De la capacité à pouvoir mobiliser son camp permettra de savoir si les partisans d'Emmanuel Macron auront une nouvelle majorité. Ou bien si la coalition de gauche parviendra à convaincre les abstentionnistes, premier bloc politique en France, de formuler une cohabitation.
À l'approche du second tour des élections législatives, dimanche 19 juin, l'incertitude règne. Suite au premier tour, la coalition de la majorité présidentielle, nommée Ensemble, et la coalition de gauche, nommée Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), sont au coude-à-coude en matière de suffrages exprimés, sur fond d'abstention record (52,49%). Mais les projections de sièges font privilégier deux scénarios, où le camp d'Emmanuel Macron sortirait vainqueur des législatives. Le premier est celui d'une majorité absolue, comme en 2017. Mais elle serait réduite d'une cinquantaine de sièges, au point que ce serait une courte majorité (295-300 sièges maximum sur 577). Le second scénario est celui où Ensemble disposerait d'une majorité relative (inférieure à 289 sièges), se retrouvant ainsi contrainte à négocier avec la droite classique (Les Républicains) pour élargir sa marge de manœuvre, au prix de certaines concessions.
Tout sauf Mélenchon ou Macron?
Derrière ces scénarios, évoqués ci-haut, on peut retrouver ce genre de chose pour la coalition Nupes, mais sous conditions de mobilisation électorale où j'y reviendrai plus tard. Pour le moment, comme il y a des duels Ensemble/Nupes sur plus de 270 circonscriptions, soit près de la moitié de l'ensemble des 577 circos électorales. Ensuite, des duels Ensemble/Rassemblement national, des duels Nupes/RN, puis des duels LR/Nupes ou LR/Ensemble pour finir, nonobstant des triangulaires (Ensemble/Nupes/RN), notamment dans le Lot-et-Garonne ou le Tarn (cf lien n°1).
De quoi utiliser l'argument du barrage, du "front républicain". Mais contrairement à l'élection présidentielle, ce front dit républicain est à géométrie variable pour la majorité présidentielle. En l'occurrence, plusieurs candidats macronistes, en ballotage défavorables ou déjà battus au premier tour, tels Roxana Maracineanu, Amélie de Montcharlin ou Jean-Michel Blanquer, n'ont pas hésité à, soit renvoyer dos-à-dos RN et Nupes en les classant comme des forces politiques "anti-républicaines", "communautaristes", "anarchistes", même "antisémites", soit à appeler à un barrage contre un(e) candidat(e) de la coalition Nupes. Ce qui, dans le registre "il ne faut jamais prendre les gens pour des cons mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont", est très gratiné, en mode "tout sauf Mélenchon". Et ce, d'autant plus que les électeurs LR ayant vu leurs candidats éliminés au premier tour peuvent consister une réserve de voix très utile pour le camp d'Emmanuel Macron.
Mais du côté de la coalition de gauche, un axe "tout sauf Macron" se dessine, notamment pour convaincre les électeurs ayant voté RN de se tourner vers eux, au nom d'intérêts de classe en tant que prolétaires, et de prouver que le slogan "fâchés mais pas fachos" a de la consistance politique.
Mais pour Jean-Luc Mélenchon, la réserve de voix la plus importante, potentiellement parlant, se situe chez les abstentionnistes et plus précisément chez les plus jeunes et les prolétaires (ouvriers+employés). 70% des 18-34 ans se sont abstenus au premier tour. Or, parmi les rares votants dans cette classe d'âge, plus de 40% d'entre eux ont voté pour la coalition Nupes au premier tour. Quand aux prolétaires, près de 60% se sont abstenus au premier tour et là encore, le choix pour la Nupes a été important (cf lien n°2). C'est dire combien pour la coalition de gauche, menée par la France insoumise, il est absolument nécessaire de convaincre ces électeurs-là de voter pour eux, et d'ainsi gagner les législatives, avec même la perspective d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. En évitant de faire culpabiliser ces abstentionnistes, par ailleurs. Mais Mélenchon, comme d'autres, se laissent facilement tenter par ce biais.
En tout cas, c'est là que la stratégie opérée par Mélenchon et ses partisans depuis l'entre-deux-tours de la présidentielle, consistant à dire "élisez-moi Premier ministre", mérite d'être questionnée. Si elle a la vertu de rendre les législatives plus indécises, avec un scénario de victoire à la Pyrrhus pour le camp Macron dans le pire des cas, elle a le vice de mettre plus la focale sur Mélenchon et sa personnalité haute en couleur que sur le programme de la coalition, caricaturé à l'extrême par le clan macroniste qui propose une cure d'austérité de 80 milliards d'euros, la retraite à 65 ans ou encore 15 à 20h de travail par semaine pour les allocataires du Revenu de solidarité active, quand la Nupes propose un ensemble de mesures telles le Smic à 1.500 euros net, la retraite à 60 ans, la limitation de l'écart salarial de 1 à 20, la planification écologique, etc. représentant 250 milliards de dépenses pour 267 milliards de recettes. Soit un plan de relance assez keynésien, social-démocrate au fond. En tout cas, si ce n'est pas une rupture fondamentale avec le capitalisme, c'est une rupture avec la forme néolibérale du capitalisme (cf lien n°3).
Enfin, la coalition Nupes doit convaincre sur son ambition de démocratisation de la vie publique, avec le Référendum d'initiative citoyenne, tant revendiqué depuis les Gilets jaunes, puis des réformes institutionnelles avec la proportionnelle pour les législatives - dans quelle mesure? -, ou en vérité le passage à une VIe République, que Mélenchon et ses partisans défendent depuis plusieurs années, tant cette Ve République, en place depuis 1958, est à envoyer à la retraite.
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