La cérémonie du 14 juillet, la 3ème sous le mandat du président François Hollande, met traditionnellement en avant l'armée. Une institution tantôt respectée, tantôt détestée par les socialistes à travers les évolutions de l'Histoire au cours des siècles passés.
Le président de la République semble s'y plaire avec la parade militaire du 14 juillet. Et ce, d'autant plus que contrairement aux années précédentes, l'armée se voit être renforcée en termes d'effectifs et de budget, en raison notamment des événements du début d'année, autour du journal Charlie Hebdo ou de l'épicerie casher, à Paris, ou des différentes interventions de l'armée française à l'étranger. Pourtant, c'est un numéro d'équilibriste de la part du président "socialiste".
Pacifisme, antimilitarisme
Il faut dire qu'historiquement, le mouvement socialiste, dont Mr Hollande est (censé) être membre, alors qu'il n'en est rien, a été marqué par le pacifisme et l'antimilitarisme. La figure de Jean Jaurès y est pour beaucoup car le député de Carmaux n'avait pas cessé de militer contre ce qui fut la guerre de 14-18, et paya de sa vie son pacifisme du revolver de Raoul Villain, le 31 juillet 1914. En outre, on peut facilement constater que la plupart des personnes mobilisées dans ce conflit (comme d'autres auparavant et ensuite), furent des jeunes issus du prolétariat et de la paysannerie, allant se faire tuer pour le compte de vieux membres de la bourgeoisie, bien que leurs rejetons, plus des artistes ou intellectuels (Guillaume Apollinaire, Alain, Charles Péguy, etc.) furent également mobilisés, mais avec un grade supérieur. Sans oublier les troupes coloniales - tirailleurs sénégalais par exemple - envoyées dans cette boucherie et bien moins ancrées dans la mémoire collective.
L'antimilitarisme était encore plus profond dans la Section française de l'Internationale Ouvrière (SFIO). En particulier autour de Jules Guesde, de Paul Lafargue ou d'Édouard Vaillant, qui furent témoins de la fureur des soldats "Versaillais" face aux "Fédérés", durant la Commune de Paris, en particulier lors de la Semaine Sanglante (21-28 mai 1871). D'ailleurs, ce souvenir hanta ces esprits au moment de l'affaire Dreyfus. Guesde n'était pas motivé à ce que les socialistes soutinrent le capitaine Alfred Dreyfus, tandis que Jaurès voulait que tous les socialistes fussent officiellement des dreyfusards. Bref, la position critique des socialistes envers l'armée repose sur l'idée (pas fausse) que cette institution est un instrument de la lutte des classes, servant la classe dominante pour tenir en respect la classe exploitée. L'antimilitarisme des socialistes d'alors s'accouplait avec un anticolonialisme véhément, car ils estimaient - à juste titre - que l'expansion coloniale servait de débouché pour les capitalistes, avec des dépenses publiques (expéditions coloniales, construction de routes, de bâtiments, etc.), pour des bénéfices privés, dans différentes régions du globe. Le plus antimilitariste à l'époque fut Gustave Hervé, mais au moment de la guerre, il fit (comme d'autres), un virage à 180°.
"La guerre est mère de révolution"
Pourtant, un état d'esprit militariste s'est exprimé à la suite de l'assassinat de Jaurès, les socialistes français jouant le jeu de "l'Union sacrée" face à l'Allemagne, vu qu'en face, leurs camarades allemands, malgré les divisions internes (Friedrich Ebert vs Rosa Luxemburg), donnèrent leur accord pour les crédits de guerre. Mais ce ne fut pas non plus sans arrière-pensée. Jules Guesde, qui fit partie des gouvernements d'Union sacrée, a une phrase limpide: "La guerre est mère de révolution".
Pourquoi? Car Guesde, comme d'autres de la SFIO, avaient en mémoire 1793 et la république Montagnarde, autour de Maximilien Robespierre ou Louis-Antoine de Saint-Just, qui prit le pouvoir lors des journées de mai-juin 1793 contre les Girondins (Jacques Brissot, Pierre Vergniaud, Jean-Marie Roland, etc.), au moment où la 1ère Coalition contre la France républicaine gagnait contre les troupes françaises (défaite de Neerwinden plus trahison de Charles-François Dumouriez) et menaçait d'envahir le territoire, avec en outre le soulèvement de la Vendée et de la Bretagne (chouannerie). Et cette république Montagnarde, durant la Terreur, fit adopter des lois en faveur des pauvres contre les riches. Cette pensée n'était pas propre à Guesde et aux socialistes français. Les bolcheviks étaient également inspirés de 1793 au moment de faire leur révolution en octobre 1917, autour de Lénine ou de Léon Trotski.
Revirement (néo)colonialiste
De même que les socialistes (SFIO puis PS) adoptèrent avec le temps un positionnement militariste, accéléré depuis la scission du Congrès de Tours (1920) et la naissance du Parti communiste français (PCF), le revirement colonialiste s'opéra également. Le plus célèbre exemple reste le gouvernement de Guy Mollet (1956-1957) qui, non seulement, intensifia la guerre d'Algérie en doublant le contingent et en donnant des pouvoirs spéciaux à l'armée pour en terminer avec le conflit, en faveur de la France, mais il prit part à une campagne avec le Royaume-Uni et Israël contre l'Égypte, suite à la nationalisation du canal de Suez par le président égyptien Gamal Nasser.
Ce comportement mit à mal la SFIO, qui se transforma en PS en 1971 avec François Mitterrand et qui dut se radicaliser pour dépasser le PCF, alors mené par Georges Marchais. Une fois au pouvoir (1981), Mitterrand suivi une politique extérieure semblable à celle de ses prédécesseurs (Charles De Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing), en particulier celle de la "Françafrique". Maintenir les intérêts économiques, politiques et militaires de la France sur le continent africain, notamment dans les anciennes colonies. D'où des implantations fortes d'entreprises françaises en Afrique qui ne sont pas sans provoquer des scandales (affaire Elf), ou des interventions polémiques (Rwanda). Depuis le début de la présidence de Mr Hollande, des interventions directes se font (Mali, Centrafrique), sans grande protestation (hormis celle du Front de gauche, isolé) et surtout une censure discrète est appliquée au sujet de la politique africaine de la France car ce serait admettre combien le PS fait comme la droite, à savoir, une politique néo-coloniale qui fait détester la France sur le continent, en particulier en Afrique francophone. Un rapport parlementaire indique que "le ministre de la Défense [Jean-Yves Le Drian] est le ministre de l'Afrique".
En bref, même si c'est loin d'être exhaustif, on peut noter combien sur la question de l'armée, de la guerre, du colonialisme, comme pour d'autres sujets, le mouvement socialiste, ou social-libéral actuellement, a fortement évolué dans le temps, jusqu'à être en contradiction aujourd'hui avec son passé.
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