapir, professeur à l'École des hautes études en sciences sociales (Ehess), puis Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes. Ce dernier, le libéral des trois, ayant annulé à la dernière minute sa participation, le débat fut mené par deux économistes hétérodoxes, une espèce en voie d'extinction dans l'enseignement de l'économie dans l'enseignement supérieur. Du coup, ça peut sembler moins marrant, voire sclérosé, mais pas inintéressant.

Cibler les moyens de remboursement

Une fois n'est pas coutume, sur un sujet pareil, commençons par voir les solutions pour rembourser la dette publique, que les deux économistes défendent communément. Ragot, comme Sapir, liste ces possibilités. Les voici: le défaut, la réforme fiscale en imposant davantage les plus riches, l'inflation, ou laisser filer le déficit. Ce sont divers moyens de répondre à la question "à qui doit-on prendre l'argent?". Par ailleurs, Ragot et Sapir sont partisans d'une politique monétaire inflationniste, qui commence à poindre du côté de la Banque centrale européenne (BCE) avec l'assouplissement quantitatif (quantitative easing en anglais, QE) appliqué par Mario Draghi, gouverneur de la BCE, et peut-être renforcé prochainement. Mais comme le regrette Ragot, c'est trop tardif par rapport aux États-Unis et au Royaume-Uni, plus pragmatiques et plus efficaces sur ce point. Enfin, le président de l'OFCE indique le positionnement temporel dans un cas de dette publique forte mais pas insurmontable au point de faire défaut. Soit on rembourse maintenant et il faudra mettre le paquet au niveau fiscal, y compris sur les nouvelles technologies - on y reviendra plus tard dans ce billet -, soit on pose un moratoire, décalant la question pour les générations futures.

Ce qui laisse entendre que la dette publique serait intergénérationnelle. Ce qui, pour le blogueur et économiste de formation que je suis, chers lecteurs, est une erreur de vue car les titres de dette publique et les taux d'intérêt financés par l'impôt vont les 3/4 du temps dans les revenus des ménages les plus riches. Ce qui signifie que la dette publique, plus ses intérêts à verser, est une redistribution à l'envers, favorisant systématiquement la classe sociale bourgeoise car c'est un actif sûr, plus sûr que les actions dans une entreprise. Si la dette publique se mettait à être réduite très fortement, les ménages les plus riches y seraient au bout du compte perdants. Reste à voir s'ils accepteraient de perdre sur ce terrain-là, ce qui est loin d'être garanti!

Question de l'euro, de souveraineté

Sur les causes, les discordances entre les deux économistes hétérodoxes se font sentir. Mais d'abord, ils se rejoignent sur l'absurdité de la ligne ordo-libérale défendue dans la zone euro, notamment par l'Allemagne, voulant à tout prix faire appliquer les critères de Maastricht à des partenaires lourdement endettés (Grèce, Italie, Espagne, etc.), en mode "obéissez ou je tire"! Ce à quoi ces pays doivent mener des politiques d'austérité qui accroissent le mal au lieu de le guérir, tout comme il était nécessaire, selon eux, que l'État intervienne avec un déficit lourd en 2008-2009, sinon c'était "1929 en pire"! Du coup, si la dette publique s'est envolée depuis plus de trente ans en France, c'est principalement en raison de chocs macroéconomiques successifs, surtout à partir des années 1990 avec la chute du mur, la réunification allemande lourdement payée par la France, la crise du système monétaire européen en 1993, la politique du "franc fort" pour converger vers l'établissement de l'euro et l'application de la monnaie unique, en plus du fait que la Banque de France ne peut plus racheter directement les titres de dette publique, entraînant dans une spirale déflationniste que décrivait déjà l'économiste états-unien Irving Fisher dans les années 1930.

Mais à partir de là, les conclusions en sont différentes. Pour Sapir, l'entrée de la France dans la zone euro a obligé à alimenter un déficit public chronique avant la crise financière, afin de maintenir un niveau de croissance "décent", et il est capital pour lui de sortir de la zone euro, pour retrouver une marge de souveraineté, qu'il lie à la démocratie. Une ligne qu'il défend depuis plusieurs années maintenant. Et ce, d'autant plus qu'il remarque que l'Allemagne et la France ne peuvent pas avoir une même politique monétaire puisque Berlin a une démographie vieillissante, l'incitant à être furax envers la BCE et son QE car cela baisse les taux d'intérêt, donc les revenus des retraités allemands, tandis que la France y trouve davantage sa part car la situation démographique est diamétralement opposée. De même qu'il considère qu'il est plus logique de soutenir la sortie de l'euro en fonction de ses mérites (ou démérites), et non en fonction des partis qui la défendent, en écho à la polémique sur ce sujet durant l'été 2015. Mais Ragot estime qu'une sortie de l'euro, doublée d'une certaine vision de la souveraineté, est une "fausse bonne idée", car changer l'outil monétaire serait créer une "taxation déguisée", pour ne pas parler de politique discrétionnaire. En outre, sur la question de la souveraineté, de la démocratie, le président de l'OFCE s'oppose au professeur à l'Ehess car il observe la pauvreté du débat public en France, l'instrumentalisation faite par les partis politiques dominants qui défendent un ordo-libéralisme abject (point défendu également par Sapir). De plus, avec l'institutionnalisation de l'élection présidentielle au suffrage universel, Ragot estime que ça affaiblit encore davantage un Parlement déjà très faible par la Constitution de 1958, alors qu'en Allemagne, le Parlement a un pouvoir important, en raison du ravage provoqué par le nazisme. Il semble ne pas enterrer le processus européen, contrairement à Sapir, mais tente de convaincre sur sa complexité, qui tient sur les structures politiques des états membres. Enfin, Ragot insiste sur la répression financière, en écho à "l'euthanasie des rentiers" de John Maynard Keynes, qui doit s'accompagner d'une refonte de l'assiette fiscale dont il est convaincu qu'elle est caduque car les secteurs portant la croissance l'amènent à un niveau largement supérieur aux recettes fiscales attendues alors qu'auparavant, les trajectoires étaient parallèles. Néanmoins, il estime que la croissance future sera encore plus faible, en raison de la problématique écologique et du progrès technique. Une phase de stagnation séculaire (ou état stationnaire) semble poindre selon lui.

Réduire les inégalités mondiales

En fin de conférence, suite à une question posée sur les inégalités, Sapir développe une idée qui mérite d'être évoquée. Afin de réduire les inégalités dans les pays en développement et leurs formes de développement, lourdes de conséquences sur l'environnement planétaire, l'économiste défend l'idée de mieux rémunérer la production de base, notamment l'agriculture vivrière. De même qu'il remet en avant une proposition déjà émise après-guerre, i.e la création d'une caisse mondiale stabilisant les prix des matières premières (pétrole, blé, maïs, cuivre, etc.), ce qui dans le cas actuel, stopperait la spirale déflationniste en Europe et ailleurs, qui développe un chômage de masse - courbe de Phillips, le retour! -, et alimenterait encore moins une vague migratoire en provenance des dits pays en développement, liée à un néocolonialisme occidental sournois. Son coût serait largement supportable pour les pays développés, selon Sapir, car même si le prix du pétrole, actuellement bas par exemple, retrouvait des niveaux semblables à ceux de juin 2014, son niveau de prix constant pourrait rester inférieur ou équivalent à celui de 1948!

Encore faut-il qu'après ça, les pays en développement puissent se diversifier sereinement, sous peine de subir une fois encore le "syndrome hollandais", à savoir, un développement économique lié essentiellement aux exportations de ressources naturelles, provoquant une appréciation de la monnaie nationale et réduisant la compétitivité des autres secteurs économiques du pays en question.

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