Dans une soirée organisée par le journal Fakir, un des initiateurs du mouvement Nuit Debout, la question d'une nouvelle étape dans la mobilisation contre le projet de loi travail et de l'idéologie dominante a du mal à émerger, tant dans des actions concrètes que dans la réflexion alternative, malgré l'énergie des participants.
Depuis trois semaines, le mouvement Nuit debout se tient place de la République, à Paris, et s'est étendu sur le reste de l'Hexagone ainsi que dans certains pays voisins (Belgique, Espagne, Allemagne). L'heure semble donc sonnée pour tirer un premier bilan et établir de nouvelles perspectives, selon le journal Fakir et son rédacteur en chef, François Ruffin, un des initiateurs. Une conférence a été faite à la bourse du travail, à Paris, mercredi 20 avril (cf lien n°1). Devant le succès de Nuit debout, la salle a été vite prise d'assaut par les spectateurs, frustrant ainsi beaucoup d'autres qui souhaitaient voir de leurs propres yeux ce qui allait se passer. C'est un peu la rançon de la gloire, dirons-nous! Mais à l'avenir, ça peut laisser entendre que des salles plus importantes soient réservées.
Atmosphère houleuse
Pour tout dire, chers lecteurs, je n'ai pas pu être à l'intérieur et en outre, les services de sécurité de la bourse du travail fermèrent la porte à clef le temps de la réunion (3h). Du coup, pas d'autre choix que de suivre via une retransmission audio sur la place de la République, comme beaucoup d'autres curieux d'ailleurs. Néanmoins, à défaut de voir ce qui se passait, le son retranscrivait une atmosphère particulièrement houleuse, tendue, dans la salle. Des huées, des interruptions à tout bout de champ, voire des micros arrachés à certains orateurs, notamment quand ce furent des citoyens "lambda" qui intervinrent à la tribune. Le tout, dans une répartition du temps très inégalitaire. Pour trois heures de réunion, deux ont servi pour des personnalités telles M. Ruffin, le journaliste Renaud Lambert (Le Monde Diplomatique), le militant Almamy Kanouté, l'économiste Frédéric Lordon ou des syndicalistes SUD et CGT. Puis une dernière heure consacrée aux interventions des citoyens ayant pu entrer à l'intérieur.
Il faut dire que ces derniers jours, Nuit debout jouit d'une moindre clémence de la part des mass media. Jusqu'au samedi 16 avril, il y avait une certaine complaisance, teintée d'une légère moquerie envers un rassemblement d'utopistes qui ne formuleraient pas de propositions concrètes et qui se rassembleraient pour faire la fête ou fumer. Mais avec la polémique sur le renvoi du "philosophe" (entre guillemets) Alain Finkielkraut par des membres du mouvement, dans la nuit du 16 au 17 avril, les crocs sont montrés par "l'éditocratie", selon M. Lordon, diabolisant Nuit debout comme un lieu rempli de "rouges-bruns". Ce qui a le don de remettre les choses en place et de montrer combien Nuit debout commence à inquiéter la classe dominante, pouvant le faire savoir par les médias qu'elle contrôle. L'exemple de Libération peut venir à l'esprit car Laurent Joffrin, directeur de la publication, s'est fendu d'écrire un édito à boulets rouges contre Nuit debout, en raison de l'accroc avec M. Finkielkraut.
Empêcher d'abord le projet El Khromi
L'un des axes développés dans la conférence a été de recentrer l'action sur le projet de loi travail, car c'est cette réforme qui a servi de point de départ aux manifestations depuis le 9 mars et à l'établissement de Nuit debout depuis le 31 mars, après une manifestation contre le projet de loi El Khomri - du nom de la ministre du Travail, Myriam El Khomri -. Et certains militants écoutant la retranscription audio se demandaient quelles actions seront menées dans les prochains jours. Il en est ressorti des idées d'occupation de lieux tels le ministère du Travail ou le siège du Medef (syndicat patronal), d'appel à une résolution de la CGT à préparer des grèves reconductibles partout, pour ne pas dire appel à la grève générale (mythe de Mai 68 oblige), ou encore d'un meeting commun entre Nuit debout et les syndicats, en particulier les directions confédérales, le 1er mai.
Bref, des possibilités que certains jugent médiocres. Surtout au sujet de la CGT car selon eux, ceux qui proposent un appel à ce syndicat semblent ignorer comment il marche. La CGT est vue comme un syndicat ne voulant pas forcément négocier, comme la CFDT, ni couper les ponts avec le gouvernement. Donc, un syndicat "ni jaune, ni rouge", ayant le c** entre deux chaises. Puis, le congrès de la CGT, actuellement à Marseille, ne pose pas comme problématique centrale la grève reconductible sur la question des moyens de lutter contre le projet de loi travail.
Convergence ou entre-soi?
Dans ce bordel gênant pour certains membres du public présent dans la salle, la question de la convergence des luttes est réduite au plus petit dénominateur commun, à savoir l'opposition au projet de loi travail. C'est dire si des pas doivent se faire! Dans l'esprit de plusieurs initiateurs de Nuit debout, il était question que la convergence des luttes soit un objectif, pour que plusieurs groupes éparpillés dans leurs soucis (travailleurs, chômeurs, lycéens, étudiants, "blancs", "non-blancs", etc.), ne fassent qu'un fasse à un pouvoir qui sert les intérêts de la classe dominante, qui est l'ennemi commun (cf lien n°2).
Cela implique entre autres des questions économiques telles la réappropriation de l'économie, tant au niveau de la pensée que de la gouvernance en entreprise (autogestion), mais aussi sur la politique internationale - où est l'internationalisme prolétarien? -. Bref, un positionnement politique affirmé. Cela progresse mais très lentement. Or comme Nuit debout se veut être le plus large possible, la crainte d'un entre-soi, qui ne serait pas celui véhiculé par les mass media depuis la polémique sur Finkielkraut, où les "non-blancs" seraient une portion congrue (cf lien n°3). C'est là que ce se trouve la principale limite de Nuit debout, depuis le premier jour, même si elle semble partie pour se réduire avec le temps.
Enfin, nombre de sympathisants de Nuit debout craignent une récupération politicienne. En particulier de la part du Front de gauche, et plus précisément du Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, dont la candidature à l'élection présidentielle de 2017 est connue depuis le mois de février 2016.
P.S: voici une vidéo de la conférence prise à l'intérieur. Les images, comme le son, sont d'une qualité moyenne mais ça donne un bon aperçu de la tournure des événements.
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