Durant la journée du 16 octobre, le domicile de Jean-Luc Mélenchon, des sièges du Parti de gauche, de la France insoumise puis des domiciles de proches du député des Bouches-du-Rhône ont été perquisitionnés dans le cadre d'une enquête préliminaire sur des emplois fictifs d'assistants parlementaires au Parlement européen puis au sujet des comptes de campagne de Mélenchon lors de l'élection présidentielle de 2017. Le tout, dans une atmosphère houleuse et peu digne d'inspirer de la confiance auprès des institutions de cette Ve République sexagénaire.
Les militants ou les cadres de la France insoumise (FI) sont sur les nerfs. Mardi 16 octobre, le siège du mouvement, ainsi que celui du Parti de gauche (PG), plus les domiciles de Jean-Luc Mélenchon et de plusieurs de ses partisans ont été perquisitionnés sur ordre du parquet de Paris dans le cadre de deux enquêtes préliminaires: l'une portant sur d'éventuels emplois fictifs au Parlement européen, l'autre sur les comptes de campagne lors de l'élection présidentielle de 2017. Cette perquisition simultanée s'est faite sur plusieurs heures et les personnes perquisitionnées, notamment Mélenchon, ont perdu leur sang-froid face aux policiers appliquant les ordres et face au procureur, bousculant ou lançant des invectives. En conséquence de ces éléments filmés, qui plus est, le parquet de Paris a lancé une enquête pour "menaces" et "violences" contre les enquêteurs (cf lien n°1).
Victimisation de privilégié
Sur la forme, à travers les vidéos postées par Mélenchon, ses camarades ou des médias présents lors de cette opération, il y a cette impression que Mélenchon, parce qu'il est député, doit être une personne "sacrée". "La République, c'est moi" affirme-t-il d'ailleurs, passablement énervé, face à un policier lors de la perquisition au siège de la FI. Et donc, ça lui permet de s'en prendre aux policiers et au procureur de manière brusque. Si jamais un jour, moi, citoyen français, non-blanc de surcroît, je me fais perquisitionner à mon domicile et que je réagissais de la même manière que Mélenchon, j'aurais été aussi sec mis en garde à vue pour "outrage à magistrat", "outrage à fonctionnaire de police" et "rébellion". De même que les personnes qui ont subi des perquisitions dans le cadre de l'État d'urgence et qui ont été arrêtées parce qu'elles sont dans le syndicalisme, dans le militantisme écologique, et pas en lien avec le terrorisme, ce qui était, souvenons-nous, le motif officiel de l'instauration de l'État d'urgence de novembre 2015 à novembre 2017, doivent rire jaune devant une telle victimisation de privilégié qu'offrent Mélenchon et certains membres de la FI.
Sans compter que ça s'offusque des méthodes policières appliquées. C'est quelque part le retour de bâton de la "police républicaine", que défend Mélenchon et la FI, alors qu'elle applique ce genre de méthodes ailleurs, notamment dans les banlieues, envers le prolétariat, que la FI assure vouloir défendre ses intérêts soit dit en passant, quand ça ne devient pas de l'acharnement. La famille Traoré peut avoir une idée précise sur le sujet.
Si on regarde maintenant le fond des choses, une perquisition au siège d'une organisation politique n'est pas surprenante, ni illégale en soi. D'ailleurs, sur les réseaux sociaux, plusieurs personnes ont rappelé que ces dernières années, que ce soit le Parti socialiste en janvier 2013, Les Républicains en mars 2016, le Rassemblement national (alors Front national) en février 2017, l'Union des démocrates indépendants en septembre 2017, le Mouvement démocrate en octobre 2017, et même la République en marche en juillet 2018. Mais ce que soulignent les Insoumis, c'est que la perquisition faite à leur encontre n'est pas menée par un juge d'instruction indépendant, mais par le Parquet, qui dépend du ministère de la Justice. Ce qui fait qu'ils accusent le pouvoir exécutif, notamment le président Emmanuel Macron et la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, de faire une "opération politique" visant à décrédibiliser la FI qui se veut être la première force d'opposition au pouvoir actuel. Puis, autre élément troublant, c'est que la perquisition au siège de la FI n'a pas fait l'objet d'un procès-verbal listant les pièces saisies par les enquêteurs. Ce qui peut correspondre à un vice de procédure et potentiellement annuler la dite perquisition (cf lien n°2). Enfin, cette perquisition, coïncidence troublante, tombe le jour de l'annonce du remaniement ministériel, avec notamment l'arrivée de Christophe Castaner au ministère de l'Intérieur, à qui il est prêté le souhait de devenir maire de Marseille en 2020, et que Mélenchon a été élu député à Marseille.
Tout ce méli-mélo donne l'image d'une république déplorable qu'est la Ve République, qui a fêté récemment ses 60 ans d'existence, un âge qui devrait l'inciter à être mise à la retraite, et pousser à réfléchir à une VIe République où la question de la révocabilité des élus (parlementaires, maires, conseillers départementaux ou régionaux) devrait figurer en bonne place car la vertu, tant célébrée par Mélenchon, inscrit dans la tradition jacobine de Maximilien Robespierre, ne semble guère être de rigueur dans les hautes sphères de la République, même pour un député.