L'annonce de la dégradation de la notation de la dette publique française par l'agence Fitch souligne combien la lutte sociale contre la réforme des retraites et au-delà attire l'attention du reste du monde, avec une dose d'inquiétude pour les affairistes.
À vouloir satisfaire les marchés financiers, ces derniers, éternels capricieux, se montrent encore plus exigeants et sévères. La France l'observe de nouveau avec l'annonce, ce samedi 29 avril, de la dégradation de la notation de la dette publique hexagonale, passant de AA à AA- de la part de l'agence de notation Fitch, l'une des trois principales agences de notations, avec Standard & Poor's et Moody's. Ce qui signifie que les titres de dette publique français vont être estimés comme plus risqués à l'avenir et que leur taux d'intérêt va être accru.
Aucune maîtrise gouvernementale
Qu'est-ce qui justifie cette révision à la baisse de la part de Fitch? En premier lieu, l'opposition à la réforme des retraites (cf lien n°1). Pourtant, celle-ci est faite pour faire plaisir aux marchés financiers puisqu'elle a été faite dans le cadre d'un Projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, c'est-à-dire que c'est un texte budgétaire. Mais en dépit du passage en force par l'article 49.3, de la validation par le Conseil constitutionnel, l'opposition ne désarme pas, à travers les concerts de casseroles comme comité d'accueil pour le président de la république Emmanuel Macron ou différents membres du gouvernement ces derniers jours. Tout comme la répression politique, policière, judiciaire, qui se fait à visage découvert. Ce qui fait que même certains économistes orthodoxes, par principe favorables à ce dépeçage des retraites, commencent à avoir un éclair de lucidité en voyant combien cette réforme des retraites a l'effet inverse de ce que le pouvoir recherchait et que Fitch sanctionne.
Mais ce n'est pas tout. Fitch souligne combien le programme de stabilité du gouvernement en matière de finances publiques, malgré son ambition de vouloir accélérer la réduction de la dette publique via une réduction des dépenses publiques, s'appuyait sur des perspectives de croissance trop optimistes. Quand le gouvernement table sur des perspectives de croissance de 1% (2023) et 1,6% (2024), l'agence de notation estime que le PIB français va s'accroitre de 0,8% en 2023 et 1,3% en 2024. Ce qui est quasi-équivalent aux estimations du Fonds monétaire international au sujet de la France (0,7% en 2023, 1,3% en 2024).
Autre élément, c'est au niveau des intérêts sur la dette. L'agence de notation souligne l'enchérissement des intérêts de la dette de 15 milliards d'euros en 2022 en raison des emprunts indexés sur l'inflation. Et ce, d'autant plus que ces titres de dette publique, qui représentent une part certes minoritaire (10 à 15% de la dette publique globale), sont majoritairement indexés sur le taux d'inflation de la zone euro, qui est plus élevé que celui de la France (cf lien n°2). C'est dire si le pouvoir est à l'ouest en matière de gestion publique! Et ce, par aveuglement idéologique alors que bien des études économiques soulignent combien l'austérité est contre-productive.
SOS Souveraineté financière, j'écoute?!
Cette dégradation tombe à un moment où la structuration de la dette publique française n'est plus majoritairement sur un contrôle citoyen (cf lien n°3). Je veux dire par là que quand on cherche à savoir qui détient la dette publique française, on finit par se rendre compte que ces derniers mois, il y a une tendance à ce que la majorité des titres de dette publique soit détenue par des ménages ou des institutions financières étrangères. Ce qui est un facteur aggravant en matière de risque pour les finances publiques. Même s'il ne faut pas trop compter sur un "patriotisme" de la part des ménages ou institutions financières français car après tout, "la dette, c'est de la redistribution à l'envers". Par conséquent, les détenteurs ont tout intérêt à ce qu'elle augmente pour en tirer un bénéfice juteux, sachant que les politiques fiscales du pouvoir ces dernières années sont à leur avantage.
Néanmoins, est-ce que la souveraineté financière, monétaire de la France est totalement exposée? Pas vraiment car l'hexagone mange sur la souveraineté d'autrui. En l'occurrence l'Afrique francophone, via le Franc CFA, qui est encore en place à l'heure actuelle, tant dans la zone concernant l'Afrique francophone de l'Ouest que la zone concernant l'Afrique centrale francophone. Et cela est avantageux pour la France. Et le jour où ce système monétaire, hérité de la colonisation, tombera car la pression populaire pour la disparition - et non pas la réforme - du Franc CFA reste importante, la France se fera véritablement du souci.
Enfin, faut-il vraiment accorder du crédit aux agences de notation? Vu leur rôle néfaste dans les suites de la crise financière de 2008-2009, et tout particulièrement en Grèce, il faut raison garder et souligner combien avec elles le conflit d'intérêt ne traîne jamais bien loin.
En tout cas, voilà une casserole dont le pouvoir aurait bien aimé s'en passer.
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