Une étude menée par la fondation Jean Jaurès et l'organisme Conspiracy Watch sur le complotisme, les théories du complot, montre qu'une minorité de Français interrogés ne croit en aucune théorie du complot et d'un autre côté, la sensibilité à des thèses complotistes est plus forte chez les plus jeunes que chez leurs aînés. Cette enquête montre également la méfiance envers les médias, notamment par rapport aux sensibilités politiques.
S'il fallait résumer, de manière simpliste, l'étude de la fondation Jean Jaurès et de l'organisme Conspiracy Watch sur le complotisme en France, ce serait que les Français adhèreraient à au moins une théorie du complot. En effet, selon cette étude, inédite sur le sujet, seuls 21% des personnes interrogées affirment ne pas adhérer à une ou plusieurs théories du complot. Donc 79% croient à au moins une théorie. Mais dans le détail, ça reste disparate car 18% des personnes interrogées croient à une théorie du complot, 14% à deux théories, 13% à trois théories, 9% à quatre théories, 12% à 5 ou 6 théories, et enfin 13% à sept théories et plus. Autant, il n'y a pas tellement d'écart au niveau des classes d'âge - proportion équivalente entre jeunes et aînés ne croyant pas à des théories du complot par exemple -, autant il existe des différences par sensibilité politique. Des personnes sensibles au Front national (FN) croient davantage à au moins une théorie du complot (90%) que des Français proches des Républicains (73%), de la République en Marche (68%), du Parti socialiste (77%) ou de la France insoumise (80%).
Jeunes plus sensibles
Ce qui ressort généralement de cette enquête auprès des médias qui en parlent, c'est que les moins de 35 ans sont généralement plus sensibles aux théories du complot que les 35 ans et plus. Parmi les exemples de théories du complot que la fondation Jean Jaurès, proche du PS, et Conspiracy Watch citent, figurent le rôle de la CIA dans l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy, le Nouvel ordre mondial, les liens entre le ministère de la santé et l'industrie pharmaceutique, le virus du SIDA, le rôle des sociétés secrètes dans la révolution française de 1789 et la révolution russe de 1917, etc. Selon l'enquête, tous ces exemples voient les plus jeunes être plus enclins à défendre ces théories que les plus âgés, même dans la plupart de ces théories, l'adhésion est dans l'ensemble minoritaire. Et ce, d'autant plus que peu de personnes interrogées ont entendu parler de ces théories selon l'enquête. Ce qui relativise bien des choses.
Il y a cependant une exception, c'est au sujet de l'assassinat de Kennedy en 1963. Et là, ce sont les plus âgés qui croient davantage à la thèse d'un rôle de la CIA dans cet assassinat que leurs cadets (58% des 35 ans et plus vs 43% des moins de 35 ans). Qu'est-ce qui peut expliquer cela? Est-ce parce que les aînés, notamment les 50 ans et plus, ont vécu de près cet événement? Ça semble être l'hypothèse la plus plausible mais l'enquête ne fournit pas de certitude sur ce point.
Méfiance envers les médias
L'un des aspects les plus intéressants, à mes yeux, de cette enquête, est la perception qu'ont les Français interrogés sur les médias. Et là, c'est quand même une claque qui est envoyée. Seulement un quart estime que les médias "restituent correctement l'information et sont capables de se corriger quand ils ont commis une erreur". Les trois quarts restants se partagent entre ceux qui pensent que les médias "travaillant dans l'urgence, ils restituent l'information de manière déformée et parfois fausse" (30%), ceux qui estiment que ces médias "étant largement soumis aux pressions du pouvoir politique et de l'argent, leur marge de manœuvre est limitée et ils ne peuvent pas traiter comme ils voudraient certains sujets" (26%) puis ceux qui jugent que "leur rôle est essentiellement de relayer une propagande mensongère nécessaire à la perpétuation du système" (9%). S'il n'y a pas tellement de différence au niveau générationnel, c'est au niveau de la sensibilité politique que les écarts se font. À droite, on croit peu que les médias travaillent correctement (19% chez les sympathisants LR interrogés, 22% chez les personnes proches du FN). Mais également à gauche, avec seulement 10% des sympathisants d'Europe écologie-les Verts (EELV) ou encore 15% du côté de la FI. Pour le PS et la REM, ça accorde relativement davantage confiance aux médias (respectivement 34% et 41%).
Les facteurs explicatifs sont multiples. À droite et à l'extrême-droite, ça garde en mémoire le traitement médiatique de leurs candidats respectifs (François Fillon; Marine Le Pen) durant l'élection présidentielle, qui insistait sur les affaires les concernant et les sympathisants interrogés n'avaient pas apprécié ce moment. De même que l'autre côté, le traitement réservé à Jean-Luc Mélenchon, candidat des Insoumis, sur les dernières semaines de l'élection. D'ailleurs, ces derniers temps, le député des Bouches-du-Rhône appelle à la création d'un conseil de déontologie du journalisme vu l'attitude de certains journalistes du service public à son encontre, lors de son passage à "l'Émission politique" sur France 2. Une pétition en ligne est en cours, rassemblant plus de 174.000 signataires à l'heure actuelle.
Enfin, ça confirme que cette méfiance envers les médias est de plus en plus ancrée dans les esprits. En effet, des enquêtes de l'institut Ipsos, notamment celle de 2014, indiquent qu'une grande majorité des personnes que cet institut interrogeait estiment que les journalistes sont "coupés des réalités" et qu'ils ne sont "pas indépendants" face aux pressions du pouvoir politique. Et vu le phénomène de concentration médiatique observé ces dernières années et les difficultés d'une presse à avoir des finances équilibrées, une diversité sociale, pigmentaire, géographique, il y a de quoi être inquiet pour la suite. Notamment avec Emmanuel Macron, qui lors de ses vœux à la presse, propose une loi sur les "fake news" aux contours pour l'instant peu clairs.
Il va falloir rester vigilant!