Un continuum de massacres à l'Est du Congo
Face à une (relative) indifférence sur l'actualité congo-zaïroise, des membres de la diaspora congolaise vivant en France, ont tenu à marcher en mémoire des victimes des massacres autour de la ville de Beni, dans l'Est du pays, ces derniers mois.
La République Démocratique du Congo (RDC), est considéré par certains comme un "oublié" de l'actu, alors que des tragédies s'y déroulent quotidiennement depuis des années. La dernière d'entre elles, du côté de Beni, une ville du Nord-Kivu, dans l'Est du pays, où plus de 1.000 civils sont tués depuis 2014. Et en raison d'un récent massacre au début du mois de mai, des membres de la diaspora congolaise vivant en France ont décidé de manifester, samedi 28 mai. Une faible mobilisation (entre 300 et 500 personnes), là où en 2015, ce fut plus massif, à plusieurs reprises.
"Faire passer le message"
Mais comme l'indique un manifestant: "Ce qui compte, c'est de faire passer le message, peu importe le nombre." Lequel? C'est de vouloir démontrer l'incapacité du pouvoir central de Kinshasa, et notamment le président Joseph Kabila, pour garantir la paix dans toute la RDC, un territoire faisant près de cinq fois la France. Et ce, d'autant plus que 2016 correspond à une année d'élections dans l'ex-Zaïre, et que M. Kabila, au pouvoir depuis 2001, doit abandonner le pouvoir, conformément à la Constitution de 2006.
Or, beaucoup de manifestants, ainsi que plusieurs observateurs internationaux (journalistes, diplomates), s'irritent devant le mutisme du président congo-zaïrois, qui ne semble pas avoir envie de quitter le Palais de la Nation, quitte à devoir violer la Constitution. Toujours est-il qu'en 15 ans de présence au pouvoir, M. Kabila affiche un bilan contrasté. Une économie qui est repartie après une décennie perdue dans les années 1990, sous la dictature de Joseph-Désiré Mobutu, sans que ça se traduise par une amélioration totale pour tous les citoyens. Y compris pour les fonctionnaires (enseignants, policiers, militaires, médecins, etc.), qui restent très mal payés. D'où une corruption encore présente dans le pays. Des économistes mainstream pourraient dire que ce n'est pas anormal, invoquant la courbe de Kuznets, qui indique que la croissance augmente les inégalités avant de les réduire.
Une opposition hétéroclite
En raison des massacres, l'opposition congolaise entend rappeler au pouvoir son échec à vouloir pacifier le pays, ainsi que l'exigence du respect du calendrier électoral pour la présidentielle et les législatives. Il faut dire que l'opposition, pourtant hétéroclite, tend à se rassembler pour avoir un candidat commun face au pouvoir en place. Pour l'instant, c'est Moïse Katumbi qui tient la corde. L'homme d'affaires, président du club de foot du TP Mazembe (Lubumbashi), et ancien gouverneur du Katanga, avait créé la surprise en lâchant la majorité présidentielle et Kabila, dont il était un soutien politique fort dans le Sud du pays, et en rejoignant l'opposition. Ce qui n'est pas sans risque puisque ces dernières semaines, il a été inculpé pour "atteinte à la sureté de l'État", soupçonné d'avoir recruté des mercenaires états-uniens pour renverser M. Kabila et qu'il est hospitalisé en Afrique du Sud depuis.
Une violence continue
Et surtout, une continuité dans les violences du côté du Kivu, qui n'arrive pas à être pacifié depuis le génocide Rwandais de 1994. Les femmes sont devenues des cibles de choix, avec le viol utilisé comme arme de guerre dévastatrice pour les corps et les esprits. Ce qui énerve le plus, dans le cas des massacres de Beni, c'est que des crimes furent commis non loin de camps de l'armée congolaise et de la Monusco (mission de l'ONU en RDC, la plus importante au monde), qui peuvent laisser entendre de l'impuissance, voire pire, de la part de ces institutions (cf lien n°1). D'ailleurs, le film "L'homme qui répare les femmes" du Belge Thierry Michel, retraçant le combat du Docteur Denis Mukwege, de Bukavu, pour les Congo-zaïroises, démontre combien l'armée congolaise compte dans ses rangs des violeurs et que la discipline est loin d'être optimale.
En tout cas, le développement économique du Rwanda voisin, sous la présidence de Paul Kagame, laisse un goût de suspicion pour nombre d'opposants congolais, accusant volontiers le président rwandais d'enrichir son pays en pillant son voisin. Il faut dire que c'est tentant car la région du Kivu abrite de multiples ressources naturelles: du coltan, servant pour les fabrications de smartphones et d'ordinateurs, de l'or, du cuivre et récemment du pétrole, dans le parc naturel des Virunga. Un tel "scandale géologique" attire des convoitises et pousse à l'inhumanité la plus complète. Et plusieurs millions de morts - entre 6 et 12 millions, ce qui est sujet à controverses -, ainsi que plusieurs dizaines de milliers de femmes violées, en sont l'amère preuve de la dévotion humaine pour accumuler de la richesse.
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