Avec son dernier discours en tant que président des États-Unis, Barack Obama scelle une page de l'histoire des États-Unis, qui se termine sous un air bien lancinant. Une présidence qui laissera certaines traces dans l'histoire, en bien et en mal.
Tout un symbole! C'est à Chicago, dans l'Illinois où il a été sénateur dans les années 2000, que Barack Obama a prononcé son dernier discours en tant que 44e président de l'histoire des États-Unis, mardi 10 janvier. Le 20 janvier prochain, il ne sera plus "qu'un simple citoyen" à ses yeux, mais un des rares États-uniens ayant pu être locataire de la Maison-Blanche, à Washington, et le seul non-blanc qui plus est. Ce qui suscite de la curiosité pour beaucoup d'observateurs, généralement séduits par le charisme du membre du Parti démocrate.
D'une vague d'espoir...
L'élection de Barack Obama en 2008 s'est voulue être un tournant pour les États-Unis, marqués par les deux mandats de George W. Bush, qui se finissent par la faillite de Lehman Brothers, générant la plus grave crise du mode de production capitaliste depuis le "krach" de 1929. Dans un contexte de crise économique, mais aussi de mauvaise image de l'Oncle Sam depuis l'invasion de l'Irak en 2003, Obama a dû se montrer persuasif pour améliorer la situation, tant il suscitait beaucoup d'espoir dans la population états-unienne et dans le reste du monde. Sur le front économique, Obama a su répondre présent avec une croissance au-dessus de 1,5% du PIB par an depuis 2010. Ce qui l'a aidé à réduire le taux de chômage états-unien, passant sous la barre des 5% pour 2016, considérée comme le seuil du plein-emploi, selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI). Et pourtant, c'était loin d'être une évidence vu les fermetures d'usine fin 2008 (cf graphique).
Ce taux de chômage en baisse renforce l'idée d'une réforme de l'assurance sociale, afin que les plus modestes puissent se soigner à moindre frais. Mais cette réforme, appelée Obamacare, a été faite a minima vu l'opposition du Parti républicain en 2010. Par ailleurs, même si la balance commerciale reste largement déficitaire, l'administration Obama a su la faire passer de 690 milliards de dollars de déficit en 2008 à 469 milliards de dollars selon le FMI. Néanmoins, l'institution internationale note que ce déficit commercial est reparti à la hausse depuis 2013, où il était de 366 milliards de dollars. Ceci pouvant être dû à la revalorisation du dollar, notamment par rapport à l'euro.
Au niveau diplomatique, Obama s'est fait remarquer par son retrait progressif des troupes états-uniennes d'Afghanistan et d'Irak durant son premier mandat mais ce qui lui a permis sa réélection en 2012, sans doute, c'est qu'il a eu la peau d'Oussama Ben Laden. En effet, le chef d'Al-Qaïda était recherché "mort ou vif" par les autorités de Washington en raison des attentats du 11 septembre 2001, causant plus de 3.000 morts, faisant violemment rentrer le monde dans le XXIe siècle. Bush en fit une affaire personnelle mais c'est Obama qui a eu le dernier mot, en mai 2011. Mais postérité pourrait retenir trois choses de la part d'Obama en matière de politique extérieure:
- Il va rester dans l'histoire comme le président états-unien ouvrant la voie à une normalisation diplomatique avec Cuba. Une première depuis l'embargo lancé par Washington contre La Havane, dans les années 1960. Bon, il y a peu de chances que le Congrès entérine cette initiative diplomatique, mais elle a eu le mérite d'exister, non sans arrière-pensée économique, cela va de soi.
- Un accord fut trouvé sous son mandat avec l'Iran, sur la question du nucléaire, permettant à Téhéran de se libérer des sanctions économiques dont il était l'objet depuis une dizaine d'années.
- L'abstention des États-Unis sur une résolution de l'Organisation des nations unies condamnant la colonisation de la Cisjordanie par Israël, pourtant l'allié le plus précieux de Washington au Moyen-Orient. Elle montre combien les deux alliés ont une relation qui s'est tendue au fil des ans. Mais la motivation d'Obama sur ce sujet pourrait être liée à la politique intérieure, afin de couper l'herbe sous le pied à Donald Trump, son successeur à la Maison-Blanche.
... à une certaine désillusion
Mais il y a une certaine désillusion à l'égard d'Obama sous différents angles. Au niveau économique, les inégalités de revenu ont augmenté sous la période Obama, comme l'indique le coefficient de Gini qui est supérieur en 2015 à ce qu'il était en 2008, selon les données de la Réserve fédérale de Saint-Louis. Ce qui donne une explication à l'émergence du mouvement Occupy Wall Street en 2011, reprochant, entre autres, à Obama de ne pas faire une réforme fiscale de grande ampleur en raison de l'influence de Wall Street, des géants de l'informatique et les grandes fortunes, qui entendaient continuer à s'enrichir grâce au travail du prolo états-unien, entre autres, tout en jouant les fausses âmes charitables avec des associations à leur nom (Bill Gates, Mark Zuckerberg, etc.). Au niveau de la politique intérieure, c'est l'incapacité du pouvoir à légiférer sur les ventes d'armes - deuxième amendement de la Constitution oblige -, où à une meilleure formation de la police, aboutissant à une série de tueries à caractère raciste, notamment dans Dixieland (Sud des États-Unis). Ce qui a fait développer le mouvement Black lives matter face à ces crimes policiers négrophobes quasi impunis, illustrant un "racisme institutionnel" fort ancré dans les têtes dirigeantes. Et ça a pu inspirer des citoyens blancs comme Dylan Roof, massacrant des afro-descendants dans une église de Charleston (Caroline du Sud) et condamné à la peine de mort, mercredi 11 janvier; ou une réaction chez les Afro-américains comme Micah Johnson, en juillet 2016 à Dallas, tuant des policiers blancs. L'ironie de l'histoire veut que les mandats d'Obama se soient déroulés durant le 150e anniversaire de la Guerre de Sécession (1861-1865), qui laisse encore des traces dans la société états-unienne.
Enfin, au niveau de la diplomatie, Obama a connu des travers. L'exemple de la Syrie est terrible pour lui car il n'a pas osé intervenir malgré les limites franchies selon différents experts par Bachar el-Assad qui pourraient justifier la dite intervention. Mais le traumatisme de la guerre en Irak est fort dans la population, d'autant plus qu'elle a fait naître l'organisation État islamique qui sévit également en Syrie. Du coup, cette reculade des États-Unis a permis à la Russie de revenir au centre du jeu diplomatique sur ce conflit qui dure depuis 2011. Cette reculade est également la traduction d'un certain isolationnisme de la part d'Obama, du moins au niveau militaire. Sinon, l'impérialisme yankee décrié par certains anti-américains reste vivace. Que ce soit en Amérique du Sud où la droite libérale-conservatrice pro-Washington a repris du poil de la bête ces dernières années; ou en Europe, dont les relations sont devenues plus complexes. En particulier depuis les révélations d'Edward Snowden en 2013 sur la surveillance de masse opérée par Washington envers ses alliés européens, dont la France et l'Allemagne. Ce qui a compliqué la vie d'Obama dans les négociations sur le traité de libre-échange transatlantique (TAFTA), dont l'enjeu est bien plus qu'économique selon certains observateurs.
En tout cas, Obama et sa famille devront raser les murs pour éviter de se prendre une balle perdue de la part d'un policier blanc à partir de la fin janvier.