L'atmosphère lourde de la fin de l'Empire mena à la vengeance des royalistes contre tous ceux qui suivaient les idées révolutionnaires ou avaient rallié Napoléon Ier au moment des Cent-Jours, en pleine occupation du territoire français par les coalisés.
Il est de bon ton de la part des historiens bien-pensants de se défouler sur la Terreur "rouge", appliquée par la Convention en 1793-1794, quand la France républicaine d'alors était menacée d'invasion. Mais ça oublie quand même d'évoquer la "Terreur blanche" d'il y a pile 200 ans, dans une France battue et bientôt humiliée diplomatiquement. Il est temps de rappeler certains faits de cette triste époque.
Une Terreur royaliste...
La Terreur de 1815 dura jusqu'à la fin de l'année, avec notamment le maréchal Michel Ney qui fut fusillé, mais elle eut son pic durant l'été 1815, peu après la défaite des troupes impériales à Waterloo, où Ney (ainsi qu'Emmanuel de Grouchy) en seraient tenus pour responsables, afin de dédouaner Napoléon aux yeux des historiens bien-pensants. Les premières victimes de la Terreur royaliste furent les mamelouks de la garde impériale à Marseille - preuve que les royalistes sont racistes et/ou xénophobes - , fin juin 1815. Ces dits mamelouks étant ramenés par Napoleone Buonaparte quand il avait déserté l'expédition d'Égypte, dont il était le général en chef, en août 1799.
Les royalistes qui s'activaient dans cette tâche vengeresse étaient surnommés les "verdets", ceux qui étaient proches du Comte d'Artois (futur Charles X), frère de Louis XVI et de Louis XVIII. Et durant l'été 1815, ils n'hésitèrent pas à massacrer tout ancien républicain ou bonapartiste. Le plus triste exemple fut celui du maréchal Guillaume Brune. Ce maréchal, ancien général révolutionnaire, fut mis en disgrâce par Napoléon de 1807 à 1814, en raison de son républicanisme affiché, malgré ses compétences militaires. Il fallut attendre les Cent-Jours pour que Napoléon, cherchant à rallier les anciens révolutionnaires, accorda sa confiance à Brune pour commander des troupes en Provence. Le 2 août 1815, à Avignon, la foule royaliste se jeta sur le maréchal, qui s'était rendu le 31 juillet à Toulon auprès des nouveaux commandants de la région, et Brune fut froidement assassiné dans le dos, son corps étant ensuite jeté dans le Rhône. Le futur écrivain Alexandre Dumas, âgé de 13 ans, perdit ainsi son parrain, après avoir perdu son père, le général Thomas-Alexandre Dumas en 1806.
... en pleine occupation
L'autre grande distinction qu'on peut faire entre la Terreur "rouge" et la Terreur "blanche" est la suivante: la première, attribuée à tort à Maximilien Robespierre ou Louis-Antoine de Saint-Just, fut mise en place pour motiver les citoyens à sauver une patrie "en danger". La seconde, quant à elle, fut instaurée au moment de l'occupation d'une France vaincue par les coalisés (anglais, prussiens, autrichiens, russes, etc.), avec leur sourde complicité, bienheureux qu'ils furent de voir des français s’entre-tuer. Peut-être que cette Terreur blanche inspira le gouvernement de Vichy sous l'Occupation allemande (1940-1944), mais vous l'aurez compris, chers lecteurs, ce n'est que pure spéculation de ma part.
Toujours est-il que la France connut, durant cette relative guerre civile, une humiliante occupation de son territoire. Plus d'un million de soldats coalisés mobilisés sur l'ensemble de la France jusqu'en 1818. Il faudra rajouter ensuite l'humiliation diplomatique puisque le traité de Paris de novembre 1815 ramena les frontières de la France à celles de 1790, et non plus celles de 1792 comme dans le précédent traité signé en 1814, après la première abdication. C'est quelque peu mensonger car si la France devait être ramenée aux frontières de 1790, alors le Comtat Venaissin (englobant l'actuel département du Vaucluse) aurait du exister. Or, cela ne fut pas stipulé dans le traité.
La "Chambre introuvable"
Pendant que les royalistes se déchaînaient contre les républicains (notamment les jacobins) ou les bonapartistes, des élections eurent lieu au mois d'août 1815, afin de remplacer la chambre issue des Cent-Jours, composée de bonapartistes et d'anciens révolutionnaires comme Bertrand Barère. Elles aboutirent à la victoire des fameux "verdets", appelés désormais les ultraroyalistes. Ils étaient les plus ardents défenseurs de la monarchie absolue, alors que Louis XVIII, qui fut réinstallé sur le trône pour une deuxième Restauration, tenait à établir une monarchie constitutionnelle. C'est d'ailleurs le roi qui aurait trouvé l'expression "Chambre introuvable", en raison de la domination des ultras, qui voulaient effacer tout vestige de la Révolution française et de l'Empire. Pour cause, ils étaient pour la plupart des Émigrés ayant combattu leur pays de 1792 à 1815. Et c'est aussi de cette période que fut lancée l'expression "plus royaliste que le roi", symbolisant la distance qu'avait Louis XVIII envers ces députés nostalgiques de l'Ancien régime, même s'ils avaient 20 ans ou moins en 1789, et donc des connaissances très courtes de la société d'alors.
En tout cas, la majorité étant ce qu'elle était, Louis XVIII devait bien la satisfaire, avec une Terreur "légalisée" à la fin de l'été 1815, un peu comme au moment de la Libération en 1944. Bien que la Chambre introuvable fut dissoute en 1816, pour avoir une chambre plus modérée, l'aristocratie tenait sa revanche de 1789, quitte à frustrer la bourgeoisie avec le temps et la pousser dans l'opposition jusqu'à la rupture de la révolution de 1830.
L'expression de Terreur blanche a une origine qui reste très incertaine. Elle caractérise deux épisodes dans l' histoire de France : en 1795, dans le Midi, certains partisans royalistes pourchas...