La contestation policière, sous forme d'arrêts maladie, face à l'envoi en détention provisoire d'un policier auteur (présumé) de violences à l'égard du citoyen Hedi à Marseille, a réussi à faire plier le pouvoir devant une corporation qui défèque sur l'État de droit.
Est-ce l'avènement d'une "démocratie policière" ou la pente menant à une "république fasciste"? Ces termes, utilisés par le sociologue Sebastian Roché, d'un côté (cf lien n°1), et le philosophe et économiste Frédéric Lordon de l'autre (cf lien n°2), mettent en question la période que nous vivons et la trajectoire prise par la police française, cet "État dans l'État" qu'Emmanuel Macron et sa clique tiennent à cajoler face à leur colère concernant la mise en détention provisoire d'un policier à Marseille.
Impunité policière
Dans la soirée du jeudi 27 juillet, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a reçu les syndicats de policiers et selon ces derniers, le ministre semble suivre leurs demandes. En l'occurrence, une anonymisation de l'ensemble des policiers, une révision de l'article 144 du Code de procédure pénale, relatif à la détention provisoire, pour que les policiers en soient exemptés, ou encore le maintien de primes en cas de suspension pour un policier (cf lien n°3).
Quand bien même leurs représentants syndicaux s'en défendent, ces dispositions que le gouvernement pourrait étudier au moment de la rentrée sont des prémices d'une justice d'exception à l'égard des policiers, un véritable appel à l'impunité policière, déjà grandement établie en France. Mais que là, le ministre de l'Intérieur en devienne le défenseur, n'ayant ainsi pas remis en cause les propos du Directeur général de la police nationale et du préfet de Police de Paris, c'est un terrain on ne peut plus glissant et un bras d'honneur fait aux fondamentaux juridiques de la France. Et tout particulièrement à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui reste une base essentielle du droit français, via les articles 6 et 15:
- "La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents"
- "La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration"
In fine, les policiers tiennent à ce que la justice soit complètement "au service de la police", pour reprendre une phrase du philosophe Michel Foucault.
Horde sauvage
Mais revenons sur ce qui a conduit à la situation présente. C'est la mise en détention provisoire d'un policier de la Brigade anticriminalité, auteur présumé du tabassage d'Hedi, un jeune citoyen sans histoire, dans la nuit du 1er au 2 juillet à Marseille. Et ce, d'autant plus que le suspect et trois de ses collègues ont laissé pour mort la victime, qui se retrouve avec une partie du crâne démolie. Le tout, dans le contexte des révoltes consécutives à la mort de Nahel Merzouk, tué à bout portant par un policier, le 27 juin dernier à Nanterre.
En réaction à cette décision du juge des libertés, plusieurs policiers ont refusé de travailler, à Marseille comme ailleurs en France, abusant des arrêts maladie - on n'entend pas la droite et l'extrême-droite vociférer sur ce point, hein?! -. Et si ce mouvement de contestation ne concernerait que "moins de 5% des effectifs" selon Darmanin, cela est suffisant pour que le pouvoir baisse son froc pour accéder aux requête d'une "horde sauvage" assermentée, chargée de réprimer pour sauver les fesses d'un pouvoir contesté de manière générale et qui tient à faire son métier, à savoir violenter les corps et les esprits (cf lien n°4). Quand ça n'est pas déployer des messages de menaces sur les réseaux sociaux comme celui émanant du compte Twitter (ou X, vu l'appellation décidée par Elon Musk) du syndicat des commissaires de la police nationale sommant le sociologue Roché de la boucler car n'étant pas policier, bien que spécialisé sur les questions policières, il ne serait pas en mesure d'en parler.
Toujours est-il que cet "État dans l'État" affiche sa puissance en raison de sa syndicalisation massive. Et comme je l'ai déjà écrit dans un précédent billet, les syndicats non-policiers doivent en tirer une leçon pour démontrer l'utilité de se syndiquer massivement pour contrecarrer le pouvoir du patronat et ainsi améliorer les conditions matérielles d'existence des travailleurs tout en développant un esprit égalitaire, antiraciste, socialiste, autogestionnaire. Reste à savoir si cela va réfléchir dans ce sens ou non.
Sebastian Roche : La democratie policiere
Nous joindre : contact@mobilisations.org
https://www.mobilisations.org/blog/sebastian-roche-la-democratie-policiere
De la république policière à la république fasciste ?
De responsabilité spéciale, la police, entièrement adonnée à ses pulsions violentes, ne veut plus entendre parler - " nous avons les armes, nous nous en servons, fin de la discussion ". Et cec...
https://blog.mondediplo.net/de-la-republique-policiere-a-la-republique
Fronde des policiers : ce qu'il faut retenir de la rencontre entre Gérald Darmanin et les syndicats
Le ministre de l'Intérieur a reçu les syndicats jeudi soir et pris en compte plusieurs de leurs revendications, au moment où des policiers protestent contre l'incarcération d'un agent de la BAC...