L'organisation d'un collectif intitulé "Stop Bolloré", avec une conférence de presse, mercredi 16 février, pour marquer le refus de la promotion de la haine raciale sur les médias appartenant à l'affairiste Vincent Bolloré, à travers les divers propos d'Éric Zemmour, est une initiative qui en couvre d'autres pour contrecarrer cette extrême-droitisation de la campagne présidentielle qui se mène.
"Une menace pour la démocratie". Voilà en substance ce à quoi correspond Vincent Bolloré auprès d'un collectif qui se nomme "Stop Bolloré", qui comprend des journaux indépendants (Politis, Reporterre, Mediapart, Le Média, L'Humanité, Frustration magazine, Les Jours, etc.), des syndicats ou associations (SNJ, CGT, Informer n'est pas un délit, Les Économistes Atterrés, Fondation Copernic, etc.), ou encore des universitaires (historiens, économistes, philosophes, politistes, sociologues, etc.) qui ont lancé une tribune et une conférence de presse, mercredi 16 février à Paris, pour signaler non seulement leur exaspération face à l'emprise de l'affairiste français sur la grande presse et la publication d'une saisine auprès de l'Arcom, institution prenant le relais du CSA, sur les propos tenus par Éric Zemmour sur les antennes de CNews, chaîne du groupe Bolloré, sur les trois dernières années écoulées (cf lien).
Concentration des pouvoirs
Dans cet appel, le collectif souligne les tentacules lancées ces dernières années par Bolloré dans la presse, avec le contrôle du groupe Canal+, le rachat de plusieurs médias appartenant au groupe Lagardère comme Europe1, Paris Match, le Journal du Dimanche en 2021, sans oublier le rachat du groupe Prisma Media la même année, contenant des médias comme Gala, Femme Actuelle ou encore Voici; puis le contrôle du monde de l'édition, avec l'ambition de racheter le groupe Hachette, appartenant au groupe Lagardère. Ce qui donnerait à Bolloré une position largement dominante dans l'édition en France.
En cela, une concentration du pouvoir dans la presse et dans l'édition dans de telles mains fait craindre une censure à terme, car bien des pensées critiques, déjà marginalisées dans les médias contrôlés par Bolloré, y compris en interne comme le rappelle la grève des journalistes d'I-Télé, devenue CNews en 2016, trouverait alors moins de place pour être imprimées, publiée dans des maisons d'édition dont le capital vient de l'affairiste français. Sachant que ce dernier suit son agenda politique, en ayant fait la promotion de Zemmour ces dernières années et dont des proches participent au financement de la campagne du candidat d'extrême-droite.
Enfin, et non des moindres, Bolloré agit de la sorte pour éviter toute enquête contre lui et si jamais une telle chose devait se faire, il n'hésitera pas à faire des procédures-bâillons contre des journalistes ou opposants. Néanmoins, il n'est pas impossible pour Bolloré de faire face à la justice, comme une mise en examen pour corruption en 2018 par exemple, en tant que version privatisée de la Françafrique.
Le cas de Bolloré n'est pas unique en France et que s'attarder sur lui peut être contreproductif. Pourquoi? Il est bon de rappeler que neuf milliardaires, dont Bolloré, détiennent (directement ou indirectement) 90% de la presse française. Ce qui leur donne un levier politique incommensurable, à défaut d'y avoir une certaine rentabilité économique (cf vidéo). De même qu'il y a moyen, pour eux, de faire pression sur certaines personnes (journalistes, politiciens, intellectuels, etc.). Bolloré le fait comme indiqué ci-haut avec des procédures judiciaire à veau-l'eau. Bernard Arnault n'est pas en reste en tant que première fortune de France (et même du monde selon les derniers classements de Forbes), propriétaire des journaux Les Échos ou encore Le Parisien via le groupe LVMH, principal annonceur publicitaire pour la presse écrite pouvant couper des recettes publicitaires à tout journal, voire utilisant des barbouzes pour espionner des personnes comme François Ruffin quand ce dernier réalisa son film Merci Patron! en 2016.
Au fond, derrière ce rassemblement collectif, il y a un message à faire passer auprès des citoyens, en cette période électorale et qui doit être le suivant:
- "Si vous voulez avoir une information libre, correspondant au plus près des préoccupations sur vos conditions matérielles d'existence (salaires, conditions de travail, logement, accès aux soins médicaux, etc.), contribuez à faire développer une expression alternative au discours ambiant, dont la préoccupation est d'aliéner les esprits en faisant circuler des théories racistes au service du capitalisme. Et cette expression alternative (augmentation des salaires, autogestion, régulation du logement, accès aux soins, sobriété écologique, décroissance, etc.) passe par une presse qui ne dépend que de vous, citoyen(ne)s. Vous seul(e)s avez le pouvoir de pérenniser (ou de faire tomber) cette presse qui tient à être loyale envers tout le monde et à être la plus cohérente possible."
Et pour conclure, j'aimerais vous partager un paragraphe de l'économiste Francis Delaisi, issu d'un ouvrage méconnu mais ô combien important, La Guerre qui vient, écrit en 1911 (avant 14-18 par conséquent)
- "En dépit des apparences démocratiques [en France], le peuple, on le sait, ne gouverne plus et ne contrôle plus ses gouvernants. Une petite bande de capitalistes se sont emparés des Conseils d'administration des grandes Sociétés financières; ils tiennent en leurs mains les banques, mines, chemins de fer, compagnies de navigation, d'eau, de gaz, d'électricité, bref tout l'outillage économique de la France [...] ils dominent le Parlement, disposent des ministres et prennent à leur solde la grande presse qui fait l'opinion publique. Habilement cachés derrière le paravent démocratique, ils sont en réalité les maîtres des destinées du pays."
À bon entendeur, salut!