Le départ du directeur sportif Andoni Zubizarreta pourrait bien entraîner celui du coach André Villas-Boas, vu que le second a plusieurs fois affirmé lier son destin à celui du premier. De quoi rendre les supporters et les joueurs phocéens fous de rage envers une direction et un actionnaire qui mènent une politique d'austérité sabotant ainsi le club.
Est-ce que le mot stabilité fera partie de la pratique de gouvernance de l'Olympique de Marseille (OM), un jour? En tout cas, depuis la fin de l'ère Bernard Tapie et hormis peut-être la période de présidence de feu Pape Diouf (2005-2009), l'OM a bien du mal à afficher une stabilité organisationnelle, pourtant essentielle si ça veut à la fois des résultats sportifs et un équilibre économique. Un nouvel exemple de cette instabilité structurelle s'est développé jeudi 14 mai avec le départ d'Andoni Zubizarreta de son poste de directeur sportif, qu'il occupait depuis octobre 2016.
Mi-figue, mi-raisin
Étant donné ce départ, un bilan s'impose. Comment juger Zubizarreta? L'angle qui pourrait être celui pris par Frank McCourt, actionnaire majoritaire de l'OM, et Jacques-Henri Eyraud, président du club, c'est que l'ancien gardien du FC Barcelone et de l'équipe d'Espagne faisait traîner en longueur les négociations sur des arrivées ou des prolongations de contrats, ou encore n'a jamais réussi à bien vendre des joueurs, excepté André-Franck Zambo-Anguissa en 2018, afin de réduire la masse salariale du club. Surtout l'été dernier, après une saison 2018-2019 ratée à cause de l'entraîneur Rudi Garcia. D'ailleurs, ce qui rend difficile de juger Zubi, c'est que Garcia a été choisi par la direction du club avant Zubizarreta et que l'entraîneur avait ainsi priorité dans les oreilles d'Eyraud, qui n'y connaît rien en foot, au lieu de Zubizarreta, ancien footballeur de haut niveau et ancien directeur sportif du Barça. Ce qui fait que les recrues marseillaises de janvier 2017 à janvier 2019 étaient principalement des choix de Garcia et non de Zubizarreta, exception faite de l'arrivée de Luiz Gustavo à l'été 2017.
Or, une fois que Garcia fut licencié, en ayant plombé les finances du club par sa politique de recrutement onéreuse, court-termisme oblige, et le manque de résultats sportifs, Zubi dût faire avec les moyens du bord et une pression austéritaire pour tenter de redresser l'institution OM à l'été 2019. L'arrivée de Villas-Boas en tant qu'entraîneur et les recrutements d'Alvaro González, de Darío Benedetto et de Valentin Rongier ont été des bons coups de sa part. Notamment AVB car l'entraîneur portugais a su redonner un souffle à un effectif peu remanié, au point qu'il a réussi à terminer deuxième d'un championnat de France écourté en raison de l'épidémie de Covid-19, qualifiant ainsi les phocéens pour la Ligue des champions la saison prochaine. Sans oublier son rôle dans la politique de restructuration du centre de formation de l'OM, afin que des minots aient davantage de possibilités d'intégrer, à terme, l'équipe première.
Avec ce départ, la question est de savoir si Villas-Boas va prendre la tangente ou pas. Et la tendance est bel et bien à un départ car à plusieurs reprises, l'entraîneur portugais a affirmé que son avenir est lié à celui de Zubizarreta. Étant donné que ce dernier est parti, il serait extraordinaire que la direction du club puisse réussir à convaincre AVB de rester sur le banc olympien et que tout porte à penser que sa décision est prise.
👉🏼L’OM n’a pas perdu l’espoir de conserver Villas-Boas, mais selon son entourage, il sera très difficile, voir impossible de convaincre le portugais, qui aurait déjà pris sa décision. (RMC) #TeamOM pic.twitter.com/k7JdSO7O8v
— Guillaume Tarpi (@GuillaumeTarpi) May 15, 2020
En outre, vu qu'un entretien entre Villas-Boas et Eyraud s'est tenu, dans l'idée de préparer la saison prochaine, certains observateurs de l'OM signalent que cet échange n'a guère été productif au yeux de Villas-Boas, n'ayant pas de garanties budgétaires pour espérer faire bonne figure en Ligue des champions.
Vu la situation présente, l'avenir immédiat pousse à broyer du noir pour les supporters olympiens, dont moi. En fait, ce n'est ni plus ni moins qu'un retour vers le futur. Au moment de la mi-saison, j'avais évoqué l'idée que l'OM version Villas-Boas me fit penser à l'OM version Marcelo Bielsa. Et ben, cette comparaison promet d'être pleine si Villas-Boas part avec fracas, à l'instar de Bielsa en août 2015 car ce dernier a dénoncé une absence de garantie, signifiant de fait une politique d'austérité de la part de Margarita Louis-Dreyfus (actionnaire majoritaire) et de Vincent Labrune (président). S'en suivit une saison 2015-2016 cauchemardesque, l'OM ne se maintenant en Ligue 1 qu'au bout de la 36e journée de championnat. Et par conséquent, ça oblige à rappeler qu'une politique d'austérité ne fait qu'aggraver une situation économique déjà fragile car dépendante des résultats sportifs. Et c'est ce qui pend au nez de l'OM aujourd'hui.
On revit une période qui avait bien mis en colère plusieurs supporters olympiens et qui les incitait à fantasmer quand une rumeur de rachat était racontée dans la presse sportive. Et ces derniers jours, la rumeur persistante est celle d'un rachat du club par le prince et affairiste saoudien Al-Walid ben Talal ben Abdelaziz Al Saoud. McCourt se serait opposé à l'idée d'une revente, tant elle signifierait un nouvel échec dans le monde sport car il avait repris la franchise de baseball des Dodgers de Los Angeles (2004-2012), en n'ayant rien gagné. Ce qui m'avait mis la puce à l'oreille, ainsi qu'à d'autres supporters phocéens attentifs. Le problème est que la majorité des supporters sont, au mieux, naïfs; au pire, aliénés. Car le foot actuel, que j'appelle foot bourgeois, est un miroir du capitalisme, dans sa version néolibérale, où des milliardaires y foutent le bordel pour s'assurer des leviers d'influence politique et que le capitalisme est fondamentalement instable. Donc, si jamais un affairiste rachète l'OM, je dirais "et alors?" car il produira fondamentalement de l'instabilité.
L'alternative la plus crédible, la plus stable, la plus pérenne pour l'OM est que les supporters, au lieu de fantasmer sur un repreneur, prennent le club par eux-mêmes. C'est-à-dire, s'organisent en tant que socios. J'ai déjà écrit à ce sujet au printemps 2014, en soulignant que ça permet aux supporters de s'impliquer dans la gouvernance du club, et donc d'en être responsables. Est-ce utopique? Non. Des clubs comme le Barça et le Real Madrid fonctionnent avec des socios, et les présidents, élus par les socios, se doivent d'être exemplaires. Enfin, un collectif de supporters, le Massilia Socios Club, a pour ambition d'instaurer ce modèle à l'OM. S'il ne compte qu'environ 3.500 adhérents, il serait bon que des milliers, des dizaines de milliers de supporters olympiens viennent gonfler les rangs de ce collectif afin d'arriver, à terme, à prendre les rênes du club et ainsi le stabiliser. Dans le cas contraire, la situation que connaît l'OM se répètera indéfiniment!