"L'insubordination des généraux est la pire, dans une république. Dans un Etat libre, c'est
le pouvoir militaire qui doit être le plus astreint." Voilà une phrase issue de la circulaire du 14 Frimaire an II, rédigée principalement par Louis-Antoine de Saint-Just et Maximilien de Robespierre, durant la Convention Jacobine, Montagnarde. Cela place bien l'esprit du jeune Saint-Just, surnommé l'Archange de la Révolution, ou l'Archange de la Terreur, qui appela à un contrôle civil de l'armée.
Né en 1767 dans le Nivernais (actuellement le département de la Nièvre, en grande partie), Saint-Just fut un fils de militaire. Par conséquent, il ne lui était pas impossible de devoir déménager durant son enfance et sa famille s'établit en Picardie, du côté de Blérancourt dans les années 1770. Peu avant la Révolution française, il fut envoyé à Paris en maison de correction. Durant cette période, il écrivit son recueil de poèmes Organt, considéré parfois comme une œuvre pornographique, mais aussi un livre où Saint-Just développe ses influences cyniques, voire anarchistes pour certains historiens, ainsi qu'une critique de la monarchie absolue et de l'Église, symboles d'oppression et d'aliénation du peuple. Au début de la Révolution, il rejoignit la garde nationale de Blérancourt, embrassant une voie militaire, par respect envers la figure tutélaire de son père, mort en 1776. Mais, en étant en contact avec la population pauvre, il forgea ainsi son destin vers la politique, cherchant à se faire élire député de l'Aisne dans l'Assemblée législative en 1791 du côté de la gauche (proximité avec les Jacobins de Robespierre). Il en fut interdit en raison de son âge. Mais ce ne fut que partie remise. Suite aux événements du 10 août 1792, la Convention décida de l'élection au suffrage universel en septembre, et Saint-Just fut cette fois-ci élu, toujours dans l'Aisne, siégeant avec les Montagnards, aux côtés de Robespierre, Georges Danton ou encore Jean-Paul Marat.
Voilà l'acte de naissance politique de Saint-Just. À 25 ans, benjamin de la Convention, il réalisa un premier coup d'éclat, qui se transforma en coup de maître. En novembre 1792, le sort de Louis XVI, emprisonné au Temple depuis le 10 août, n'était pas réglé. Saint-Just en profita pour indiquer son point de vue à travers plusieurs phrases telles: "on ne peut point régner innocemment." Ou encore "tout roi est un rebelle ou un usurpateur." Ses interventions influencèrent ainsi les conventionnels vers la mise à mort du roi déchu. Ce qui fut le cas, le 21 janvier 1793, après plus d'un mois de procès. Dès lors, Saint-Just devint l'un des députés les plus importants parmi les Jacobins mais surtout à la Convention, avec une fibre plus sociale et militaire que ne pouvait savoir Robespierre, se rapprochant de son cadet. Il prit part pour la Montagne contre la Gironde lors des journées de mai-juin 1793, après avoir été envoyé une première fois en mission, pour faire appliquer la levée de 300 000 hommes, et il fut, avec Marie-Jean Hérault de Séchelles, un des principaux rédacteurs de la Constitution de 1793 (ou Constitution de l'an I). Cette Constitution fut précédée de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793. À ce propos, cette Déclaration n'est jamais (ou très peu) citée par les historiens bien-pensants ou les politiciens actuels, y compris à gauche (si on considère le parti socialiste comme un parti de "gauche" et à ce moment-là, il faudrait parler de fossoyeur de la gauche), car cette déclaration reconnait des droits sociaux, exalte moins la propriété, appelle à la résistance face à l'oppression... bref, elle est plus égalitaire que celle de 1789. Et l'égalité, bien qu'elle soit inscrite dans la devise de la République, est elle bafouée en permanence, soit dit en passant. Mais malheureusement, la Terreur obligea à ranger la Constitution de l'an I dans une arche de cèdre, pour ne plus en sortir, ses auteurs étant passés sous "le rasoir national"
Avec son éloquence, Saint-Just devint un véritable homme d'État en étant membre entier du Comité de Salut Public en juillet 1793. Il se chargea de la guerre, et sera ainsi plusieurs fois envoyé en mission auprès des armées. La situation à l'époque était tragique. Les frontières menacées, la Vendée soulevée, les "fédéralistes" (suite des Girondins) semant des troubles dans 60 des 83 départements de la France d'alors, plus les désertions de généraux et d'amiraux. D'où une intervention de la Convention et du Comité sur les armées avec les représentants en mission et les agents nationaux, ancêtres républicains des préfets bonapartistes. Mais aussi la "mise à l'ordre du jour" de la Terreur, qui fut attribuée, à tort, au seul Comité de Salut Public, et plus précisément, aux Jacobins Robespierre, Saint-Just et Couthon. À la fin de l'année 1793, Saint-Just fut envoyé en mission, avec son ami député Philippe Le Bas, auprès de l'armée du Rhin, commandée par le général Jean-Charles Pichegru, chargée de refluer les austro-prussiens sur le fleuve, en délivrant notamment la ville de Landau, assiégée. Le leitmotiv du député fut: "Landau ou la mort". Il sut instaurer la discipline, influer un esprit républicain de fraternité et d'égalité entre soldats et officiers, obligeant notamment les généraux à défiler en queue de parade, après les soldats et les officiers. L'historien Jules Michelet dit de Saint-Just: "il fut le seul à faire trembler l'épée devant la Loi". En outre, la tactique de Saint-Just et Le Bas fut l'attaque surprise, avec l'utilisation de la cavalerie, contrairement à celle d'un Lazare Carnot, préférant un front large et le combat au corps-à-corps, quitte à perdre du monde. N'empêche, malgré les mésententes avec Lazare Hoche, commandant de l'armée de Moselle, et des représentants en mission de cette armée-là, Marc-Antoine Baudot et Élie Lacoste, les victoires s'enchaînaient, avec notamment Wissembourg et Landau fut délivrée. Néanmoins, et c'est grâce au premier lien situé à la suite de cet article (et j'espère que vous le lirez car ça vaut son pesant d'or, chers lecteurs), Hoche, nommé général en chef du front uni de Rhin et Moselle, qui avait précédemment perdu à Kaiserslautern, avait failli être envoyé à la guillotine par Carnot mais il fut sauvé par... Saint-Just et Le Bas.
1794 commença bien pour Saint-Just. Il fut élu par ses collègues président de la Convention. Mais tout se gâta vite avec la lutte des factions, où il prit une grande part dans l'élimination des Enragés d'Hébert, ainsi que l'envoi à la guillotine des partisans de Georges Danton, même si sur ce dernier cas, il était intimement convaincu de la duplicité de ce corrompu notoire, que les historiens bien-pensants glorifient massivement. Dans ces deux événements, deux personnages ont un rôle trouble. Robespierre et Carnot. Robespierre sur Hébert, pour contrôler les sans-culottes et les faire rentrer dans le club des Jacobins, le faisant ainsi monter en puissance. Et Carnot, pour continuer la guerre, contrairement à Danton qui voulait un arrêt des combats, mais à sa façon. Une guerre de rapines! Il dit d'ailleurs à Pichegru quand celui-ci commanda l'armée du Nord, se battant dans l'actuelle Belgique: "Prenez tout! Il faut vider le pays!" Et en profita pour prendre sa revanche sur Hoche et Saint-Just envoyant en prison le général Hoche, soupçonné de trahison par une ancienne appartenance aux Cordeliers de Danton. Bref, la Grande Terreur pouvait déployer ses ailes. Saint-Just, une fois son mandat de président de la Convention terminé, repartit en mission, du côté de l'armée du Nord, de la future armée de Sambre-et-Meuse, avec Le Bas, pour surveiller le général Jean-Baptiste Jourdan. L'esprit de fraternité et d'égalité, exprimé par Saint-Just fin 1793 sur le front rhénan, y fut encore affirmé, auprès des généraux, qui furent estimés comme des égaux, avec qui il fallut prendre des décisions collégiales. Carnot, ne supportant pas Saint-Just, envoya un courrier, ne devant pas être lu de Saint-Just, exigeant que l'armée de Jourdan dût avoir 18 000 hommes de moins, allant servir à l'est. Par bonheur, Saint-Just intercepta ce pli car dans le cas contraire, la bataille de Fleurus du 26 juin 1794 (8 messidor an II) aurait été une grave défaite remettant en cause les succès des derniers mois.
N'empêche, dès l'annonce de la victoire de Fleurus, les tensions s’exacerbèrent dans la Convention et Saint-Just, rentré en toute hâte, demeura silencieux, préparant un rapport qu'il comptait déclarer au Comité de Salut Public puis à la Convention, le 27 juillet 1794 (9 thermidor). Un discours qui se voulut rassembleur mais aussi porteur d'une optique sociale, chère au député de désormais 27 ans. Mais la veille, Robespierre, revenant après une absence d'un mois suite à sa tuberculose, prononça un discours qui appela à un changement radical du Comité, à un envoi de traîtres à la guillotine, digne d'un suicide politique. Seulement ce suicide politique de Robespierre entraîna la chute de Saint-Just car pour certains historiens, il paraissait évident que l'ère de Saint-Just arriva. Toujours est-il que le 9 thermidor, il ne remit pas son rapport au Comité, comme il l'avait annoncé au préalable, mais il le déclara à la Convention. Néanmoins, il n'alla pas au bout, Tallien, un des comploteurs de ce coup d'État, lui coupa la parole et l'archange de la Révolution décida de se fermer dans le mutisme le plus absolu et un député, Louchet, intervint pour réclamer l'arrestation de Robespierre, de Couthon et de Saint-Just. Elle eut lieu dans l'après-midi, mais les accusés furent libérés et emmenés à l'Hôtel de ville, avec des membres des différentes sections de la Commune de Paris venus soutenir les partisans de Robespierre. Dans la nuit, les troupes de la Convention, sous le commandement de Paul Barras, qui fut en mission fin 1793 du côté de Toulon, et eut un rôle prépondérant dans la carrière de Napoléon Bonaparte soit dit en passant, arrêtèrent les leaders Jacobins et le lendemain, 10 thermidor an II (28 juillet 1794), Robespierre, Couthon, Saint-Just, François Hanriot, commandant de la garde nationale, et d'autres Jacobins furent guillotinés sur l'actuelle place de la Concorde (anciennement place Louis XV puis place de la Révolution).
Ainsi se termine une jeune vie qui prit part dans le tourbillon révolutionnaire, qui allait revenir dans le sens bourgeois, après la parenthèse populaire, prolétaire de 1792 au 9 thermidor, puisque François-Antoine de Boissy d'Anglas put dire après ces exécutions et la mise en place d'une nouvelle Constitution, celle de l'an III, ramenant le suffrage censitaire (seuls les riches votent): "un pays gouverné par les propriétaires est dans l'ordre social".
Si vous pouvez, chers lecteurs, retenir 2-3 choses au sujet de Saint-Just, ce seront celles-ci: à l'instar d'un Robespierre, l'Archange de la Révolution fut loin d'être un monstre assoiffé de sang, appelant à la terreur à outrance (et pourtant, le film La Révolution française et sa seconde partie, intitulée "les années terribles", colporte cette image de Saint-Just. Mais vu que l'historien bien-pensant Jean Tulard était parmi les scénaristes, c'est assez logique); Saint-Just avait de l'avance sur son temps, était un visionnaire car il se faisait promoteur d'une politique sociale, avec la Constitution de l'an I et la déclaration des droits de l'homme de 1793 qui ne fut reprise... qu'un siècle et demi plus tard, avec le Conseil national de la résistance et la création de la Sécurité sociale; ce fut l'Archange de la Révolution, et non Carnot, qui fut l'Organisateur de la victoire, avec la républicanisation de l'armée, la collégialité avec les généraux, le resserrage des liens avec les citoyens-soldats, l'application de la levée en masse, l'exemplarité du représentant en mission (Saint-Just se posta souvent en première ligne, donc exposé sous le feu ennemi). Pour apporter une preuve (indirecte) de mon propos sur Carnot, si c'était bien lui l'Organisateur de la victoire, comme les thermidoriens nous le racontent depuis 220 ans, alors Napoléon Bonaparte, au moment des Cent-jours, l'aurait nommé ministre de la guerre, au lieu du maréchal Louis-Nicolas Davout, l'invaincu de la période. Or, l'empereur connaissait bien Carnot depuis l'époque de la Terreur, et était donc témoin direct de son incompétence. Par conséquent, il nomma Carnot à l'Intérieur.
Pour finir, voici une phrase de Saint-Just dite à la Convention en mars 1794: "le bonheur est une idée neuve en Europe." En effet, le bonheur reste encore à trouver car il n'a toujours pas été expérimenté, et pas seulement qu'en Europe, mais dans le monde entier.
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Louis Antoine de Saint-Just - Wikipédia
Louis Antoine Léon de Saint-Just, né le à Decize ( Nivernais), mort guillotiné le 10 thermidor an II () à Paris, est un homme politique français de la Révolution française, un des plus jeun...
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