Le rassemblement organisé par le Comité Adama, en hommage à George Floyd et à Adama Traoré, mardi 2 juin à Paris, a été important en dépit de l'interdiction posée par la préfecture de police. Signe que les violences policières comme expression du racisme institutionnel ne sont plus aussi déconsidérés que par le passé.
"Pas de justice, pas de paix". Ce slogan qui semble si éculé avec le temps, retrouve une certaine vigueur ces derniers jours, en raison de ce qui s'est passé outre-Atlantique, avec le trépas de George Floyd, lundi 25 mai, à Minneapolis, poussant à des révoltes de plus en plus étendues aux États-Unis, au point qu'à Washington, Donald Trump dût se terrer dans un bunker sous la Maison-Blanche, dans la nuit du 31 mai au 1er juin, avant de se relancer dans un discours appelant à la répression tous azimuts, surtout envers les antifascistes, vus comme une organisation terroriste à ses yeux. Sans grand effet sur les manifestants, qui ne décolèrent pas dans tout le pays (cf lien n°1).
Échos en France
Les images de l'agonie de Floyd ayant tourné partout, elles peuvent raconter des histoires similaires et donner une opportunité d'en faire un écho avec un contexte national différent. C'est le cas en France, avec des manifestations dans quelques grandes villes - Paris, Marseille, Lyon, Lille -, rassemblant des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes - 20.000 à Paris selon la préfecture de police; 40.000 selon le Comité Adama - en mémoire de George Floyd et d'Adama Traoré, mort après une interpellation par des gendarmes à Beaumont-sur-Oise le 19 juillet 2016, dans un contexte où le Coronavirus n'a pas forcément disparu de la surface du globe (cf lien n°2). De quoi rendre certains esprits - notamment à l'extrême-droite -, sarcastiques, estimant que ça va provoquer une deuxième vague. En tout cas, la police, comme à son habitude, a joué dans la répression puis se défaussa, à travers le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, pour clamer que les manifestants ont initié les débordements de violence dans la soirée, sur Paris.
La manifestation était calme. J'y étais. Jusqu'à ce que les policiers sur les toits tirent des gazs lacrymo. On aurait préféré un tweet pour saluer la jeunesse pacifiste chantant la marseillaise, unis. Ce qui n'a pas sa place en démocratie c'est le déni de justice. https://t.co/hieloyd8f7
— Hapsatou SY (@HapsatouSy) June 3, 2020
J'appelle toutes les personnes qui étaient avec moi et qui ont vu les policiers postés sur le toit du tribunal et tirant du gaz lacrymogenes à m'adresser leurs témoignages en plus des photos que nous avons déjà.
— Hapsatou SY (@HapsatouSy) June 3, 2020
Autre angle d'attaque sur cette manifestation, c'est qu'il s'agirait d'une récupération d'une affaire américaine et qu'en France, ça n'a rien à voir (cf lien n°3). Un argument bien simpliste masquant une gêne face à deux afro-descendants morts avec des similitudes troublantes et des analyses visant en premier lieu à culpabiliser le défunt et disculper le(s) policier(s) incriminé(s) (cf lien n°4). La première autopsie du corps de Floyd, faite à la demande des autorités judiciaires, écarte la thèse de l'asphyxie comme cause de la mort. Même chose au sujet de Traoré quand c'est à la demande de la justice. Mais quand une contre-expertise, demandée par la famille, développe une explication diamétralement opposée (cf lien n°5), il y a de quoi se demander si "la justice est au service de la police", pour reprendre cette formule du philosophe Michel Foucault.
Une chose est sûre. Les pays dits développés, généralement occidentaux, regardent différent ce qu'il faut appeler le racisme institutionnel. Ce concept, développé par Stokely Carmichael, indique une ligne politique privilégiant certains, plutôt que d'autres, en fonction de leur couleur de peau, comme construction sociale qui s'accouple avec le capitalisme. Cela passe par l'accès à l'éducation, notamment au niveau supérieur; l'accès au travail et donc le risque d'exposition au chômage, mal nécessaire dans le capitalisme; l'accès au logement; l'accès aux loisirs; l'accès à un développement social, culturel; etc. Il peut en ressortir un manque à gagner global pour la société de par cet ensemble de discriminations. En France, par exemple, une étude parue en septembre 2016 indique que la réduction des inégalités, en raison entre autres de la couleur de peau, rapporterait 80 à 310 milliards d'euros pour l'économie française. C'est dire l'ampleur!
Et le racisme institutionnel trouve aussi, et même très visiblement, son expression à travers la police. Nombreuses ont été les études indiquant qu'un non-blanc - noir ou maghrébin principalement -, a 20 fois plus de risque de se faire contrôler par un flic qu'un blanc. De même que les intentions de vote dans la police ont été étudiées ces dernières années, avec une préférence pour l'extrême-droite bien prononcée. La période du confinement a montré combien la police milice française était bien plus prompte à réprimer des prolos non-blancs vivant en banlieue que des bourgeois vivant dans les beaux quartiers de Paris ou d'autres grandes villes, ou pouvant ne pas respecter les mesures de limite de déplacement sans forcément être inquiétés. De quoi penser que la police est un "État dans l'État" pour le moins dangereux? En tout cas, si elle est prise en flagrant délit de meurtre, elle ne posera pas le genou à terre et ne sera guère inquiétée au niveau disciplinaire, avec l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), critiquée pour son manque d'indépendance face à l'institution, notamment depuis le mouvement des Gilets jaunes, marquant une certaine prise de conscience au sujet des violences policières que les banlieusards, ou plus généralement, des personnes ayant des racines extra-européennes, expérimentent depuis des décennies (cf lien n°6).
Et si ça tient à renouveler la confiance dans la police, comme le souhaite le député François Ruffin, que des condamnations de policiers se fassent plus publiquement et plus lourdement envers les détenteurs du permis de tuer. Dans le cas contraire, les choses ne feront qu'empirer.
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