La désignation d'Emmanuel Ramazani Shadary comme candidat de la majorité présidentielle pour l'élection présidentielle prévue le 23 décembre prochain laisse imaginer que la période de pouvoir de Joseph Kabila pourrait être révolue. En tout cas, l'avantage du candidat pro-Kabila est de voir une opposition morcelée en face de lui.
Il a fallut attendre le dernier moment pour savoir qui représenterait la majorité présidentielle pour l'élection présidentielle prévue le 23 décembre en République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), mais c'est fait. Emmanuel Ramazani Shadary, secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), le parti de Joseph Kabila, est adoubé par l'actuel président de la RDC pour être son dauphin et déposer sa candidature au nom de la coalition Front commun pour le Congo (FCC), dont le PPRD est la principale composante, ce mercredi 8 août (cf lien n°1). Ce qui permet pour certains de dire que Kabila, au pouvoir depuis 2001, ne chercherait plus à aggraver sa (faible) légitimité en tentant un troisième mandat - interdit par la Constitution -, comme le soupçonnaient l'opposition et la société civile. De quoi atténuer une tension palpable ces deux dernières années.
Une stratégie à la Poutine?
Maintenant, si certains médias, comme le journal belge l'Écho, ou des membres de la majorité présidentielle, affirment que par ce geste, Kabila aurait respecté la Constitution, c'est faire oublier ce viol de la Constitution par Kabila et ses partisans depuis le 20 décembre 2016, date à laquelle il était censé ne plus exercer la fonction suprême. En clair, il y a de quoi se dire qu'ils appliquent la morale suivante: "il ne faut jamais prendre les gens pour des cons mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont".
Félicitations à @RamazaniShadary candidat du #FCC . Félicitations au PRESIDENT Joseph KABILA pour la parole respectée celle de ne jamais trahir la nation. Vive la Constitution, en route vers les élections et partant la victoire
— JULIEN PALUKU (@julienpalukucom) 8 août 2018
Après tout, en cas de victoire de Ramazani Shadary, qui dit que Kabila s'éloignerait définitivement du pouvoir, pendant que l'ancien ministre de l'Intérieur lui succèderait au Palais de la Nation? Rien! Et Kabila peut parfaitement continuer à exercer le pouvoir en utilisant son dauphin comme face visible, lisse et présentable auprès de la population congo-zaïroise et du reste du monde. Ce genre de méthode n'est pas nouveau en soi. Vladimir Poutine l'avait fait par le passé. Après ses deux premiers mandats présidentiels, de 2000 à 2008, l'actuel président russe n'avait pas pu se présenter pour un troisième mandat d'affilée car la Constitution russe ne le permettait pas. Du coup, il envoya un de ses proches, Dmitri Medvedev, se faire élire président de 2008 à 2012 et durant cet intervalle, Medvedev le nomma Président du gouvernement russe (Premier ministre). Un tel scénario n'est pas à exclure, quelque part. Du coup, en 2023, Kabila pourrait retenter de se faire élire président de la RDC, tout en ayant servi dans un futur gouvernement issu de la victoire éventuelle de Ramazani Shadary.
La chance pour Ramazani Shadary, c'est d'avoir une opposition multiple en face de lui, qui n'est pas prête à s'unifier de sitôt et qui est bâillonnée par le pouvoir. Vu la fin de la phrase, c'est une accusation que je lance. Comment la justifier? D'abord par le traitement médiatique. Par-delà des écrits, ou des messages de proches, il est indiqué que l'opposition est mise au ban du côté du service public audiovisuel congo-zaïrois qui déroule le tapis rouge pour le pouvoir. Ensuite, par les difficultés qu'ont certains opposants de pouvoir faire leur démarche de candidature. C'est le cas de Moïse Katumbi. Ancien proche de Kabila dans les années 2000, l'ancien gouverneur de la province du Katanga se clame opposant depuis 2015 et affiche depuis ce temps-là l'ambition présidentielle. Mais pour x raisons, le pouvoir le considère comme dangereux, le poussant à l'exil, au nom de son intégrité physique. Mais comme Katumbi compte des partisans au Katanga, ces derniers manifestent volontiers, et la réaction policière ne se fait pas attendre, avec de forts soupçons de violences policières à l'égard de manifestants pro-Katumbi (cf lien n°2).
Il n'y a pas que Katumbi. D'autres figures politiques congo-zaïroises veulent se faire entendre, telles Félix Tshisekedi et Jean-Pierre Bemba. Félix Tshisekedi porte l'héritage familial et politique de son père, Étienne Tshisekedi, candidat malheureux à l'élection présidentielle de 2011 et mort le 1er février 2017, en étant à la tête de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti fondé par son père. Le charisme du père ne semble pas être aussi remarqué chez le fils, qui eût fort affaire avec plusieurs départs de cadres de l'UDPS, certains rejoignant même la majorité présidentielle, autour de Bruno Tshibala, l'actuel Premier ministre, lui-même un ancien de l'UDPS. Néanmoins, Tshisekedi fils a fait récemment acte de candidature, afin d'affirmer qu'il est l'opposant numéro 1 à Kabila ou Ramazani Shadary (cf lien n°3). Enfin, Bemba, c'est un peu le retour d'une momie. Exilé depuis 2007 en Europe et en procès à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye depuis 2008, l'ancien vice-président (2003-2006), candidat battu en 2006, revient sur la scène politique suite à l'acquittement dans son procès à la CPI sur son rôle dans les crimes commis par sa milice, le Mouvement pour la libération du Congo (MLC), en Centrafrique, en 2003, après qu'il eût été condamné en première instance à 18 ans de prison pour "crimes de guerre" et "crimes contre l'humanité". Une occasion pour le fils d'un notable mobutiste de revenir au pays, saisie le 1er août dernier, en atterrissant à Kinshasa, auprès de ses partisans du MLC, devenu parti politique, et une foule qui est hostile à Kabila depuis des années (cf lien n°4). Mais ce retour en RDC fut de courte durée et de façon curieuse, Bemba est retourné à Bruxelles depuis le 6 août, appelant à une candidature unique de l'opposition (cf lien n°5). Du coup, certains émettent comme hypothèse que Bemba se serait entendu avec Kabila pour que l'ancien vice-président siège au Sénat après les élections, se rendant du coup illégitime puisque le Sénat, comme l'Assemblée nationale et la présidence, n'ont pas été renouvelés en 2016 - viol de la Constitution oblige! - (cf lien n°6).
Voilà une campagne électorale qui promet d'être tendue!
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